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Résistance citoyenne à l'amnésie
Publié dans El Watan le 22 - 03 - 2017

Vingt et un mars 1998 : 9 bergers sont massacrés à Saïda» ; «19 mars 2002 : 4 citoyens, Djellal Abderrahmane, Nezregue Abdelkader, Belghazi Ramdane et Kaieb Ahmed, sont assassinés à un faux barrage dressé à El M'Kachiche, près de Tissemsilt» ; «18 mars 1995 : Soraya et Malika Bencherif sont enlevées de leur domicile, elles seront retrouvées égorgées à Aïn Ferhat, wilaya de Oum El Bouaghi» ; «15 mars 2000 : 11 citoyens, dont des enfants, sont massacrés en cette veille de l'Aïd El Adha à la cité Tolba, dans la commune de Chaïba (Bou Ismaïl)», «12 mars 1996 : Arabdiou Djilali, reporter-photographe à l'hebdomadaire Algérie-Actualité, est tué par balles près de son domicile à Aïn Naâdja»…
Cette triste chronologie est puisée de la page Facebook de l'association Ajouad Algérie Mémoires.
Depuis plusieurs années, Nazim Mekbel, président de l'association, s'attache inlassablement à entretenir au jour le jour cette mémoire tourmentée. Il égrène pour chaque date les actes terroristes qui ont fauché sauvagement tant de vies en veillant à aller au-delà des froides statistiques et des bilans macabres pour livrer le nom de la victime et, quand c'est possible, une photographie du défunt. Une manière de lui rendre son humanité, de lui restituer sa dignité.
Un travail de mémoire précieux et précis qui fait écho au site de l'association regroupant autant d'informations que possible sur les victimes : des témoignages, des articles de presse, des photos, des notes biographiques et parfois aussi des écrits produits par quelques-uns d'entre eux, à l'image d'un texte de M'hamed Boukhobza sur Octobre 88 ou des poèmes de Tahar Djaout ou de Youcef Sebti (voir : https://ajouadmemoire.wordpress.com).
«On touche énormément d'anonymes»
Comme on peut le constater, rien que pour ce mois de mars, le calendrier mortuaire est lourd. Hafid Senhadri (14 mars 1993), Djilali Liabès (16 mars 1993), Laadi Flici (17 mars 1993), Ahmed et Rabah Asselah (5 mars 1994), Abdelkader Alloula (10 mars 1994)… la liste est longue, très longue. Et si, généralement, on se souvient des intellectuels assassinés, des artistes, des journalistes, des personnalités publiques, force est de reconnaître – comme le souligne Nazim Mekbel – que la grande majorité des citoyens assassinés sont des «anonymes».
D'où l'attachement du fils de Saïd Mekbel à entretenir leur mémoire. Cela explique aussi le choix du 22 mars, une date qui réfère plutôt à un sursaut collectif, en l'occurrence les marches populaires du 22 mars 1993 et du 22 mars 1994 contre le terrorisme intégriste, une manière de ne pas mettre en avant une victime en particulier, si consensuelle et symbolique puisse-t-elle être. «Nous ne voulons pas d'une commémoration centrée uniquement autour de personnalités connues, comme Alloula, Medjoubi, Tahar Djaout ou mon père», explique Nazim. Et de préciser : «On touche de plus en plus de citoyens au niveau d'Ajouad. En touchant plus d'anonymes, les gens se sentent vraiment concernés. Et c'est ça la nouveauté dans la démarche.
C'est que nous, on touche énormément d'anonymes.»
Depuis sa création, Ajouad milite ainsi pour faire du 22 mars, une «journée contre l'oubli des victimes du terrorisme». Et l'idée suit résolument son chemin. Dans un texte intitulé «Appel du 22 mars», les fondateurs de l'association proclament : «Qu'importe que nous l'appelions ‘‘décennie noire, (décennie) rouge ou tragédie nationale'', cette période qu'a connue l'Algérie fut l'une des plus dramatiques de son histoire post-indépendance (…). Face au drame qui n'a épargné aucune famille, Ajouad Algérie Mémoires veut célébrer l'honneur et la dignité de ceux et celles qui ont été assassiné(e)s, violé(e)s, kidnappé(e)s, en refusant l'oubli de ces victimes et en luttant contre la falsification de l'histoire de notre pays.»
Ne pas les «enterrer à tout jamais»
L'association ne manque pas de pointer l'arsenal juridique (notamment la charte pour la paix et la réconciliation nationale de 2006) qui entrave tout travail de mémoire autour de cette séquence tragique de notre histoire contemporaine. «Aujourd'hui, c'est notre histoire et la mémoire de nos victimes qui se trouvent menacées par des lois abjectes : loi sur la rahma en 1995, concorde civile en 1999, réconciliation nationale en 2006…» Et de faire remarquer : «Refuser ce travail de mémoire, ce serait les enterrer à tout jamais.»
Nazim Mekbel ne se fait pas trop d'illusions quant à l'institutionnalisation de la «Journée contre l'Oubli» sous l'actuel régime. «On est obligés d'attendre qu'il y ait un nouveau gouvernement et un nouveau Président. On joue sur le temps», dit-il. Il se félicite toutefois qu'il y ait de plus en plus de franges, dans la société, qui se montrent sensibles à cette date, qui commencent à l'intégrer dans leur calendrier mental et affectif, signe que cela finira par s'ancrer dans l'usage et s'ériger en vraie tradition citoyenne à défaut de reconnaissance officielle. «Pour cela, j'ai confiance.
Cela se normalise», note le président d'Ajouad en citant les initiatives qui sont prises ça et là pour célébrer cette date.
D'ailleurs, sur sa page Facebook, il n'a pas manqué de saluer ces actes de résistance à l'amnésie. «Bravo à ceux qui, en répondant à l'appel d'Ajouad Algérie Mémoires, organisent des rencontres contre l'oubli, à ceux qui arrivent à faire en sorte que cette journée du 22 mars devienne une tradition citoyenne au-delà des clivages», écrit-il. Et de nous confier : «L'an dernier, le logo du 22 mars a été partagé 800 fois, cette fois-ci, le logo est partagé plus de 700 fois. On me dira : ce n'est que Facebook, mais le fait est que le 22 mars rentre progressivement dans les consciences. C'est un travail qui fait petit à petit son chemin. On est patients.»
Raviver la «mémoire des luttes»
Parmi ces initiatives, une commémoration sera organisée demain, à Oran, au siège de l'association Femmes algériennes revendiquant leurs droits (FARD), de concert avec les collectifs Plus Jamais ça et 22 Mars (https://www.facebook.com/events/231142244021620/). Jointe par téléphone, Fatma Boufenik, présidente de FARD, précise que l'association commémore cette journée depuis 2012. «Cette année est particulière dans la mesure où on le fait avec d'autres collectifs.
C'est important de militer ensemble, cela permet de consolider nos capacités. Il est important que cette dynamique soit renforcée.» Mme Boufenik espère que cette dynamique soit ralliée par d'autres organisations de la société civile. Pour ce qui est du programme, cette commémoration prévoit, indique-t-elle, la lecture de textes réalisés en atelier par des femmes, et qui ont valeur de témoignages sur la période du terrorisme. Au menu, également, la projection d'un court documentaire sur les journalistes assassinés ,ainsi que des intermèdes musicaux.
«L'objectif est d'expliquer pourquoi le 22 mars, une date qui fait référence aux manifestations qui ont eu lieu en 1993 et en 1994 à Alger et dans plusieurs wilayas pour dénoncer le terrorisme intégriste.» «C'est pour lutter contre l'oubli et arriver progressivement à faire reconnaître cette date comme Journée nationale contre l'Oubli», appuie-t-elle. «C'est important pour la mémoire des victimes et aussi pour les vivants, pour dire : pas de pardon. Le pardon ne s'impose pas», insiste-t-elle.
Farid, représentant des collectifs Plus jamais ça et 22 Mars, souligne pour sa part que cette date se veut «un acte contre l'oubli mais c'est aussi un acte de résistance», estimant que les «causes qui ont produit le terrorisme sont encore là». «Tant que la question de l'instrumentalisation politique de la religion n'est pas tranchée, nous risquons de revivre cela. Il faut rester vigilants.
Quand on voit les violences faites aux femmes, les inquisitions, les atteintes à la liberté de conscience, tout cela fait le terreau de l'intégrisme», prévient-il.
Pour son camarade Saïd, cette date est un repère mémoriel salutaire à plus d'un titre. «On ne peut construire un vivre-ensemble et une conscience collective sur l'amnésie imposée», dit-il. «Tant que la justice n'a pas été rendue, rien n'est réglé. On en voit les résultats avec toute cette violence qui gangrène le corps social.
Que ce soit dans les rapports sociaux, à l'école, dans la rue, dans la famille, sur les routes, la violence est omniprésente.» Cette violence, analyse Saïd, est aussi la conséquence d'un «refoulement dans l'inconscient collectif des traumatismes subis». Il considère dès lors que «le souvenir, le refus du refoulement est une œuvre de salubrité publique». «Mais on ne veut pas d'une mémoire ‘‘victimisée''. Nous voulons entretenir une mémoire de lutte contre le projet intégriste qui se poursuit. Nous voulons commémorer les luttes et la mémoire des luttes», martèle-t-il.
A Aokas, un collectif citoyen a pris, de son côté, la louable initiative d'organiser aujourd'hui un parcours commémoratif consistant à se recueillir sur les tombes de toutes les victimes issues de la région (https://www.facebook.com/proudtobefreeman/). La cérémonie est dédiée à la mémoire d'Amel Zenoune Zouani, étudiante en droit, assassinée à Sidi Moussa le 26 janvier 1997. Elle avait 22 ans.
Notons aussi cette autre cérémonie organisée par l'association culturelle Sumam, de la commune d'Akbou, qui observera aujourd'hui une halte mémorielle au village Ighil Nacer, en hommage à deux victimes du terrorisme : Kheiredine Aït Saïdi et Omar Ourtilane, ancien rédacteur en chef d'El Khabar assassiné le 3 octobre 1995. L'association brandit énergiquement ce slogan : «Un peuple sans mémoire est condamné à revivre son histoire». Cela fait sensiblement écho à une réflexion très juste de la juriste Karima Bennoune, auteur de l'émouvant Your Fatwa Does'nt Apply Here (Votre fatwa ne s'applique pas ici).
Dans une interview qu'elle nous avait accordée (voir : http://elwatan.com/actualite/il-faut-creer-un-centre-d-etudes-sur-les-annees-1990-26-01-2013-200887_109.php), elle nous disait en s'inspirant de la poétesse américaine Maya Angelou : «L'histoire, si douloureuse soit-elle, ne peut pas être effacée, on ne peut pas éviter le fait qu'on ait vécu cela. Mais si on l'affronte avec courage, on peut être sûr qu'on ne va pas la revivre une seconde fois.»


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