La Gendarmerie nationale ajuste sa stratégie de lutte en organisant un séminaire sur le sujet et s'ouvre à des disciplines de prévention telles que la sociologie et la psychologie. Vêtus de leur uniforme bleu, des policiers arpentent les rues d'Alger à la recherche de mineurs en «danger moral». Rien ne les distingue de leurs collègues, pourtant, ils font partie d'une brigade spécifique : la brigade policière de protection des mineurs. Il en existe trois à Alger (ouest, centre et est), mais elles sont aussi présentes au sein des grandes villes du pays, aux côtés de huit brigades créées par la gendarmerie. «Si on remarque un mineur seul, dans la rue, parfois sale ou débraillé, après 18 ou 19h, il peut s'agir d'un fugueur. Dans ce cas, on le ramène au poste de police et on tente de contacter sa famille pour le ramener chez lui», témoigne une policière de la brigade d'Alger-Est. La brigade de protection des mineurs, créée en 2005, a pour tâche de prévenir et contrôler la délinquance juvénile, un phénomène qui stagne depuis plusieurs années en Algérie. Selon les chiffres de la Gendarmerie nationale sur la période 2008-2012, ce sont 3153 mineurs en moyenne qui sont impliqués chaque année dans tout type d'infractions. Un phénomène qualifié de «fléau» et de «bombe à retardement» pour deux raisons. Primo, il concerne les mineurs du pays, c'est-à-dire 48% de la population en Algérie. Secundo, cette population mineure représente donc le futur de l'Algérie. La brigade surveille deux catégories de mineurs : les individus «en danger moral», c'est-à-dire «en position de pouvoir commettre un délit», selon la policière, et les délinquants qui, eux, sont pris la main dans le sac. En tête des délits recensés, les vols, suivis des coups et blessures graves (entraînant parfois la mort) ou encore la participation à des réseaux criminels. Selon les différents experts présents au séminaire sur la délinquance juvénile organisé par la Gendarmerie nationale, les causes de la délinquance sont multiples, mais elles sont surtout très vagues. Ils ont ainsi épinglé l'«éclatement de la famille», «la perte de valeurs», «le décrochage scolaire» et «la société libertaire, poussant à la consommation». Une autre cause est très peu évoquée : celle du climat économique et social morose, qui ouvre des perspectives peu avenantes pour les mineurs d'aujourd'hui. La lutte contre le phénomène concerne pour le moment uniquement les instances policières et judiciaires. Cependant, au vu des causes listées, c'est l'absence d'acteurs sociaux – psychologues, sociologues, médiateurs sociaux – qui se révèle flagrante pour prévenir les délits. Un projet-pilote de médiation familiale devrait par ailleurs être lancé en 2013 en Algérie. «Un mineur délinquant est un enfant à rééduquer et non à punir», avait déjà affirmé la commissaire en charge de la protection des mineurs, Mme Messaoudène. Il est vite apparu qu'au final, tout le monde est concerné par la prévention de la délinquance juvénile : les experts se sont accordés à dire que tout citoyen avait pour devoir civique de dénoncer de tels délits pour faire reculer le phénomène.