Rabat (Maroc) / De notre envoyé spécial Vers 16h, des jeunes du Mouvement du 20 février, fer de lance de la campagne pour le boycott du référendum, étaient au café Venise, non loin du siège du Parlement, pour échanger des informations sur les taux de participation et le déroulement de l'opération de vote. «J'ai fait le tour des quelques centres de vote, franchement ce n'est pas la grande affluence. Il faut attendre la fin de la journée pour avoir une idée proche de la réalité», affirme Moncif El Atif, figure de proue du mouvement à Rabat. Son camarade Hosni El Mokhlis, leader du Mouvement à Casablanca, se trouve ce vendredi dans la capitale. «A Casa, les gens sont restés chez eux. Les copains qui sont sur place me disent qu'il n'y a pas eu grande foule dans les centres de vote, mais il faut s'y attendre à ce qu'on annonce des taux de participation importants, c'est une vieille technique. Bourrage de urnes», nous dit-il. La militante féministe Mina Tafnout arrive du quartier populaire de Yakoub El Mensour, toute souriante : «Si ça continue comme ça, le taux d'abstention sera très élevé. J'ai fait la tournée de nombreux bureaux, il étaient quasi vides.» Pendant ce temps, le ministère annonce un taux de participation de 48,1%. Les animateurs du Mouvement du 20 février n'accordent pas trop d'intérêt aux résultats officiels. «Ils seront de toutes les manières truqués», affirme Moncef, qui commence déjà à préparer la manifestation à laquelle le Mouvement a appelé pour demain. Visiblement, le taux de participation est l'enjeu de ce référendum. Un véritable test pour le roi Mohammed VI. Il ne s'agit pas seulement d'adopter le projet de réforme constitutionnelle, mais également de mesurer sa propre popularité au sein d'une société qui se paupérise. Cependant, l'issue du scrutin ne fait aucun doute. C'est une simple formalité. Les partis historiques sont au garde-à-vous. Appuyé par le roi et soutenu par les formations politiques classiques – dont l'Union socialiste des forces populaires (USFP), le Parti de la justice et pour le développement (PJD) de tendance islamiste, l'Istiqlal, le Parti pour l'authenticité et modernité (PAM), ainsi que quelques centrales syndicales – le projet constitutionnel devrait être adopté par la majorité de ceux qui ont fait le choix de se rendre aux urnes. Le jeune monarque est quasiment assuré de voir son projet entériné. «Nous pensons atteindre un taux de participation de 75%», estime Mustapha Labraïmi, chargé des relations extérieures au sein du Parti du progrès et du socialisme, qui apporte un soutien total au projet de réforme. Le taux de participation avait tourné autour de 30% aux législatives de 2007 et de 50% lors des municipales de 2009. Le roi redoute sérieusement que cette désaffection soit rééditée à l'occasion de ce référendum, le premier de son règne. Il faut dire que les partisans du boycott – regroupés dans une coalition des partis de la gauche radicale, des islamistes de Adel Oua El Ihssan, du Mouvement du 20 février, de la Confédération démocratique du travail et d'une cinquantaines d'associations – n'ont pas pu se faire entendre durant la campagne. «Nous étions montrés du doigt par les partis et la presse du palais comme étant des ennemis du pays. Le makhzen et ses partis nous livrent une guerre sans merci alors que nous nous battons pour un Maroc libre et démocratique.» La presse, écrite et audiovisuelle, a été mobilisée pour la cause du roi. «Aux urnes, citoyens» a titré le quotidien Le Matin. Tous les journaux parus le jour du scrutin (vendredi) ont été diffusés avec le texte de la nouvelle Constitution, alors que la campagne s'est arrêtée jeudi à 23h. Pour le secrétaire général du Syndicat des journalistes marocains, Younes Medjahed, qui soutient le projet de réforme, il faut encore du temps pour voir les choses évoluer : «C'est une Constitution pour la transition démocratique et non pas une Constitution démocratique.» Les résultats définitifs seront connus aujourd'hui. Ils devraient donner des indications sur la popularité du roi Mohammed VI. Le Mouvement du 20 février, lui, reprendra la lutte pour imposer dans la rue un changement digne des aspirations des Marocains. «Demain est un autre jour de lutte», martèle Moncef El Atif.