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Ces politiciens qui cherchent la baraka des cheikhs
Publié dans El Watan le 29 - 04 - 2012

Si des politiciens cherchent la baraka des cheikhs, leur vision n'est pas circonscrite. En les sollicitant, ils veulent berner l'opinion publique. Les candidats, passés maîtres dans l'art de la tromperie, essayent de se donner une image de sainteté. Soulignons que la collaboration de quelques cheikhs ajoute de l'eau au moulin. Ils participent ainsi au subterfuge, en contrepartie de quelques modiques dinars. Toutefois, une poignée de cheikhs résistent aux tentatives de récupération politicienne. Les zaouïas, dans le passé et le présent, jouent pour une partie d'entre elles un rôle majeur dans la société, comme la mise à terme de conflits familiaux et «claniques».
D'autres n'existent que pour cautionner les dérives d'une autorité. L'histoire retiendra que des confréries ont lutté contre le colonisateur, alors que leurs semblables, pour des raisons de leaderships, ont applaudi l'invasion.
Pour en savoir plus, nous sommes allés à la rencontre de l'une des quatre plus importantes confréries en Algérie, en l'occurrence le commandement général de la Tariqa Rahmania. A elle seule, cette tariqa brasse des centaines de milliers d'adeptes. Son commandement est entre les mains du cheikh Mohamed El Mamoun El Kacimi El Hassani, 68 ans, également à la tête de la zaouïa El Kacimia d'El Hamel depuis 1994. El Hamel, distante de 8 km de Bou Saâda (250 km au sud est d'Alger), se situe au pied du massif oriental de l'Atlas saharien.
Une influence considérable dans le sud-est algérien
Agréable petite commune de 12 000 habitants, elle abrite depuis 1863 la zaouïa El Kacimia. Elle a été fondée par Mohamed Ben Abi El Kacim. Comparée aux zaouïas affiliées à la Tariqa Rahmania (250 environ), celle d'El Hamel n'a pas encore fêté son bicentenaire. Les Kacimi sont devenus d'office les pôles de la Tariqa Rahmania lors du transfert du «pouvoir spirituel» opéré par cheikh Ameziane Ahdeddad. Ce dernier en a décidé ainsi suite à son incarcération à Constantine, à la prison de Koudiet, au lendemain de l'insurrection des Biban menée de pair avec cheikh El Mokrani, raconte l'un des moqadem de la zaouïa. Depuis cette date, les adeptes de la tariqa, Kabyles pour la plupart, se regroupent chaque année à El Hamel pour rencontrer leurs frères.
Les Rahmanis s'appellent entre eux les «ikhwan». De cet héritage, l'influence de la zaouïa d'El Hamel reste considérable, au-delà même du champ religieux. Son poids est tellement conséquent que son cheikh est actuellement membre du Conseil supérieur islamique.
D'emblée, Mohamed El Mamoun nous relate la situation des zaouïas en général, et celle qu'il préside en particulier. «A partir des années 1970, nos institutions ont été réprimées, interdites d'exercer et réduites presque à néant. Il y avait une volonté de couper le cordon ombilical, millénaire, qui lie les zaouïas à la société algérienne.» La Tariqa Rahmania Khalwatia, fondée en 1774 par Sidi Mohamed Ben Abderrahmane, dit Sidi M'hamed, n'est pas seulement ancrée en Algérie.
Des zaouïas qui lui sont affiliées existent également en Tunisie et en Afrique, notamment au Soudan. Sidi M'hamed avait enseigné au Darfour, avant de revenir 30 ans plus tard, en 1750, en Algérie où il créa plusieurs centres d'enseignement. La rencontre avec cheikh El Mamoun El Kacimi s'est déroulée sans protocole. Le visage serein, habillé d'un burnous et d'une djellaba éclatants de blancheur. Les discussions pour évoquer avec le cheikh la vision politique des zaouïas se sont déroulées sans tabou. Et pour cause, le cheikh avait des choses à dire.
Zaouïa pro-régime et zaouïa neutre
Dans son modeste salon (les soufis ne donnent pas de valeur au luxe), cheikh El Mamoun dit que les pratiques de quelques zaouïas lors des campagnes électorales divergent. Comme dans un passé, où quelques-unes d'entre elles n'ont pas fait honneur aux confréries, et comme d'autres ont constitué un stock d'hommes, ainsi que des refuges, pour les moudjahidine montés au maquis. «La Rahmania, pour sa part, la zaouïa d'El Hamel entre autres, n'accorde aucun soutien aux politiciens, que ce soit à la veille d'échéances électorales ou pour d'autres événements.
Nous considérons tous les Algériens comme des musulmans égaux devant Dieu. Politiquement, nous ne cautionnons personne», tranche cheikh El Kacimi. «Si nous avons une vision politique, elle ne concerne que l'islam», soutient-il. Le chef de la Tariqa Rahmania précise que «le seul champ d'action est lié à la société, car nous nous intéressons, d'un point de vue global, au sort de la communauté». Au fil des entrevues, cheikh El Mamoun El Kacimi tient à se démarquer des zaouïas qui ont clairement affiché leur position partisane, encourt une fois, sans les citer et sans évoquer des noms. «Nous ne sommes membres d'aucune organisation ni d'aucune association», affirme notre interlocuteur. Puis, il souligne que «seule la Rabita Rahmnia des zaouïas éducatives représente la confrérie». Celle-ci a été créée en 1989 pour contribuer à stopper la déferlante wahhabite qui prenait de l'ampleur.
«Notre ‘rabitat' a été mise sur pied sur des bases solides, pour servir Dieu. Elle ne sera jamais sous la tutelle de quiconque.» «L'islam prôné par les cheikhs qui nous ont précédés est conforme à la société algérienne», explique-t-il. Cette précision est de taille. Mahmoud Chaâlal, président de l'UNZA, parle au nom des zaouïas membres de l'organisation qu'il préside. El Mamoun, lui, défend la ligne de la «rabita rahmania». Par ailleurs, sans citer le moindre nom, mais toujours facile pour savoir à qui il fait illusion, cheikh El Mamoun déplore «la vindicte injuste et injustifiée qui s'est abattue sur les tariqa soufie, et sur le soufisme d'une manière générale, au lendemain de l'indépendance».
Décision politique ou pas ? El Mamoun El Kacimi expose les conséquences : «En voulant tuer les zaouïas, ils (les autorités post-indépendance) ont laissé le terrain vierge à des courants religieux étrangers à nos coutumes et à notre raisonnement», argue-t-il. Il ajoute que «les zaouïas ont été des remparts. Elles ont formé de grands savants algériens et véhiculé l'islam dans son originalité, dans son équilibre, sa modération et sa tolérance. Cela grâce à une éducation complète et à la bonne compréhension des textes sacrés».
«Notre politique c'est l'islam»
Loin d'être des réservoirs électoraux de circonstance, cheikh El Mamoun veut rappeler que «les zaouïas ont au contraire été les lieux de réconciliation entre les tribus et les individus, et non des lieux de rixe et de tensions». Selon lui, «il arrive que nous soyons sollicités pour œuvrer en faveur de la paix et de la réconciliation». La zaouïa d'El Hamel n'appelle ni au vote ni au boycott, malgré l'influence qu'elle exerce sur les tribus du Sud-Est algérien. Le pôle de la Tariqa Rahmania indique que «lors des élections, si des citoyens désirent voter (il répète ‘si' deux fois), nous leur conseillons de porter leur choix sur les hommes et les femmes honnêtes, de bonne volonté, qui veulent concrétiser la justice sociale entre les gens. Nous ne leur disons jamais de voter expressément pour quelqu'un». Quant aux politiciens qui se rendent à la zaouïa d'El Hamel, le cheikh dit que les visites sont courantes et ordinaires. De même, poursuit-il, «j'ai reçu plusieurs personnalités». Il explique qu'en étant chef de zaouïa, il lui est refusé de «renvoyer les visiteurs d'où qu'ils viennent, quels que soient leur nature, leur statut, leur catégorie».
Si des politiciens veulent s'afficher avec le cheikh, «leur volonté est de faire croire à l'opinion publique qu'ils sont bénis par cette autorité religieuse», confie en aparté un membre de la zaouïa. Le cheikh, quant à lui, s'innocente : «Si les caméras me montrent avec des membres de partis politiques, cela ne veut pas dire que je demande à la population de voter pour eux.»
El Mamoun regrette, sans le dire explicitement, que des images passant en boucle à l'ENTV soient exploitées à des fins politiciennes. Cela dit, toujours est-il que le cheikh conseille aux citoyens qui veulent voter de choisir «les personnes qui tiendront leurs promesses et qui soulèvent l'intérêt de la nation sur toute autre considération».
Cheikh El Mamoun recommande également de voter pour les personnes dont «la préoccupation première est la lutte contre le chômage, le recouvrement des droits et le combat contre l'injustice».
Dans la foulée, il précise, et c'est peut-être là un message qu'il adresse aux politiciens que «la mission d'une zaouïa c'est avant tout l'enseignement de la religion». Cette thèse n'est pas partagée par l'UNZA, qui pense que «c'est une erreur d'écarter les zaouïas du jeu politique». Cheikh El Mamoun reconnaît, sans le dire clairement, que l'exploitation des zaouïas par les politiciens décrédibilise davantage ces institutions cultuelles. Pour lui, «l'histoire retiendra cependant que les zaouïas ont toujours été des centres culturels, d'enseignement et des fiefs nationalistes».
Les citoyens qui se rendent à la zaouïa d'El Hamel n'évoquent pas les élections législatives du 10 mai. Bien au contraire, on sent un désintéressement total de leur part. Dans la zaouïa d'El Hamel, 65 élèves (talib) apprennent le Coran. Ils ne s'intéressent ni aux élections ni à la vie politique. Pour eux, «ce serait une perte de temps de parler de sujets pareils». Seul l'islam prime dans cet endroit. Ces mouride (disciples) sont inscrits en système d'internat. Ils sont pris en charge de la nourriture jusqu'au logis. Les dépenses sont conséquentes. Selon la direction, «la zaouïa survit avec l'aide de bienfaiteurs».
La zaouïa d'El Hamel a été la seule institution soufie dirigée par une femme, en l'occurrence lala Zineb, fille du fondateur Abi El Kacim, de 1897 à 1904. Son cousin germain a repris le flambeau lorsqu'elle a rendu l'âme. Dans la tradition confrérique, le successeur hérite de «secrets spirituels». Un membre de la direction de la zaouïa s'interroge quant à l'absence dans les manuels scolaires de plusieurs vérités. «Dans les livres, on ne dit jamais que l'Emir Abdelkader était un soufi de la tariqa Kadiria, que cheikh Aheddad était issu de la tariqa rahmania et bien d'autres chefs ont été membres de confréries.»
La révolution agraire, mise en œuvre par le président Houari Boumediène à partir des années 1970, a privé les zaouïas de leurs terres. «Les biens wakfs ont été nationalisés. Les confréries se sont retrouvées sans ressources financières pour faire fonctionner leurs centres». Pour l'histoire, dans le temps, les tribus, pour ne pas verser régulièrement des biens et des offrandes, notifiaient des parcelles de leur terres en wakf, donc en «houbous». Les zaouïas pouvaient cultiver différentes sortes de produits maraîchers et les vendre pour continuer à subvenir aux besoins techniques de leur institution. «Depuis 1991, avec l'arrêt officiel de la révolution agraire, des zaouïas peinent à recouvrer leur droit», cite un moqadem.
Destination Tolga, à 150 km au sud de Bou Saâda et à 450 km d'Alger.
Là se trouve la zaouïa de Sidi Ali Ben Omar, dite la zaouïa othmania. Elle est également rattachée à la tariqa Rahmania. Fondée en 1780, dans ce magnifique endroit apaisant, retapé et bien entretenu, cheikh Abdelkader El Othmani, fez sur la tête, nous reçoit aimablement. Du haut de ses 86 ans, il reste lucide, élégant et éloquent. A notre question sur le rôle des zaouïas lors des campagnes électorales, il répond sans gêne que «la zaouïa Othmania n'est pas concernée». «Nous ne soutenons aucun politicien. Nous sommes contre la division du peuple algérien. Pour nous, seul l'intérêt national est important», lance-t-il. Son fils, Azouzi Othmani, la soixantaine entamée et avocat de profession, ne nie pas que «des politiciens tentent d'exploiter l'aura qu'ont les zaouïas sur les populations, afin de gagner des voix». Cheikh El Othamni explique que «les politiciens savent à quoi s'en tenir ; aucun soutien ne leur sera accordé de notre part». «Nous enseignons l'islam, pas la politique», tranche le cheikh.
La zaouïa Othmania est jalouse de son indépendance. Elle a uniquement intégré la rabita Rahmania que préside cheikh El Mamoun El Kacimi. Le fils de cheikh Abdelkader Othmani, Azouz, ironise : «Avez-vous vu un serpent à trois têtes dans une palmeraie. Une est munie d'un sabre, une deuxième d'un pistolet, forcément, la troisième est arrachée.» Traduction : cette petite formule laisse sous-entendre qu'aucun politicien n'est le bienvenu pour des motifs électoraux. Enfin, reste à savoir si la tariqa Rahmania se préservera de tout entrisme. Difficile. Mais une chose est sûre, des zaouïas, même s'il arrive de douter de leur indépendance vis-à-vis du régime, disent jouer un rôle pour bloquer l'expansion du wahhabisme. Il reste que l'utilisation de la religion à des fins politiques demeure une grave atteinte aux valeurs modernistes. N'est-ce pas imiter les wahhabistes qui utilisent la religion à des fins politiques ? Une zaouïa, une mosquée ou tout autre lieu de culte ne doit se consacrer qu'à des activités religieuses, pour que les politiques, eux, s'occupent de faire de la vraie politique.


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