Attaf signe à New York l'accord relatif à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer    Athlétisme/Mondiaux-2025 : l'Algérien Djamel Sedjati remporte la médaille d'argent sur 800 m    Rentrée scolaire: environ 12 millions d'élèves regagnent dimanche les bancs de l'école    Oran : des formations au langage des signes aux étudiants en médecine    Solidarité national: unification du mode de prise en charge au niveau des établissements d'accueil de la petite enfance    L'attaque des fermes à Tighenif : une stratégie pour asphyxier l'économie coloniale française    Bouden reçu à Kuala Lumpur par le nouveau SG de l'AIPA    Basket / Championnat arabe des clubs féminins/Finale : le GS Cosider décroche la médaille d'argent    Exposition d'Osaka : poursuite des journées portes ouvertes sur la stratégie nationale de développement des énergies renouvelables et de l'hydrogène vert    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.208 martyrs et 166.271 blessés    Chargé par le président de la République, Attaf arrive à New York pour participer aux travaux du segment de haut niveau de l'AG de l'ONU    L'Algérie rejoint officiellement l'AIPA en tant qu'unique membre observateur    Vendredi marque la date limite fixée par l'Assemblée générale pour qu'Israël mette fin à son occupation    Signature d'une convention de concession au groupe public Logitrans    Sayoud et Derbal à Blida afin de mettre fin au problème de la rareté de l'eau    Ligue 2 amateur : Occasion de confirmation pour les uns et de rachat pour d'autres    Ligue des Champions Le MCA et la JSK en quête de grandeur continentale    Classement Fifa : L'Algérie à la 38e place mondiale    Le président de la République préside une réunion du Haut Conseil de sécurité    Rendez-vous à Timimoun en décembre prochain    Le Conseil de sécurité de l'ONU échoue à adopter un nouveau projet de résolution à cause du véto américain    Une bande spécialisée dans le vol de véhicules neutralisée à Aïn Tedeles    Séminaire régional de préparation de la rentrée universitaire pour la région Ouest    Distribution de 10 bus scolaires au profit de 10 communes    «La désinformation médiatique continue d'être utilisée comme un outil pour détourner l'attention des atrocités commises»    Alger accueille la 13e édition    Le GPRA, pour la bataille politique et diplomatique    Bendouda préside à Alger l'ouverture des sessions    APN: Bouden reçu par le président en exercice de l'Assemblée interparlementaire de l'ASEAN et sa secrétaire générale    Athlétisme/Mondiaux (Triple saut): Yasser Triki termine 4e en finale    Imad Hellali, un cinéaste passionné d'œuvres à contenu pédagogique    Un partenariat entre l'AOHP et la fondation italienne Enrico Mattei pour améliorer la formation en dentisterie    L'échec du Conseil de sécurité à adopter une résolution en faveur de Ghaza, un affront de plus qui entache la conscience de l'humanité    Salon international de l'agroalimentaire à Moscou: Des rencontres bilatérales entre opérateurs économiques algériens et leurs homologues de différents pays    M. Bouden participe en Malaisie aux travaux de l'AG de l'Assemblée interparlementaire de l'ASEAN    El Bayadh Décès du Moudjahid Kherrouji Mohamed    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Disparition de Si El Hafid Yaha : Eloge pour un juste
Publié dans El Watan le 28 - 01 - 2016

Si El Hafid ? C'était qui pour un jeune de vingt-deux ans ? Dans les discussions familiales qui ont formé mon imaginaire par plein de souvenirs de la guerre de Libération, ce nom a déjà été évoqué en bien. Pas plus. Ce n'était pas Aït Ahmed auréolé de sa gloire. Je devine aujourd'hui quantité de jeunes militants qui n'ont connu que la légalité se posant la question : «Mais c'est qui ce Si El Hafid ?» Ils ne savent pas ce qu'ils ont perdu.
Mon intermédiaire, Toudert Baouz, me fixe rendez-vous rue de Crimée. Il arrive à l'heure dite, flanqué d'un homme de taille moyenne au visage d'ascète, se dirigeant vers moi avec un sourire irradiant. Il me dit tout de suite : «Salut, fils de lion. Ton père en était bien un ?» Après les salutations d'usage, il me raconta sa première rencontre avec mon défunt père, Abderrahmane Mira, à Tizi El Djamaâ, près du col de Tirourda. C'était fin 1955, à l'époque du développement de l'insurrection, où les maquisards étaient encore si peu nombreux.
Est-il sincère ou veut-il seulement me charmer ? Dès les premiers échanges, tu es désarmé par tant de tendresse qui transperçait à travers un visage rayonnant. Sa voix est chaude, portée par un ton presque monocorde, à basse intensité. Contrairement aux montagnards, Si El Hafid parlait doucement. Il n'aimait pas attirer l'attention sur lui. La pudeur était son royaume.
Deux autres rencontres suivirent. Il n'y a pas l'ombre d'un doute, cet homme est habité par une force tranquille mais conquérante. Au bout de la troisième rencontre, alors que je m'apprêtais à repartir, il me demanda si je pouvais encore retarder mon retour en Algérie à début septembre car, malheureusement, en ce mois d'août, Hocine Aït Ahmed se trouvait en vacances. Je suis revenu à Alger, déçu de n'avoir pas pu rencontrer Aït Ahmed, mais tellement content d'avoir connu cet homme si rassurant qu'on appelait respectueusement Si El Hafid.
1980, je retourne à Paris pour continuer mes études. Là, j'ai appris à connaître davantage le personnage. Le parti était en voie de léthargie avec la sortie organique des animateurs du «printemps amazigh», du rapatriement à Paris de Rezik Rabah, représentant de la génération du feu auprès des premiers cités et quelques éléments, tels que Naït Maouche Mouhoub, élément de 1963, Naït-Djoudi Hachimi dit Mokrane et d'autres. Peu nombreux en réalité. Je rencontrerai plus tard Ali Mecili. Il est difficile aujourd'hui de s'imaginer cette situation, invraisemblable pour toute conscience rationnelle. Et pourtant, c'était celle-là. Hamid Yacine, sympathisant du FFS à l'époque, que je rencontre souvent ces derniers temps à Alger, me dit : «Vous me faisiez pitié tellement vous étiez réduits à la portion congrue.»
Cette situation dite pudiquement «vacance des structures», Si El Hafid ne pouvait la concevoir. Qu'a-t-il à dire à tous ceux qui, comme moi, sont à la recherche d'un cadre organique, à ceux qui viennent s'enquérir de la situation du parti pour se rassurer que le changement ne se fera pas sans le FFS, à ceux qui ont perdu leurs parents au maquis de 1963 ? Il ne baissera pas les bras, allant à la rencontre de tous, armé de sa patience, de sa détermination et de sa probité. Il donne à tous ses interlocuteurs de l'assurance, rehaussant le prestige du parti. Il était persuadé qu'un jour viendra où le FFS vaincra la dictature et constituera l'alternative démocratique.
Cette croyance était chevillée au corps. Personne ni aucun événement ne le dissuaderont du contraire. Il était trempé d'acier. Derrière l'armure, Si El Hafid était rongé par l'exil et le souvenir de ceux, hélas nombreux (422), qui sont morts lors de l'insurrection de 1963. Il portait ce drame comme un lourd fardeau. Il n'en parlait jamais. Je découvris ce sentiment presque fortuitement. Choqué par ce que j'ai entendu du frère d'une victime de 1963 qui soutenait que «son parent est mort alors que Si El Hafid est resté vivant», je lui rapportais cette anecdote. Je m'attendais à un minimum d'énervement. Il me répondit sereinement : «Il a raison.
Ces cadres-là, certes ils étaient tous engagés volontairement au FFS, mais il n'y en avait pas un que je n'ai pas travaillé au corps. Ils m'ont tous fait confiance. Que dois-je répondre à leurs parents, à leurs enfants ?» C'est la première et unique fois que j'ai vu Si El Hafid pleurer. Ainsi était fait le personnage. Il portait tout sur lui, allégeant au maximum la peine des autres. Et la parole donnée avait du sens. Elle était et demeurera inaliénable. Yaha Abdelhafid est le produit de l'interaction entre son époque et sa société.
Cependant, tous n'étaient pas comme lui. Cette fidélité à ceux qui sont morts au maquis pour l'indépendance ou pour la démocratie, ses compagnons d'armes, il la portait en bandoulière. C'est difficile de s'imaginer que derrière ce personnage si chaleureux, si bon, si protecteur se cachait un baroudeur hors pair. L'associer à la violence, légitime ou non, est presque un sacrilège. Il n'aimait pas raconter ses exploits. J'ai tout découvert par ses compagnons : la prise du camp de Taskenfout, son attitude lors de la mort de Tahar Temzi (maquis de 1963) et tant d'autres combats.
Bellil Youcef, très jeune maquisard en 1963, me rapporta ce fait : alors que Temzi Tahar rendait l'âme lors d'un accrochage avec l'ANP, Hocine Aït Ahmed est porté disparu. Le dispositif se resserrait dangereusement autour de la petite troupe du FFS. Certains, persuadés qu'Aït Ahmed était mort, préconisaient de déguerpir pour ne pas livrer un combat trop déséquilibré. La réponse de Si El Hafid est cinglante : «Je ne partirai pas d'ici avant de savoir si Si El Hocine est mort ou vivant.
Qu'ils ramènent toute leur armée.» Dans la même veine, à la veille du procès d'Aït Ahmed, il envoya un émissaire à Ben Bella : «Si tu touches à un cheveu d'Aït Ahmed, tu meurs.» Il avait déjà mis un commando à Alger prêt à passer à l'action. Voilà Si El Hafid dans toutes ses qualités guerrières façonnées par du nif. Il n'abandonne pas ses compagnons, quitte à mourir. C'était un homme d'honneur et de grande vertu.
Sa compassion, y compris à ceux qui ont fait du mal, est naturelle, comme sa bonté. A l'indépendance, on arrête un harki. Que demande ce dernier ? «Emmenez-moi chez Si El Hafid, SVP !» suppliait-il. Celui-ci savait qu'entre les mains de Si El Hafid il n'y aura pas d'exécution sommaire. La violence, au fond, l'insupportait. Dans son secteur, il bénéficie d'une aura qui dépasse largement la zone.
Il était très populaire. Aït Ahmed me rapporta ceci pour conforter mon propos : «Aux débuts du FFS, à Aïn El Hammam, Si El Hafid mettait deux heures pour arriver de chez lui au lieu de la réunion. Les gens voulaient tous lui parler et par conséquent le retenaient.» Cette popularité et le respect réciproque entre ses compagnons d'armes de l'ALN jouèrent énormément pour maintenir le maquis du FFS quand rapidement le colonel Mohand Oulhadj lâcha prise. Malgré cela, il est demeuré indulgent envers «le vieux».
Aujourd'hui, Si El Hafid s'en est allé. Combien de jeunes le connaissent ? Difficile de répondre. Ceux qui l'ont connu et ont milité avec lui dans les moments difficiles, savent que Si El Hafid était le rouage moteur. Il a porté l'étendard du FFS à bout de bras, sans décliner un seul instant. L'exil, la précarité, les pressions de tout ordre n'arrivaient pas à l'ébranler. Cette grande leçon de morale qu'il a dispensée aux uns et aux autres lui restera comme un témoignage de reconnaissance éternelle. Personne ne peut oublier ces trésors de patience et de tact pour attirer vers soi. Et soi, c'était le FFS. Rien d'autre. Toutes les personnalités de la contestation démocratique, y compris les artistes, ont voulu connaître Si El Hafid.
La séparation avec Aït Ahmed fut vécue de part et d'autre comme une immense souffrance, une douleur indicible. Peut-on imaginer cela ? Inconcevable. Et pourtant, ce fut. Que n'a-t-on pas fait pour arriver à cette extrémité ? Le questionnement est toujours dans nos consciences. L'histoire se chargera de livrer ses sentences. Le destin a fait que l'un et l'autre ont disparu à un mois d'intervalle, comme si l'un ne pouvait survivre à l'autre. Aucun ne peut nier le rôle majeur joué par Si El Hafid. Essentiel. Ni oublier sa leçon magistrale d'abnégation et de don de soi. Chapeau bas ! Demain, on enterrera un Juste.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.