Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Résiliation de l'accord entre l'Algérie et la France relatif à l'exemption réciproque de visa    Djellaoui promet l'achèvement des premiers tronçons avant fin 2025    Sans réformes structurelles de vives tensions économiques et sociales à l'horizon 2028    Grève générale pour Gaza, transports et écoles perturbés    «Le moment est venu d'engager une action concrète pour matérialiser et imposer le consensus»    Les armes du Hezbollah et les leçons à tirer de la Syrie, de l'OLP et de l'Algérie    7.500 personnes ont été déplacées en raison des combats    Une participation «très satisfaisante» de l'Algérie    Ligue 1 Mobilis : L'USM Khenchela lance son académie    Paris FC : L'Algérien Kebbal élu joueur du mois d'août    Plus de 33 000 cartables distribués aux nécessiteux    Une vaste opération d'aménagement urbain lancée    Cinq blessés dans une collision de deux voitures à Sidi Ali    Malika Bendouda lance une stratégie de relance    Une vie au service de la cause nationale et de la culture algérienne    Seize pays au 17e Fibda, l'Egypte à l'honneur    Tacherift préside une réunion en prévision du 64e anniversaire de la Journée de l'émigration et du 71e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Révolution    Oualid souligne à Mostaganem l'importance de s'appuyer sur le savoir, la technologie et les compétences des jeunes dans le secteur agricole    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    Pluies orageuses mardi et mercredi sur plusieurs wilayas du pays    Hidaoui préside la réunion du bureau du CSJ dans sa session ordinaire du mois de septembre    Hydraulique: Derbal insiste sur la nécessité de réaliser les projets sectoriels dans les délais impartis    Chaib reçoit le SG de la Conférence de La Haye de droit international privé    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    Algérie Poste explique les étapes à suivre pour bénéficier du service T@sdik    L'Espagne appelle à l'adhésion pleine et entière de l'Etat de Palestine à l'ONU    Le charme turc sublime la 3e soirée du Festival du Malouf à Constantine    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    Football: Rabehi préside une cérémonie de distinction des clubs algérois sacrés pour la saison 2024-2025    Tirer les leçons des expériences passées    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un legs universel
Publié dans El Watan le 20 - 02 - 2016

Des intellectuels et universitaires qui l'ont connue, côtoyée et étudié son œuvre évoquent, dans un auditorium comble, le mercredi 10 février, le legs à la culture mondiale de la première maghrébine et cinquième femme entrée à la prestigieuse Académie française, le 16 juin 2005, et pressentie de son vivant pour le prix Nobel de littérature. Plus de 250 personnes, parmi lesquelles l'ambassadeur d'Algérie, la maire de Paris, la sénatrice PS de Paris, Bariza Khiari, des personnalités du monde de la culture, de la littérature, de l'histoire, des médias et des membres de sa famille.
L'initiative de cet hommage revient à Fadela Mehal, présidente de la Commission culture, patrimoine et mémoire au Conseil de Paris et présidente de La République ensemble, appuyée par le Conseil municipal de Paris et accompagnée par le Cercle des amis d'Assia Djebar et Mireille Calle-Gruber, spécialiste de l'œuvre de l'immense écrivaine et présidente de l'association Archive Claude Simon et ses contemporains à la Sorbonne Nouvelle.
«Nous sommes un peu ses héritières, elle qui de l'Algérie coloniale à l'Académie française a permis que des ponts se tissent entre ces deux pays que l'histoire avaient malmenés, déchirés et qu'Assia avait tenté de réconcilier», a souligné Fadela Mehal, native elle aussi de Cherchell, dans son discours de présentation de l'hommage. Puis la voix cristalline et altière de la poétesse berbère Taos Amrouche – qui avait beaucoup inspiré Assia Djebar – a retenti dans l'auditorium, plongeant l'auditoire dans un silence enchanté.
Des textes de l'écrivaine sont lus par le comédien, auteur et metteur en scène Daniel Mesguich, dont cet extrait de Vaste est la prison dans lequel Assia Djebar écrit : «Longtemps j'ai cru qu'écrire, c'était mourir, mourir lentement à tâtons…, écrire sur le passé les pieds empêtrés dans un tapis de prière». Dans un extrait de Assia Djebar la soif d'écrire, film réalisé par Frédéric Mitterrand et Véronique Oks qui relate les moments forts de l'admission à l'Académie française, Assia Djebar dit : «A partir de L'amour, la fantasia, je rentre en écriture comme on entre en religion». D'autres textes seront lus par l'artiste Djurdjura et le comédien Patrick Potot.
Modératrice de la table ronde «Littérature et cause des femmes», Mireille Calle-Gruber souligne le «rapport ambigu» d'Assia Djebar avec le français, «langue du colonisateur et langue d'émancipation de la jeune fille qu'elle était», au point que l'écrivaine affirmait : «Ce français, j'avais à l'essorer, à le secouer de toutes ses poussières compromettantes». L'universitaire ajoute : «Assia fait entendre le silence en amont des femmes de l'ombre par la littérature. Son combat n'est pas celui des Algériennes seulement mais de toutes les femmes».
Pour elle, deux mots introduisent la pensée d'Assia Djebar («toute femme s'appelle blessure»), dans son roman Ombre sultane, «un récit puissant qui dénonce la polygamie». Le mot qu'elle oppose à polygamie est celui de «sororité», «alliance entre les femmes, solidarité avec les femmes de tous âges, de tous pays». Et de conclure : «Générosité et grâce. Sincérité absolue. Telle était Assia Djebar dans la vie et dans ses romans».
Michèle Perrot, historienne, relève qu'Assia Djebar, «de mère de culture berbère et andalouse… dira l'histoire des femmes dans la langue du père et du colonisateur, pari de sa vie. Les conditions des femmes qui ne choisissent pas leur mari, dominées dans leur culture, leurs traditions par la colonisation, dans la guerre d'Algérie, elles n'ont pas eu la place qu'elles auraient dû avoir dans l'Algérie indépendante. Tout cela traverse l'œuvre d'Assia et plus tard, l'islamisme. Ces femmes dominées sont des femmes qui s'expriment, résistent.
Elles résistent dans leur corps, dans le chant, l'oralité. Elles résistent aussi dans les lieux : le hammam, le patio» (…) «Assia est la femme qui écoute les femmes qui parlent, pour transcrire leurs paroles dans l'écriture, les faire parvenir à l'universalité. (…) Dans un livre magnifique, (La femme sans sépulture, 2002) en tant qu'historienne, elle narre l'histoire de Zoulikha précipitée d'un hélicoptère par des parachutistes français en 1956». Zoulikha, née en 1916, est la première algérienne à avoir son certificat d'études, elle devient postière avant de prendre le maquis. «Assia Djebar règle son problème avec la langue française dans sa biographie ; dans un pays où on ne parle pas de soi, elle va parler d'elle, de son père.
Elle comprend que le français va lui permettre de dépasser l'interdit… Elle a ainsi résolu cette ambiguïté d'écrire en français, d'écrire de façon presqu'apaisée. Elle va se débrouiller pour que le français devienne son français, devienne algérien. (…) Il est rare dans notre société qu'un auteur ait traité toutes les formes d'expression : histoire, mémoire, archives…»
Modérateur de la deuxième table ronde «Assia Djebar et l'histoire, l'histoire des femmes», l'historien Gilles Manceron a rappelé que l'écrivaine «a participé à l'histoire de son pays. En 1956, elle renonce à une carrière qui s'annonce brillante en quittant l'Ecole normale de jeunes filles de Sèvres pour suivre la grève des étudiants algériens. Elle rejoint Tunis où elle travaille auprès des réfugiés algériens.
Elle a étudié et enseigné l'histoire, tout en ayant un goût pour la littérature, à Tunis et à Rabat et à Alger après l'indépendance. Son œuvre littéraire est nourrie de références historiques. Dans son œuvre, les femmes sont toujours courageuses, les hommes sont l'objet d'une attente, d'une interpellation, d'un espoir».
La romancière Maïssa Bey affirme avec émotion qu'Assia Djebar «a beaucoup compté dans (sa) vie de lectrice qui découvrait avec admiration qu'une femme pouvait prendre la parole, dire l'intime et l'intimité. Avec audace, avec liberté. (…) Je crois que c'est elle qui m'a ouvert les chemins de l'écriture. (…) J'ai eu une autre révélation, celle du lien entre l'histoire des individus et l'histoire collective. Il est essentiel, grâce à des auteurs comme Assia Djebar, d'écouter ces vies ensevelies, qu'on n'a pas l'habitude d'entendre.
Assia Djebar a donné la parole aux femmes et retrouvé sa propre parole, sa parole d'origine, la langue berbère. Assia n'était pas un porte-parole mais un porte-voix, on ne peut pas comprendre Assia Djebar si on ne comprend pas cela. (…). «Ces voix qui m'assiègent», disait-elle… «Elle a ouvert des champs que l'on ne risque pas de refermer.»
Et de constater avec tristesse que «la voix d'Assia Djebar a été inaudible longtemps en Algérie, car elle dérangeait. Je souhaite qu'elle retrouve en Algérie la place qu'elle mérite». Un lycée à Oran porte désormais son nom, à l'initiative de la ministre de l'Education nationale, a-t-elle ajouté.
Amel Chaouti, fondatrice du Cercle des amis d'Assia Djebar, considère que «la parole d'Assia est un patrimoine. C'est comme cela que je le vis depuis que j'ai rencontré tardivement son œuvre et créé il y a onze ans le Cercle. (…) C'est de ma place de lectrice que j'arrive à m'interroger, m'émouvoir. Née en 1971 à Alger, je ne connaissais pas mon histoire, ma mémoire féminine algérienne. Elle est la première à m'avoir donné le goût d'entrer d'une autre façon dans l'histoire nationale». L'académicienne a travaillé aussi sur le deuil, sur la rupture, le traumatisme, relève Chaouati.
Pour Michèle Idèls, codirectrice des Editions des Femmes-Antoinette Fouque, Assia Djebar voulait «sortir la voix non écrite des femmes ‘desquamée tant elle n'a jamais vu le soleil', selon ses propres termes. (…) Assia savait d'où elle écrivait». Et de souligner : «Nous avons partagé le combat des deux côtés de la Méditerranée pour la liberté des femmes en Algérie persécutées par le FIS». Gilles Manceron rappelle que ce n'est pas par hasard que la romancière a choisi comme nom de plume Djebar. «Intransigeante, elle l'était notamment sur la question des femmes et de leurs droits».
Pour Nassima Bougherara, historienne, Assia Djebar «prend une distance avec l'histoire au moment où elle la vit, pour l'analyser. (…) Toute son œuvre se situe dans ce continuum : l'espace méditerranéen, l'Algérie, la France, l'Algérie femmes, femmes-courage, femmes-résistance, femmes battantes, femmes-rébellion. A l'intérieur de ce continuum, elle va poursuivre sa recherche d'archéologue».
Gilles Manceron a souligné que Djebar évoque les violences massives de la colonisation comme «une forme de déni de l'histoire coloniale, le déni des deux sociétés auxquelles elle appartenait». Et dans un clin d'œil à l'actualité, il aajouté : «Deux révisions constitutionnelles dans les deux pays aboutissent, l'une et l'autre, au rejet de ceux qui ont deux nationalités». Enfin, cette remarque émouvante d'un enfant d'une dizaine d'années : «C'était une femme de paix, ce serait bien si elle vivait encore…»
N. B. (Bureau de Paris)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.