Le parti libéral du Québec (PLQ) a remporté les élections législatives avec 70 sièges sur les 125 que compte l'Assemblée provinciale. Son chef Philippe Couillard (Lire entrevue accordée à El Watan ) succédera à Pauline Marois dont le Parti est relégué dans l'opposition après 18 mois de règne. Le Parti québécois (PQ) obtient 30 sièges suivi de la Coalition Avenir Québec (CAQ) avec 22 sièges et Québec solidaire qui récolte trois sièges.
La première ministre sortante a, elle-même, perdu son siège à l'Assemblée et a présenté sa démission de la tête de son parti. La campagne électorale qui a commencé officiellement il y a un peu plus d'un mois a débuté réellement en septembre dernier. A cette époque le gouvernement sortant a présenté son projet deCharte des valeurs québécoises. Il devait, selon le PQ, baliser les demandes d'accommodements religieux., entre autres
En effet, la législation canadienne permet de déroger aux règlements et lois, sous certaines conditions pour des motifs religieux ou autres comme dans le cas des personnes handicapées. Pour les opposants à ces dérogations, les musulmans abuseraient de ces droits. Une affirmation qui ne résiste pas à l'épreuve des faits, selon plusieurs acteurs et observateurs québécois.
C'est tout ce débat qui a animé le Québec depuis 2006 qui semble avoir pris fin ou une pause hier avec la défaite cuisante du PQ. Bien que tout le monde semblait d'accord pour rajouter quelques balises à ces accommodements, il restait un point dans le projet de charte qui ne faisait pas consensus : l'interdiction du voile dans la fonction publique, para-publique et pour toute entreprise qui ferait affaire avec l'Etat. – Dans certains cas, ce projet de loi donnait même la possibilité aux gestionnaires des services de garde d'enfants d'interdire la nourriture halal.
Finalement, c'est l'interdiction du voile, et d'autres raisons bien sûr, qui semble avoir emporté le gouvernement sortant. « Les électeurs ont dit un non retentissant à la possibilité, même ténue, d'un troisième référendum sur l'indépendance du Québec. Ils ont aussi rejeté la charte de la laïcité, projet phare du gouvernement Marois. », affirme l'agence de Presse canadienne.
Les dérapages xénophobes et islamophobes qui ont entouré les débats depuis huit mois, les insultes et les agressions verbales auxquelles étaient soumises des femmes portant le voile et largement couverts par les médias québécois, ont installé un climat d'islamophobie digne de l'Europe.
Dans un entretien accordé à El Watan pendant la campagne électorale, Omar Aktouf, professeur à HEC Montréal, affirmait que « le PQ joue sur le terrain de la terreur identitaire à l'instar des Front National en France et l'ensemble de l'extrême droite européenne ». Il trouve que ce parti n'est plus ce qu'il était et détourne l'attention du peuple des vrais enjeux et lui désigne un ennemi imaginaire : le musulman. Les stratèges du PQ auraienttablé sur l'islam bashing pour faire avancer leur agenda.
Le président et co-porte parole de Québec solidaire, Andrés Foncticella, nuance en affirmant que « la grande majorité des membres du PQ ainsi que son électorat partage des idéaux de justice et tolérance devant la diversité. Il est donc d'autant plus étonnant que la direction de ce parti ait privilégié cette voie».
La position inclusive de Québec solidaire, parti de gauche,rappelle que l'indépendance du Québec n'est pas une exclusivité du PQ. Le mouvement souverainiste n'était pas dans sa totalité avec le projet de charte.
De son côté, le vainqueur de ces élections, Philippe Couillard, qui devient le nouveau Premier ministre avait mis de l'avant ce point en appelant, sur les colonnes d'El Watan, les Québécois d'origine maghrébine à voter pour un « Québec sans discrimination ».
Ali Kaidi, détenteur d'un doctorat en philosophie et l'un des membres fondateurs de l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité (AQNAL) lance une alerte à propos du concept d'islamophobie.
« Pour moi, islamophobie est une nouvelle phobie inventée, défendue et promue par des islamistes dans le but d'empêcher la critique et le débat sur des questions sociétales qui ont des relations avec la religion. Ainsi, après avoir fermé le débat à l'intérieur de la communauté musulmane en accusant toute critique venant des musulmans eux-mêmes d'apostasie, les voilà maintenant qui essayent avec tous les moyens de fermer toute critique provenant de l'extérieur en l'accusant d'islamophobie», explique-t-il.
Il est rejoint par Aziz Farès, ancienne gloire de la radio algérienne, et producteur radio à Montréal. Pour lui l'islamophobie est un outil entre les mains des intégristes. Ils s'en servent pour intimider et « culpabiliser la société d'accueil ». Le point d'équilibre entre ces différentes positions serait de combattre autant l'intégrisme que l'islamophobie.
L'un des enjeux futur de la communauté est de rester vigilante face aux groupuscules intégristes qui déteignent sur la réputation de milliers de musulmans pratiquants, laïcs ou même athéesd'ascendance musulmane.
Les Québécois d'origine algérienne L'élection québécoise de 2014 restera pour l'Histoire comme étant l'une de celles qui auront vu une forte participation maghrébine et donc algérienne.
Crédités habituellement d'un taux de participation oscillant entre 10 et 20%, les Maghrébins auraient voté dans une proportion entre 50 à 60% selon des médias québécois. Une hausse de 400%. L'enjeu de la charte des valeurs y a beaucoup joué.
Paradoxalement, cette mobilisation n'a pas servi les candidats d'origine algérienne. Elle les aurait même desservis dans certains cas. Les résultats de ces candidats ont suivi ceux de leur parti, le PQ.Ainsi Djemila Benhabib qui se présentait pour la deuxième fois au nom du PQ et qui est une ardente défenseur du projet de charte a été battue par plus de 8 000 voix dans Mille-Iles dans la périphérie nord de Montréal. Yasmina Chouakri a perdu par près de 9 000 voix de différence dans Anjou-Louis Riel (Montréal) où réside une communauté maghrébine. Leila Mahiout a été battue par plus de 12 000 voix dans Bourassa-Sauvé (Montréal).Et Rachid Bandou, dans le comté de Saint-Laurent, a perdu par plus de 27 000 voix.