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A Abu Dhabi, les filles de joie font contre mauvaise fortune bon cœur
Publié dans El Watan le 13 - 09 - 2014

Hommes d'affaires, artistes, cadres, touristes, simples ouvriers, tous accourent à la recherche d'une vie meilleure. En quelques années, Abu Dhabi est devenue la «Mecque» du business et du tourisme. L'endroit où il faut être. On y vient pour faire fortune et ensuite repartir construire son avenir dans son propre pays.Dans ce riche émirat, tout le monde vient de quelque part, excepté les locaux (habitants autochtones d'origine bédouine) qui assistent, sans broncher, aux transformations sociales, culturelles et industrielles touchant leur quotidien.
Autrefois plus calme et plus conservatrice que sa consœur de Dubaï, Abu Dhabi s'est décomplexée en peu de temps. En pariant sur la finance et le tourisme, en plus du pétrole. Et qui dit tourisme, dit forcément prostitution. Car l'un ne va pas sans l'autre dans cet émirat où l'islam demeure la religion officielle, et où les écarts de conduite, s'ils sont constatés, peuvent conduire directement au cachot.
Une atmosphère détendue à la «Gauloise»
Alors tout le monde fait semblant de ne rien voir. Pourtant, il suffit de sortir le soir pour vite comprendre que la prostitution, qu'elle soit de luxe ou de misère, fait désormais partie du décor de cette cité à la fois étonnante et complexe.
Nous avons tenté de comprendre comment cela fonctionne ? Comment est organisé le réseau de prostitution ? Qui sont ces filles de joie qui vendent leurs charmes pour une poignée de dirhams (monnaie locale) ? D'où viennent-elles ? Pourquoi s'adonnent-elles au plus vieux métier du monde dans un pays qui demeure sous l'influence des traditions religieuses ? Comment arrivent-elles de leurs pays d'origine ? Sont-elles soumises à des «exploitants du corps» ? Comment vivent-elles et comment obtiennent-elles le fameux permis de résidence ?
Nous sommes fin mai. Direction l'hôtel le Méridien au centre-ville, collé au Abu Dhabi Mall. Les bars et les terrasses sont bondés. Des hommes, des femmes, des touristes et des expatriés sirotent, dans une ambiance bon enfant, bière et autres liqueurs. Mais, au fur et à mesure que minuit arrive, les tables se remplissent de jeunes filles qu'on n'a pas toujours l'habitude de croiser la journée.
Bien maquillées, coquettes, les visages gonflés par le sommeil, vêtues de jupes serrées ou en jean, téléphone portable à la main, elles prennent discrètement place sur la terrasse du bar Williams.
Cigarette à la main, certaines sirotent un vin blanc frais, d'autres une chope de bière. Le passage au bar est une étape importante pour ces filles de joie, arrivées en majorité des pays de l'Europe de l'Est et d'Asie. Mais il y a aussi des Libanaises, des Egyptiennes, des Marocaines, des Tunisiennes, et aussi quelques Algériennes.
La prostitution soumise à la règle de l'offre et de la demande
C'est là qu'elles posent leur premier regard sur d'éventuels clients qu'elles s'emploieraient à séduire au cours de la soirée. Décontractées et affables, elles sourient à tout-va, lançant des mots espiègles. Les plus téméraires réussissent à se faire inviter à d'autres tables. Soudain, presque dans un seul mouvement, elles quittent le Williams, direction le G, nom de la discothèque du Méridien, qui veut dire Gauloise. Elle est spécialisée dans la musique arabe et internationale.
Nous suivons le mouvement et nous voilà accoudés au comptoir de la Gauloise. Bien que l'entrée soit payante pour les hommes, nous y avons été dispensés, car nous connaissons la personne qui filtrait les entrées.
A l'intérieur, rien d'exceptionnel. Un bar avec un long comptoir sur lequel étaient adossées les jeunes filles, fumant et buvant, mais surtout les yeux grands ouverts, guettant le moindre appel ou invitation venant de la gent masculine.
Quelques sièges en cuir noir disposés à même le sol. Une piste de danse, pas très grande, ressemblant à une fosse, et surtout une sonorisation approximative. En revanche, les jeux de lumière vous donnent le tournis et les grosses chopes de bière vous font tourner la tête.
Quatre heures d'amusement pour ne pas repartir bredouille. Les filles de joie usent et abusent de tous les artifices de séduction pour conquérir le peu d'hommes qui se trouvaient à l'intérieur ce soir-là. Certaines balancent leurs hanches, les mains appuyées sur un tabouret, d'autres fredonnent des chansons arabes et se déhanchent au rythme de la musique raï. Les plus téméraires se lancent à corps perdu dans des danses orientales improvisées, jouant de leurs cheveux, de leur corps et de leur regard…
Des filles qui proposent leurs charmes à moindre coût
Certaines, bien qu'elles soient venues d'Asie, arrivent à prononcer quelques mots d'arabe. Car ici la clientèle masculine est en majorité arabe. Irakiens, Jordaniens, Syriens, Emiratis sans leurs tenues traditionnelles, Saoudiens, Libanais, Egyptiens et autres, tous viennent à la Gauloise pour une aventure d'un soir. Mais qui peut se renouveler le lendemain.
Les prix d'une nuit avec une fille de joie sont fluctuants. C'est entre 400 et 1000 dirhams la nuit (entre 80 et 200 euros). Mais, parfois, ils peuvent atteindre jusqu'à 2000 dirhams (environ 400 euros), notamment au début du mois, une fois que les hommes ont touché leur salaire.
Mais en cette soirée de fin mai, les affaires ne semblent pas avoir été assez fructueuses pour les dames de la Gauloise. Peu de femmes sont reparties au bras d'un monsieur. Autant de danse, de gestes aguicheurs et de sourires partis donc en fumée. Pire, au fur et à mesure que l'heure de fermeture de la discothèque approchait, les prix baissaient. C'est la loi de l'offre et de la demande. Certaines filles, de drague lasse, vont même jusqu'à proposer leurs charmes à des prix très avantageux. Et encore…
A Abu Dhabi, la concurrence est rude et déloyale. Les prostituées n'arrivent pas à s'entendre entre elles sur un prix minimum. Et la situation s'est compliquée depuis l'arrivée des filles ouzbeks. Elles ont cassé le marché, selon Linda, une fille de joie bulgare, qui se souvient de son arrivée mouvementée à l'aéroport de Sharjah en 2004. «Je suis restée six jours dans la zone internationale de l'aéroport. Le visa que devait déposer ma patronne au niveau de la PAF n'était pas prêt. J'ai donc dormi six jours sur les bancs de l'aéroport et bu l'eau des toilettes. Parfois, on m'offrait des sandwiches ou des choses à manger», se remémore-t-elle avec un brin de tristesse. Mise en confiance, un verre de whisky à la main, Linda se met à déballer l'histoire de sa vie : «C'est ma patronne, une Daguestanaise qui m'a fait venir ici. Elle m'a envoyé un billet d'avion, délivré un visa de deux mois et m'a prise en charge une fois arrivée aux Emirats. J'étais hébergée dans un petit appartement. Je partageais une chambre avec trois autres filles. On faisait à manger ensemble, mais je n'avais même pas un dirham sur moi.»
«Je n'avais pas assez d'argent pour nourrir ma fille»
Après un léger silence durant lequel elle semblait se demander pourquoi elle racontait sa vie à un inconnu, elle ajoute : «Je paye 2500 dirhams (environ 500 euros) pour mon sponsor, (la personne ou l'entreprise qui lui délivre une résidence en passant par les services de l'immigration émiratis, ndlr). Autant vous dire que j'ai accumulé beaucoup de dettes. A peine les pieds posés sur le sol émirati, j'ai commencé à travailler (vendre son corps) pour pouvoir rembourser mon crédit. Ma patronne prenait tout l'argent que je gagnais. Elle m'achetait à manger, tout en prenant soin de noter l'ensemble des frais de nourriture dépensés pour que je puisse les lui rembourser après.»
Débuter dans le métier n'était pas une mince affaire pou Linda. La prostitution, elle n'a jamais connu cela auparavant. Dans son petit village natal proche de Sophia, elle faisait toutes sortes de boulots (serveuse, nounou, employée de maison…). Mais les 300 dollars qu'elle gagnait ne lui suffisaient pas pour faire vivre sa famille et sa fille de 12 ans. «Je n'avais pas assez d'argent pour louer un appartement et nourrir ma fille. Personne ne m'a aidée. Je dormais parfois à l'intérieur de maisons abandonnées. Ma famille est pauvre et ma sœur a deux enfants à charge», raconte tristement cette femme, au demeurant sympathique. Et d'ajouter qu'«il lui arrivait d'accompagner en plein hiver sa fille à l'école avec un blouson qui ne se fermait pas et des chaussures déchirées».
Un jour, Linda a décidé de quitter la misère de son village. Direction Abu Dhabi. «Au début, je fréquentais le Regency Hôtel. Il y avait pas mal de filles russes. Pendant deux semaines, je n'ai pas pu travailler. J'étais timide et je ne savais pas parler aux ‘‘clients''. On me disait
souvent : ‘‘Mais pourquoi vous êtes énervée ? Pourquoi vous ne souriez pas''.» Et d'enchaîner en riant : «Me voyant incapable de m'intégrer dans ce nouveau milieu, ma patronne m'a menacée de me renvoyer chez moi avant de m'apprendre ensuite à sourire aux clients et à être gentille avec eux .» Chose faite.
Après un petit cours théorique, les choses se sont améliorées pour cette jeune Bulgare qui reconnaît ne se prostituer que pour faire vivre sa fille de 12 ans et payer ses études. Soudain, les clients s'enchaînent et l'argent commence à rentrer. «Au bout de six mois, j'ai remboursé toutes les dettes contractées auprès de ma patronne.» Linda se souvient bien de la première fois où elle a vendu ses charmes. «J'avais choisi un Syrien ou un Jordanien, je ne m'en souviens pas exactement. On n'a pas échangé un mot durant toute la nuit. Moi, je ne parlais pas arabe et lui ne connaissait pas l'anglais. C'était un peu loufoque. Une chose est sûre, c'est moi qui choisis les hommes avec qui je vais, contrairement aux femmes ouzbeks qui acceptent n'importe qui et à n'importe quel prix.»
Après 10 ans passés aux Emirats, Linda a appris toutes les ficelles du métier, même si elle est obligée de pointer tous les deux mois au service de l'immigration pour renouveler son certificat de résidence. Mais peu importe, elle a un «sponsor» (sorte de tutelle) qui accepte de lui délivrer tous les papiers nécessaires moyennant la somme de 2500 dirhams (environ 500 euros), ce qui lui évite de passer par un intermédiaire.
«Je retournerai à Makhatchkala même si je dois mourir de faim»
Le destin de Svetlana est différent de celui de Linda. C'est la faillite commerciale qui a poussé cette jeune Daguestanaise de 32 ans dans les bras du plus vieux métier du monde. Arrivée à Dubaï en 2009 avec son frère, elle espérait faire fortune. Avec 20 000 dollars en poche, elle a créé une société de location de voitures américaines. «J'ai choisi d'investir à Sharjah, car il y avait de grandes opportunités, contrairement à Dubaï où le business est saturé», raconte cette femme dynamique à El Watan. Ensemble avec son associé turc, ils ont gagné beaucoup d'argent en peu de temps. «Au bout de deux années de travail acharné, j'ai pu m'acheter une petite maison à Dhiyafa Road, un quartier chic de Dubaï, non loin de Jumeirah Beach.»
Tout allait donc bien pour cette ambitieuse femme d'affaires jusqu'à ce qu'un grain de sable ne vienne en octobre 2013 gripper la machine. Voulant agrandir sa société et multiplier les profits, elle a décidé d'importer 40 voitures américaines pour 50 000 dollars. Celles-ci devaient transiter par Kaboul, en Afghanistan. Mais ne voilà-t-il pas que les voitures ont soudainement disparu. «On nous a dit que c'étaient les talibans qui les ont dérobées. Notre assurance n'a pas voulu nous rembourser, car elle n'a pas cru à notre histoire.» Commence alors subrepticement la descente aux enfers.
«Du jour au lendemain, je me suis retrouvée forcée de quitter ma maison. J'ai dormi pendnt 6 mois dans le bureau. A ce moment, il ne me restait qu'une seule voiture. Du coup, je me suis mise à travailler avec des touristes comme conductrice. J'étais à leur disposition jour et nuit. Mais ça n'a pas marché. Je me suis retrouvée en faillite. Mon associé m'a lâché et mon frère était loin.» Seule, sans maison et sans argent, Svetlana devait vite trouver un nouveau boulot pour vivre au risque d'être renvoyée au Daguestan. «Me voyant dans un état pas possible, une amie m'a conseillé d'aller ‘‘vendre'' mon corps à Abu Dhabi, car à Dubaï j'étais connue de beaucoup de monde», raconte cette grande brune aux yeux clairs.
La prostitution, un nouveau monde impitoyable pour cette ancienne femme d'affaires, habituée pourtant à parler business, location de voitures et contrats. «La première fois où je devais passer une nuit avec un homme, j'étais prise de panique et de peur. Je me suis enfermée dans la salle de bain. Je me suis effondrée en larmes. J'ai longuement pleuré et récité des versets coraniques.»
Mais au fur et à mesure des rencontres, et n'ayant aucune autre solution de rechange, Svetlana s'est résignée à devenir une fille de joie comme des dizaines de filles de son pays. «La première semaine, j'ai gagné environ 1500 dollars. Les clients me paraissent généralement gentils, mais personnellement je n'arrive pas à comprendre les autres filles qui font ce boulot depuis 20 ans. J'espère vite sortir de ce problème. Sinon, je retournerai à Makhatchkala retrouver ma famille et mes sœurs, quitte à mourir de faim là-bas.»
Fatiguée de vivre à Dubaï, Svetlana s'est envolée pour la Qatar voisin, où elle a pu décrocher un nouveau boulot. Elle travaille comme serveuse dans un grand hôtel à Doha. Fini la prostitution, fini les affaires, désormais elle veut se consacrer à son nouveau boulot pour construire une petite maison dans son pays natal, où elle compte retourner définitivement.
A Abu Dhabi, des centaines voire des milliers de filles comme Sveltana et Linda mangent leur pain noir en attendant de décrocher un boulot honorable. Vivant globalement en marge de la société, elles dorment le jour et apparaissent la nuit. Le tout sous l'œil vigilant et bien informé de la police locale qui contrôle et sait tout. A Abu-Dhabi, le plus vieux métier du monde a un bel avenir devant lui.


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