– Selon une récente étude sur la vulnérabilité aux risques naturels dans la wilaya d'Alger, qui vient tout juste d'être finalisée, la menace de séismes dévastateurs plane sévèrement sur la région. Quel commentaire pouvez-vous en faire ? Je dirais simplement que cette étude n'apporte rien de nouveau aux scientifiques algériens, soit dans les universités soit dans les centres de recherche. Des études sur les risques naturels et leur impact dans les grandes villes algériennes, y compris la capitale, ont été réalisées par les centres de recherche algériens tels que le Centre national de recherche appliquée en génie parasismique (CGS), le Centre de recherche en astronomie, astrophysique et géophysique (Craag) ou les universités algériennes telle que l'université des sciences et de la technologie Houari Boumediène (USTHB). Je souhaiterais que les responsables, dans nos ministères, se rapprochent de nos scientifiques et de nos universités avant d'appeler les étrangers et, par là, montrer au grand public que l'université algérienne, avec 50 années d'existence, n'a pu former des scientifiques capables de réaliser une étude de vulnérabilité, alors que plusieurs études de microzonation et d'évaluation de vulnérabilité des structures stratégiques ont été déjà réalisées par les scientifiques du CGS. Je recommande aux autorités concernées par la réduction des risques de catastrophe d'aller creuser dans les archives des centres de recherche algériens avant d'appeler des consultants étrangers.
– Quelles sont les limites de ces prévisions ?
Ces prévisions sont basées sur l'approche probabiliste et donc ne peuvent être que des outils d'aide à la décision pour les décideurs. Tout le monde, à Alger, société civile et autorités publiques, connaissent très bien le degré de vulnérabilité des constructions à Alger et plus particulièrement les constructions datant d'avant 1962.
– L'Algérie, qui a connu plusieurs séismes violents ces dernières décennies, a-t-elle une politique préventive efficace ?
A mon avis l'Algérie, après plusieurs expériences de catastrophes, a développé une politique préventive particulièrement aux séismes. Je citerais, à titre d'exemples, les règles parasismiques algériennes (RPA) qui ont été adoptées la première fois en 1981, l'assurance «catastrophes naturelles» qui est obligatoire depuis septembre 2004, l'enseignement du génie parasismique dans la majorité des universités et écoles supérieures algériennes, les études d'aléas et de vulnérabilités réalisées par les institutions algériennes, l'éducation dans les cycles primaires et secondaires au comportement face au risque sismique (ministère de l'Education nationale, Croissant-Rouge algérien et DGPC), l'acquisition par le CGS (ministère de l'Habitat) d'une table vibrante pour mener les recherches en génie parasismique dans le cadre de la réduction du risque sismique.
– Quelle serait, selon vous, la meilleure stratégie de prévention à adopter pour faire face aux risques de séismes et pour en atténuer les dégâts ?
Pour la réduction des dégâts, la meilleure stratégie est principalement l'application stricte des Règles parasismiques algériennes (RPA1999/2003) pour les structures nouvelles et le renforcement des structures existantes vulnérables qui ne répondent pas aux normes d'aujourd'hui ; la formation des administrateurs et des ingénieurs au sein des administrations ainsi que des entrepreneurs à la réduction des risques de catastrophes sismiques au sein des universités. Il faut aussi sensibiliser et encourager les propriétaires privés à renforcer leurs maisons conformément au RPA1999/2003 par la mise à leur disposition des crédits nécessaires, renforcer les prérogatives du Contrôle technique des constructions (CTC) et jouer un rôle de force publique. Les assurances doivent aussi jouer un rôle important dans l'atténuation des dégâts. Il est clair comme le cristal que toute la stratégie de prévention doit commencer par la sensibilisation de la société civile. En conclusion, je dois dire que, comme toute autre forme d'action en faveur de la protection, de la promotion sociale et du développement économique, la réduction des pertes en vies humaines et économiques doit se baser sur la recherche scientifique, à travers une stratégie nationale de gestion des risques aussi bien naturels que technologiques. Nous savons aujourd'hui que la science et la technologie modernes, alliées à une politique sociale éclairée, sont capables d'atténuer considérablement les effets négatifs des risques majeurs.