Depuis peu, même ses fidèles qui ont eu à l'approcher de près commencent à douter de ses capacités à prendre des décisions dans l'intérêt national. Et, on est convaincu que ce n'est plus lui qui dirige, et que ce seraient plutôt des groupes d'intérêt qui évoluent au niveau de la Présidence qui agiraient en son nom, lieu et place afin d'arranger en catimini une succession qui leur assurerait le contrôle du pouvoir. L'on est en droit alors de se demander si ce Président, à la fin de son règne, élu et réélu dans les conditions que l'on sait et acceptées par une opinion publique docile, mais non dupe, s'il a réellement et sereinement dirigé le pays ? Rappelons brièvement qu'à la mort de Boumediene, Bouteflika ambitionna de lui succéder, mais les militaires de l'époque, en concertation avec le chef de la sécurité, lui préférèrent leur doyen qu'ils destituèrent dix ans plus tard lors de l'arrêt du processus électoral et le remplacèrent par un Haut Conseil d'Etat (HCE). A la fin du mandat de cette institution, on pensa à lui pour sortir le pays de l'ornière dans laquelle il se trouvait empêtré. Sollicité, il refusa tout bonnement et partit subrepticement à l'étranger évitant probablement la dangerosité de la situation en Algérie au moment où le terrorisme battait son plein. Lamine Zerroual, le brave patriote, sollicité à son tour, accepta la responsabilité, et non la présidence, à un moment où l'Algérie, les caisses vides et isolée du monde entier, sombrait dans le chaos et baignait dans le sang. Il prit alors courageusement la barre en main et engagea avec les troupes de l'ANP et les forces patriotiques un combat décisif qui se solda, d'une part, par la reddition (déguisée en accord) d'une AIS affaiblie et pourchassée par le GIA-GSPC, et, d'autre part, par l'anéantissement des groupes de cette dernière formation. Sur le plan international, Zerroual fit la démonstration que l'Algérie demeurait debout et fière. Ce fut le moment que choisirent les «anciens» pour orchestrer une machination médiatique contre son conseiller principal, lequel d'après eux commençait à porter atteinte au «moral» de l'Institution militaire et exigèrent qu'il se sépare de lui. Le président Zeroual refusa cette forme d'injonction, et, par esprit de corps avec l'Armée et par solidarité avec son conseiller, décida de rendre le tablier avec le sentiment d'avoir accompli pleinement son devoir de patriote et d'avoir ramené la paix aux citoyens. C'est alors que ces «anciens», qui avaient pris goût au pouvoir politique depuis la démission forcée du président Chadli et l'assassinat de Boudiaf, tout en ayant cependant eu le mérite d'avoir sauvé l'Algérie, et, en même temps, sauvé leur peau d'une mort certaine, paniquèrent et se concertèrent pour confier aux soins du chef de la police politique la mission de trouver «l'oiseau rare» : c'est-à-dire un Président en mesure de rétablir la réputation internationale de l'Algérie, de s'occuper de la politique interne, et surtout de ne pas s'immiscer dans les affaires internes de l'Institution militaire. Des consultations furent alors menées par des réseaux constitués, car il valait mieux que le nouveau Président soit le candidat d'une structure politique autonome pour échapper à tout contrôle éventuel. C'est dans ces conditions que certains anciens du MALG, enrichis par une réactivation des réseaux de trafiquants internationaux du temps de la guerre d'Algérie et proches de Bouteflika, pensèrent à lui et proposèrent leur choix au chef de la police politique lequel ne voyait pas d'inconvénient à cela, mais craignait par contre l'opposition de certains généraux qui avaient déjà eu affaire à ce personnage qui avait repoussé une première fois leur proposition, et, partant, ne lui faisaient plus confiance. Finalement, un général qui avait fait ses preuves auprès de l'ex-président Chadli se porta garant et promit de rester à ses côtés afin d'éviter tout débordement. Le chef des services ainsi que les nouveaux venus du MALG (exclus par le président Chadli à l'époque) auraient souhaité que ce soit un organisme indépendant créé ad hoc qui présenterait la candidature de Bouteflika, mais des divergences surgirent parmi certaines personnalités sollicitées à l'époque, ce qui précipita la décision de réanimer un FLN affaibli par son implication islamiste et de recourir à son Secrétaire général pour rendre publique une déclaration officielle de soutien du candidat Bouteflika à la présidence de la République. Le reste fut un jeu facile. D'abord, un premier forum fut organisé à l'étranger par les riches des «anciens» du MALG pour lancer la campagne électorale, ensuite ce furent les deniers et les institutions de l'Etat qui prirent la relève pour supporter à vie les frais de campagne et de médiatisation de la candidature de l'actuel Président. A ce jour, nous en sommes au quatrième mandat du président Bouteflika et on peut se demander quel a été le bilan de son exercice, pratiquement terminé, malgré le tapage médiatique entretenu autour d'un «Programme et Instructions du Président» pour masquer sa longue absence de la scène politique et auquel se réfèrent à tout bout de champ les avatars d'un système désuet mais qui s'accroche au pouvoir. Ce Président qui va quitter ce pouvoir d'une manière ou d'une autre a-t-il vraiment su diriger le pays ? La première année, pour le motif de restaurer la personnalité de l'Algérie sur le plan international, il sillonna le monde, au point que l'opinion publique oublia que son pays avait un Président. En effet, il passa son temps à voyager et à se faire recevoir par ceux qui, souvent, prenaient soin auparavant de l'éviter pendant sa traversée du désert. Ces absences fréquentes donnèrent le temps, aussi bien aux anciens qu'aux nouveaux promoteurs de sa candidature, de tisser les trames d'un réseau de prédateurs et de se répartir pragmatiquement les secteurs d'influence profitant de l'aubaine de la montée du prix du pétrole et conséquemment de la croissance des importations et des marchés de l'Etat. Mais, dès sa réinsertion en Algérie, le nouveau Président commit un premier acte gratuit et gênant pour l'institution militaire qui venait tout juste de briser les bras armés de l'islamisme. En effet, il s'empressa de lancer une campagne tapageuse et injuste envers environ 200 000 victimes de la barbarie islamiste sans compter les dégâts causés à l'économie nationale estimés à une centaine de milliards de dollars. Alors que la paix était revenue et que le terrorisme était bel et bien enterré, cette campagne était agitée afin de faire plébisciter une loi dite de la «Réconciliation nationale». Une loi négationniste destinée, entre autres, à susciter la sympathie internationale et la reconnaissance du Président en sa qualité d'un dirigeant sage qui aurait su ramener la paix civile en Algérie et, partant, être à même de se faire inscrire comme nominé au Prix Nobel pour la Paix. Des comités pour quelque cinq mille disparus émergèrent comme par hasard et occupèrent dans la quiétude les places publiques pendant que les médias islamistes et étrangers se mobilisèrent, mettant en cause les décideurs de la lutte antiterroriste, et, à leur tête, un général qui se vit subitement coincer en France. Il avait fallu une réaction in extremis et énergique de l'Institution militaire pour extraire en pleine nuit ce général tombé dans le traquenard de la politique de la Réconciliation nationale, un général qui, malgré ses défauts, avait eu au moins le mérite d'avoir livré un combat sans merci aux hordes barbares islamistes dont certains proches du Président en découvrirent étrangement un visage humain. Dans cette affaire, le Président fut soupçonné pour le moins de laxisme. Ce fut un sérieux accroc avec l'Institution militaire, et son sort fut réellement questionné. Le général dépêché auprès de lui en prit pour son grade, certains grenouilleurs plus intéressés par leurs affaires personnelles que par l'intérêt national jouèrent les réconciliateurs. La vigilance est désormais de règle. L'Institution exige plus que jamais d'avoir la haute main sur les postes de souveraineté, le ministre de l'Intérieur est remercié et les directeurs généraux des postes de souveraineté sont pratiquement nommés avec l'aval de cette dernière. Le Président riposta en nommant un islamiste ostentatoire à la tête du FLN qu'il éleva, pour embêter son monde, au poste de ministre des Affaires étrangères. Les premiers ministres sont chassés l'un après l'autre, celui le plus proche des services est à son tour mis au placard. Le général qui s'était porté garant de lui fut éloigné à l'étranger, la mort dans l'âme. Les anciens du MALG devenus puissamment riches alliés aux nouveaux nantis qui avaient prospéré sous l'égide du clan présidentiel eurent raison de lui. Le mandat présidentiel arriva à sa fin, un ancien Premier ministre manifesta son intention de se présenter à l'élection présidentielle, soutenu discrètement par un clan de l'Institution militaire alors qu'une lutte sournoise se profilait dans les coulisses d'un pouvoir effrité. La campagne pour la présidence de l'ex-Premier ministre dissident d'un FLN dont il avait failli en devenir le Secrétaire général (n'eût été une décision injuste prise à son encontre par un tribunal réuni en pleine nuit), battait son plein avec le soutien d'anciens officiers supérieurs en retraite et des personnalités nationales qui se mobilisèrent en sa faveur. Dans ses discours, fort de ce soutien, ce candidat se hasarda à faire des promesses populistes et républicaines, ce qui effaroucha les groupes d'intérêt tant du côté des clans présidentiels que ceux proches de certains réseaux qui s'étaient constitués à l'ombre de l'Institution militaire lesquels, prenant peur, le lâchèrent à la dernière minute, mettant dans la gêne son soutien haut placé aux «Tagarins». La suite est connue, avec la suppression de la limite du mandat présidentiel, le président Bouteflika est pratiquement nommé à vie. Tous les clans qui rodaient autour du pouvoir trouvèrent leur compte, tant que ce Président, cet «oiseau rare», reste en vie, leurs affaires continueront à prospérer. Il faut donc, coûte que coûte, le maintenir en vie, même sous perfusion, car sa mort signifierait la fin de leur pouvoir. Certains chroniqueurs humoristes vont jusqu'à ironiser en citant l'invention par l'oligarchie algérienne d'un nouveau médicament nommé «Bouteflitex» qui aurait la vertu de maintenir «un homme mort en vie». Depuis l'aggravation de la maladie du Président, sentant la fin de leur pouvoir venir, les clans paniquent, s'agitent, s'accusent mutuellement. Certains collaborateurs ou collègues sont malmenés, d'autres démissionnés ou emprisonnés. Les pauvres ministres et autres missionnaires du sérail ne savent plus à quel saint se vouer et quel discours tenir. Il leur reste heureusement pour eux cette affirmation magique qui les sauve temporairement : «C'est le programme du Président, nous exécutons ses instructions !» En disant, cela on a l'impression qu'ils venaient fraîchement de quitter le bureau privé du Président fantôme. De cette manièr, ils sont sûrs de ne fâcher personne. Mais les zizanies entre membres de cette oligarchie éclatèrent au grand jour et furent rendues publiques par personnes interposées au point que l'on a vu pour la première fois dans l'histoire de l'Institution militaire son plus haut gradé soutenir publiquement un chef contesté d'un parti usurpateur des symboles de la révolution du 1er Novembre. Du jamais vu ! Une Institution, tout ce que l'Algérie possède de plus cher, qui fait sa fierté et qui est restée debout malgré tous les aléas politiques, une autorité forte, garante de la souveraineté nationale qui vient d'être dangereusement impliquée dans des luttes claniques dont l'enjeu consiste avant tout de contrôler le pouvoir après le départ inéluctable du président Bouteflika. Voilà où nous en sommes arrivés ! Un pays meurtri par des siècles de souffrances et d'endurance, un pays qui vient à peine de recouvrer sa liberté et sa souveraineté nationale et d'échapper à la destruction. Le voilà encore ce «pauvre pays», pour reprendre les termes de notre regretté Lacheraf, le voilà, aujourd'hui, menacé de disparition à cause d'une lutte écervelée que se livrent ces groupes motivés seulement par la sauvegarde de leurs intérêts et privilèges refusant de céder le pouvoir aux citoyens et autres responsables politiques qui souhaiteraient organiser une transition pacifique et cherchant à être les seuls à avoir le droit absolu à décider à leur guise d'une transition qui leur assurerait le contrôle du pouvoir. Il faut noter que l'Institution militaire avait respecté convenablement le «deal» passé avec le président Bouteflika qui avait les mains libres pour gérer convenablement le pays. Au lieu de cela, il accapara tous les pouvoirs qu'il centralisa au niveau d'un «Bureau présidentiel», une boîte noire, où même les affaires d'une municipalité y sont traitées ou gelées, privant ainsi les responsables d'exercer leur mission de service public ou «d'élus». Le résultat, nous le voyons : un pays qui a mangé son pain, avec un Etat et un peuple qui vivent des miettes de la corruption et à coups de subventions antiéconomiques. Pour illustrer en un seul chiffre le bilan du règne du président Bouteflika, notons que, dans les pires moments du terrorisme, l'Algérie a vu seulement 100 000 Algériens quitter leur pays, alors que, depuis la venue du Président actuel, 800 000 ont fui ce pays. Sans doute écœurés par ce qui se passe chez eux, ils ont choisi d'aller ailleurs gagner leur vie dans une société qui respecte les honnêtes gens et rémunère leur travail et leur mérite à leur juste valeur, tout en leur permettant de mettre à l'abri leurs enfants d'une éducation obscurantiste et destructive du savoir. Comment a-t-on pu dépenser autant de pétrodollars au détriment de la main-d'œuvre locale et des entreprises publiques pour donner des marchés faramineux à des entreprises étrangères qui bonifient grassement les courtiers à travers des sociétés écrans et des sous-traitants locaux bidon, sans compter les lécheurs de miel embusqués tout le long de la chaîne bureaucratique, pour finalement nous livrer des réalisations inaptes à fonctionner convenablement, comme c'est le cas des infrastructures routières ? Comment a-t-on pu dépenser autant d'argent inutilement en incitant les agriculteurs et les jeunes en âge de travailler de bénéficier de crédits, sachant bien qu'ils ne seront jamais remboursés au lieu de créer des structures d'encadrement compétentes capables d'accompagner ces investissements en vue de la création de la richesse nationale ? Où sont passées les réalisations des infrastructures ferroviaires et portuaires qui sont à la base de tout développement économique ? Et tant d'autres interrogations qu'il serait fastidieux de toutes les énoncer. Sur le plan des échanges commerciaux, l'Algérie est un gros importateur qu'il suffit simplement d'arroser ou de gratifier pour lui fourguer n'importe quelle marchandise. Tous les départements de souveraineté ont perdu de leur autorité. La Justice est inféodée à des centres de décision opaques qui se livrent une guerre d'influence dont les victimes sont justement les procureurs, les juges et les officiers supérieurs ou les hauts fonctionnaires honnêtes réticents. Certains acteurs ou observateurs avancent que ce n'est pas le Président, mais plutôt des clans maffieux qui sont responsables de cette situation ; le fait est là. C'est du pareil au même ! De l'Etat «Providence», nous sommes passés à l'Etat «bazar», puis à l'Etat «corrupteur», et si cela continue il n'y aura plus d'Etat. A moins que toutes les bonnes volontés jalouses de cet espace territorial chèrement conquis, conscients qu'ils n'ont pas d'autres endroits où aller, et soucieux d'assurer l'avenir de leurs enfants, ne se mobilisent contre les deux fléaux entretenus par un pouvoir pernicieux qui empoisonnent la vie de la société algérienne, à savoir l'obscurantisme religieux qui paralyse l'esprit et la créativité, et la corruption qui les a habitués à la vie facile pendant que dans d'autres pays civilisés leurs citoyens travaillent jour et nuit, hommes et femmes, pour arriver à mener une vie décente dans la sécurité, la liberté et une justice égale pour tous. Il est temps pour tous les opposants, pour tous ceux attachés à la sauvegarde de la nation, qu'ils soient en dehors ou en dedans d'un pouvoir aujourd'hui en perdition et qui sent sa fin proche, il est temps pour tous d'oublier leur égo et leurs différends pour s'unir non pas derrière un leader, mais autour d'une démarche juste et salvatrice, à savoir celle qui consiste à joindre leurs efforts à d'autres voix déjà engagées courageusement sur le terrain pour faire de la question de la «Transition» une question primordiale afin justement de mettre un terme définitif aux visées de l'oligarchie qui veut s'arroger le droit de décider de l'avenir du pays en sauvegardant leurs privilèges et intérêts sordides. Il est impératif que le pouvoir revienne aux représentants politiques de la Nation. Un débat national ouvert, élargi à toutes les bonnes volontés doit être recherché pour examiner les modalités d'une «Transition de transfert» pacifique du pouvoir aux représentants légitimes sur la base, et ce pour éviter les erreurs du passé, de quelques fondements préliminaires, tels que : – Un Etat citoyen républicain décentralisé. – Une Justice indépendante souveraine. – Un pouvoir politique civil émanant de partis politiques non religieux. – Des législateurs conscients de leur représentativité populaire et un Exécutif responsable. – Un Etat qui assure la santé, la sécurité interne et externe et l'hygiène de la population. – Un développement économique et social valorisant les ressources nationales naturelles et humaines. Qu'importe celui qui sera Président, il aura à veiller sur l'équilibre des pouvoirs, la souveraineté du pays et la santé d'une société productrice de biens et de savoir qui contribuera par les actes à la défense des droits universels de l'homme, de la femme et de l'enfant, droits auxquels l'Algérie avait déjà adhéré. La patrie est menacée d'implosion, le risque est grand de nous voir nous entretuer, et personne ne voudra de nous comme refugiés alors que nous avons une armée solidement constituée de forces populaires et des corps de sécurité les plus performants dans la région et une administration qui, malgré tout, n'attend que de bons et honnêtes dirigeants pour réinstaurer son autorité et sa performance. L'espoir est permis, tout est possible !