Hier, au grand marché hebdomadaire à bestiaux de Sougueur, l'un des plus importants carrefours d'échanges des Hauts-Plateaux de l'ouest, bien que fermé par décision des pouvoirs publics, «éleveurs et maquignons étaient en train de marchander à la faveur de l'ouverture d'un marché parallèle aux alentours du souk», nous a déclaré Mehdi Kouadria, inspecteur vétérinaire en chef relevant de la Direction des services agricoles (DSA) de Tiaret. Il a fallu, ajoute-t-il, «l'intervention des forces de l'ordre pour faire évacuer l'espace informel». Et pour cause, producteurs, éleveurs ou maquignons ne voulaient aucunement s'astreindre aux restrictions. «C'est leur gagne-pain», a clamé le président de la Chambre d'agriculture, Larbi Abdi, qui ne semble pas vouloir céder à la panique, mais qui est vite retourné à la dure réalité après constat. Idem pour le marché à bestiaux de Medrissa, pour dire qu'il devient de plus en plus difficile pour les services concernés de circonscrire le mal, voire atténuer la contagion qui risque d'entraîner de fâcheux dommages. Mehdi Kouadria, en mission à Mostaganem, a trouvé du temps pour répondre à nos sollicitations, car d'autres acteurs ont refusé de le faire d'une manière polie, prétextant des empêchements. Notre interlocuteur, qui semble bien maîtriser son sujet, a déclaré : «Notre territoire, vaste de plus de 20 000 km2, est menacé car il est situé à cheval entre sept wilayas, presque toutes versées dans l'élevage animalier.» S'agissant de ce fléau, à voir des centaines de têtes d'ovin périr du fait de la peste des ruminants, notre interlocuteur précise : «Depuis l'apparition des premiers foyers au niveau de certaines localités, comme la lointaine Zmalet Emir Abdelkader au niveau d'El Mhaka jusqu'à Sougueur aux portes de Tiaret, en passant par Takhmaret, Aïn Dheb, Aïn Kermès, nous avons fait des prélèvements et entrepris les démarches visant à la mise en quarantaine des troupeaux, interdits de circuler aussi bien en intra-muros que vers l'extérieur de la wilaya.» «Jusque-là, renchérit-il, sur les 2000 cas suspectés de peste des ruminants, il y a eu 300 bêtes décimées sans qu'il y ait pour l'instant de résultats définitifs.» A une question relative à la vaccination, le vétérinaire évoque plutôt «une psychose qu'il faut gérer», car, enchaîne-t-il, «on ne peut pas vacciner 2 millions de têtes avec 40 000 doses de vaccin». L'autre problème qui préoccupe les services agricoles et les vétérinaires reste «la non- déclaration de foyers par certains éleveurs». Si ces derniers le font pour être éligibles à l'indemnisation, «il faudrait que tout le monde sache que l'indemnisation obéit à des critères prédéfinis et surtout après constat par le vétérinaire et la présentation du bulletin médical», car «on ne peut indemniser du fait d'une simple déclaration», comme pour insinuer que certains font de ces cataclysmes une aubaine pour grappiller de l'argent. Au-delà du phénomène, l'impact sur la consommation des ménages est presque nul, car les carcasses de viande ovine ornent toujours les étals de bouchers, avons-nous constaté hier dans les nombreuses boucheries. Même son prix n'a pas été touché, puisqu'il varie entre 900 et 1200 DA/kilo. A la DSA, la chargée de vulgarisation, Bakhta Safou, évoque «des sorties vers les lieux suspectés et dispense de séances de sensibilisation à l'attention des éleveurs et agriculteurs». Les mêmes recommandations sont dispensées : «Tenir les troupeaux dans leurs enclos et interdiction de les déplacer ni même de permettre aux bêtes de s'abreuver avec celles présentant des signes maladifs et bien sûr entreprendre le chaulage des lieux.» Revenant sur la vie pastorale faite de déplacements, le vétérinaire en chef fait remarquer que «la contagion n'est pas induite seulement par le déplacement des bêtes, mais aussi par le commerce entre éleveurs de régions diverses». Certains transmettent parfois la maladie en transportant les foins et concourent à la propagation du virus sans s'en rendre compte. Tous ces détails sont explicités, mais l'inflexibilité des éleveurs quant à leur mode de vie reste tenace. En dépit des règles d'hygiène et de prophylaxie, certains en sont venus à continuer à traiter leurs bêtes à l'aide de recettes miracle. Cela n'a pas empêché Rabah Yousfi, le président de l'Association du renouveau du monde rural, basée à Taguine, d'«exiger des pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour freiner l'épidémie», car, soutient-t-il, «les moyens manquent terriblement».