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Le prix de la reconnaissance
Publié dans El Watan le 22 - 07 - 2017

En avril dernier à Paris, Le cercle des Amis d'Assia Djebar avait eu le plaisir de recevoir la sociologue Kaoutar Harchi pour discuter de quelques points abordés dans cet article. Je n'ai qu'une langue, ce n'est pas la mienne. Des écrivains à l'épreuve est le titre d'un essai de la sociologue française d'origine marocaine, Kaoutar Harchi, également romancière, publié aux éditions Pauvert en 2016. A l'origine, une thèse de doctorat en sociologie soutenue en 2014 et consacrée à Assia Djebar et Kateb Yacine. Le titre de l'ouvrage est inspiré de l'essai Le monolinguisme de l'autre, du philosophe Jacques Derrida.
Ce dernier interroge la construction identitaire des Algériens (musulmans et juifs) pendant la période coloniale, qui devaient s'exprimer dans la langue de l'«Autre», au détriment de leurs langues maternelles. Or la problématique de la chercheuse est toute autre, d'autant qu'elle a consacré moins de place aux deux écrivains, objet de sa recherche, pour introduire trois écrivains contemporains : Rachid Boudjedra, Kamel Daoud et Boualem Sansal. Etonnamment, elle attribue systématiquement un destin commun et révolu aux cinq écrivains «arrivés à la nage» comme elle le prétend, à l'instar de ce passage : «Ecrire en pays (anciennement) colonisé, telle fut alors l'expérience vécue par Kateb Yacine, Assia Djebar, Rachid Boudjedra, Kamel Daoud et Boualem Sansal».
La chercheuse défend l'idée selon laquelle la critique parisienne s'octroierait le monopole de désigner les «écrivains francophones» originaires des anciennes colonies, ainsi que les œuvres majeures. La valeur de ces œuvres serait à rechercher uniquement dans le hors-texte idéologique et politique et non dans la qualité littéraire du texte.
Cette ascendance s'exercerait de façon plus marquée avec les auteurs algériens, parce que l'Algérie fut française. La conclusion est incisive et sans nuance : Yacine, Djebar, Sansal et Daoud ne devraient leur notoriété qu'à du hors-texte. La différence étant que les deux aînés auraient essayé toute leur vie littéraire d'y échapper, contrairement aux contemporains, qui se caleraient sur le désir paternaliste parisien. Quant à Boudjedra, il n'aurait pas obtenu la consécration, du fait de ses positionnements linguistiques et politiques.
Est-il vraiment pertinent de comparer la carrière littéraire d'un écrivain de plus de cinquante ans, débutée sous le joug colonial, ayant subi la langue de l'ennemi avec celle d'un écrivain qui, est au début de sa carrière, né dans un pays indépendant et qui a fait le choix d'écrire en français alors qu'il est arabophone ?
La problématique de l'ascendance parisienne a été régulièrement abordée par les écrivains algériens tel Mohammed Dib. Toutefois, avancer l'idée selon laquelle cette pression serait plus forte sur les écrivains algériens pour des raisons historiques est insuffisante sans avoir effectué une recherche comparative avec d'autres écrivains dits francophones. Notre constat est tout autre : la pression est plus forte sur les écrivains du sud de l'Afrique, qui ne peuvent être publiés dans leur pays en raison de l'absence ou de la rareté des maisons d'édition.
Ces écrivains se retrouvent souvent enfermés dans des lignes éditoriales qui portent parfois la couleur de peau. Gallimard, par exemple, publie ces écrivains dans la collection Continents Noirs. Mais si l'on cherche une singularité vis-à-vis des écrivains algériens, elle émane non pas du passé mais du présent et le problème est politique et idéologique. En effet, l'Algérie compte le plus grand nombre de personnes parlant français, mais ne fait pas partie de l'Organisation internationale de la francophonie. Peut-on alors parler d'écrivains algériens francophones ? Assia Djebar préférait le terme «francographe».
Une autre question se pose dans cet essai sur le plan méthodologique, la chercheuse décide de ne pas s'entretenir avec les écrivains algériens vivant tous les trois en Algérie. Voici son argument : «Au final, cela n'est pas paru indispensable. Premièrement, un grand nombre de données pertinentes étaient déjà disponibles.
Deuxièmement, interroger un écrivain contemporain au sujet de la ‘valorisation' littéraire de son travail aurait inéluctablement induit de sa part l'adoption d'une posture littéraire oscillant entre rhétorique de la vocation littéraire et rhétorique de l'innéité de compétences d'écriture. Ces éléments auraient constitué une redite mais guère une plus-value.» Le chercheur a-t-il le droit d'anticiper ainsi les réponses des écrivains ? Autrement dit, n'est-ce pas condamner l'écrivain à ne pas évoluer dans sa réflexion, dans ses contradictions ? Il y a quelques semaines, l'écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun était invité sur le plateau de l'émission littéraire La grande librairie, sur France 5.
Un philologue français de renom lui pose la question obsédante : pourquoi écrit-il en français ? La réponse spontanée de l'écrivain a été cinglante : car il respecte la langue arabe. Le philologue intervient aussitôt pour lui signifier qu'il lui avait déjà posé la question il y a quelques années et que ce n'était pas la réponse qu'il avait donnée. Il est probable que la chercheuse ait elle-même été contaminée par l'actualité littéraire de Kamel Daoud et de Boualem Sansal dont les chapitres qui les concernent sont les plus importants, il est à noter que l'essai a été publié peu de temps après les faux débats médiatiques.
Ce livre a néanmoins le mérite de confirmer la persistance des enjeux inconscients et conscients qui demeurent dans le rapport entre la France et l'Algérie, piégeant écrivains, critiques littéraires mais également les chercheurs ou toute autre personne voulant approcher le lien entre ces deux pays. Une question s'impose toutefois : pourquoi la critique parisienne a-t-elle le devoir de reconnaître ces écrivains non français quand les écrivains français provinciaux se plaignent d'être ignorés ? N'est-ce pas plutôt le rôle et le devoir de la critique du pays de chaque écrivain ? Si le procès doit être fait, ce serait plutôt à l'encontre de cette critique quasi absente, préférant souvent s'intéresser aux écrivains occidentaux plutôt qu'aux écrivains de chez eux. Il est certain que derrière cette problématique de reconnaissance se cachent d'autres sujets qui ne disent pas leur nom, notamment celle de la dette.
Dans ce lien qui fait perdurer le rapport dominant (supérieur)/dominé (inférieur), les uns revendiquent comme un dû la reconnaissance, telle une réparation du passé ou une sorte de label de reconnaissance par la «langue mère», les autres attendent la reconnaissance pour leur avoir transmis une «langue civilisationnelle».
D'où le besoin illusoire de garder le contrôle sur cette langue qui leur a échappé. Cette réalité insupportable est reflétée par une question pour le peu surprenante en début de la quatrième de couverture de l'essai: «Suffit-il d'écrire dans la langue de Molière pour être reconnu comme un ‘écrivain français' ?» Est-ce la demande de la plupart des écrivains algériens et francophones ?
Il y a quelques mois, à la sortie du roman Meursault contre-enquête, une journaliste sur une importante radio française avait présenté Kamel Daoud comme écrivain français. Présent sur le plateau, ce dernier l'avait corrigée en ajoutant qu'il est algérien et vit en Algérie. Toutes ces justifications que les écrivains non français se sentent obligés d'avancer en disent long.
En effet, le mot «français», associant la langue et l'identité a été remis en question par ces écrivains non français d'expression française qui ont créé une dissociation non encore assimilée par les protecteurs de la langue française. L'écrivain canadien d'expression française n'attend pas la reconnaissance de la France, de même que l'écrivain belge, car leur valorisation par les différentes instances du livre dans leurs pays leur assure une indépendance vis-à-vis de la France. Une valorisation qui manque cruellement aux écrivains africains, qu'ils soient du Nord ou du Sud, et qui se trouvent désormais obligés de se tourner vers la France pour trouver un peu de reconnaissance au prix fort.


* Née à Alger, Amel Chaouati a poursuivi ses études de psychologie en France où elle vit et travaille. Présidente du Cercle des Amis d'Assia Djebar, elle est l'auteure de l'ouvrage Les Algériennes du château d'Amboise. La suite de l'Emir Abdelkader. (La Cheminante/Sédia) paru en 2003.


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