C'est le même constat soulevé par le wali de Mascara, Lebka Mohamed, lors de la réunion du conseil de wilaya au cours de laquelle il a déclaré: «La situation de l'environnement urbain dans la ville de Mohammadia est abominable. C'est une ville qui crie sa détresse. C'est le résultat des années d'abandon.» Située à 32 km de Mascara, avec une population de 100 677 âmes, Mohammadia (ex-Perrégaux) est la ville de la région où l'on recense le plus grand nombre d'habitations précaires. En l'absence de chiffres officiels, les taudis, qui continuent à proliférer se comptent par milliers. Les opérations de relogement des familles au pôle urbain Chahid Mohamed Abdellaoui (à 3 km de Mohammadia) n'ont pas suffi à atténuer la bidonvillisation du paysage urbain de cette ville. A ce propos, notons que le phénomène de prolifération des habitations précaires, notamment sur les hauteurs de la forêt des Planteurs, au sud de la ville, a échappé à la maîtrise des pouvoirs locaux. «Chaque week-end, on assiste à l'apparition d'un abri de fortune et à la disparition de nombreux arbres», commente un producteur d'agrumes. A ce sujet, un cadre de la Conservation des forêts nous dira : «Au fil du temps, la forêt des Planteurs a été grignotée par des centaines d'auto-constructeurs. Elle a été massacrée et continue de l'être.» La soixantaine de procès-verbaux dressés par les gardes forestiers à l'encontre des contrevenants n'ont pas suffi à enrayer la dégradation de la forêt. Un cri d'alarme pour sauver ce qui reste de la forêt des Planteurs est lancé par de nombreux citoyens et autres membres des associations locales, qui imputent la responsabilité de la prolifération des taudis à de «pseudo agences foncières illégales», qui profitent d'une telle situation pour s'enrichir. Loin des regards des autorités, les centaines d'abris de fortune installés çà et là à travers les quartiers de Kouadria et «Beni wa skout» (littéralement : construis et tais-toi) où les conditions élémentaires d'hygiène sont inexistantes et la délinquance fait partie du quotidien, des milliers de familles attendent avec impatience leur relogement. Toutefois, le directeur du logement de Mascara, Abdelmadjid Guelil, s'est dit optimiste quant à la prise en charge des familles occupant les bidonvilles et autres cités précaires à Mohammadia. D'après ses déclarations, le relogement de certaines familles du quartier Kouadria, dont le nombre avoisine les 500, au pôle urbain Chahid Mohamed Abdellaoui devrait se faire très prochainement, et ce, après l'achèvement de l'opération de vérification de la propriété des terrains sur lesquels les habitations précaires occupées par les postulants aux logements sociaux sont construites. Mauvaise gestion En outre, 4000 autres familles habitant le bidonville «Beni wa skout» auront, peut-être, la chance d'obtenir, très prochainement, un toit décent dans la nouvelle ville, où environ 5000 logements sont en cours de construction. «Avant la fin de l'année en cours, 1200 logements, dont 800 destinés à la résorption de l'habitat précaire, réalisés dans la nouvelle ville, seront attribués à leurs bénéficiaires», a annoncé M. Guelil. Cette opération devrait, faut-il le mentionner, alléger la souffrance des centaines de citoyens occupant les immeubles insalubres et menaçant ruine situés en plein centre-ville. A cela, il y a la «mauvaise gestion» de l'eau potable qui est flagrante, d'après un ancien praticien de l'Etablissement public hospitalier qui affirme que, dans certains quartiers, «des citoyens achètent de l'eau à raison de 20 dinars le jerrican de 10 litres. A cause de la très faible pression, l'eau ne coule pas dans les robinets». Selon les données de l'Algérienne des Eaux (ADE), l'alimentation en eau potable actuelle destinée à la ville de Mohammadia est de 20 000 mètres cubes par jour, alors que les besoins sont de l'ordre de 18 122 m3/j. De son côté, la direction des ressources en eau de Mascara prévoit de mettre fin aux perturbations enregistrées dans la distribution d'eau potable à Mohammadia dès l'achèvement du projet d'alimentation en eau de mer dessalée des 11 communes de la wilaya par le biais du couloir Mostaganem-Arzew-Oran (MAO), et ce, avant la saison estivale 2018. Accusant un retard dans sa livraison totale, notons-le, le projet dit «MAO» avance timidement avec un taux de réalisation de 70% qui permettra le transfert d'un volume hydrique de l'ordre de 122 000 m3/j. «L'origine des perturbations en matière d'alimentation en eau potable est due à la détérioration des conduites et l'obstruction d'autres canalisations par le calcaire», explique un citoyen du quartier des 28 logements sociaux participatifs (LSP). Ce qui confirme cette opinion, la proposition formulée par les autorités de wilaya, le 22 octobre, au ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, lors de sa visite à Mascara, pour l'inscription d'un projet de réhabilitation des réseaux d'alimentation en eau potable de la ville qui sont dans un état vétuste. A cela, la situation déplorable dans laquelle se trouvent les canalisations d'irrigation agricole dans cette localité réputée pour la qualité de ses oranges fait réagir les populations, notamment les agriculteurs, qui ne cessent de réclamer l'achèvement du projet de réaménagement et de réhabilitation du périmètre irrigué de la plaine de Habra. Selon un document du ministère des Ressources en eau, le projet en question est réparti en trois lots. Le 3e lot est achevé à 100%, le second est en voie d'achèvement (97% de taux d'avancement) et le 1er, confié depuis le mois de mars 2014 à l'entreprise ETRHB Haddad, accuse un retard flagrant avec un taux d'avancement de 44%. Les agriculteurs de Mohammadia luttent également pour sauver le barrage de Fergoug, envasé à pratiquement 98%. «Le ministre des Ressources en eau nous a promis, dernièrement, d'affecter à Mascara la première drague qui sortira, en mars 2018, de l'usine Alieco de Hussein Dey, pour procéder au désenvasement du barrage de Fergoug», nous dit le président de l'Association pour le développement et la promotion de l'agriculture, Boukhari Mohamed Bouzid.
Un cadre de vie dégradé Décharges sauvages, absence de trottoirs, de bordures de délimitation, d'avaloirs et de caniveaux, chaussées dégradées remplies de nids-de-poule, espaces verts à l'abandon et anarchiques, éclairage public défectueux et jardins fermés. Tel est le constat dressé par la direction de l'urbanisme, de l'architecture et de la construction (DUAC) de Mascara dans son rapport présenté, mardi 7 novembre, devant le conseil de wilaya. «Cela fait des années que rien ne va à Mohammadia. La ville a été livrée à elle-même. Les élus, beaucoup plus occupés par les querelles intestines, ont failli à leur mission», s'exprime un jeune universitaire qui se dit «surpris de l'état déplorable dans lequel est plongée toute une ville». Une décision de rendre à la ville de Mohammadia son éclat a été prise par les autorités de la wilaya et un budget de plus de 150 millions de dinars devrait être dégagé pour la résorption du déficit en aménagement urbain dans sept sites à Mohammadia. Dans certaines cités, notamment le pôle urbain Chahid Mohamed Abdellaoui et le douar Djebbour, les citoyens dénoncent l'insécurité et la détérioration de leur cadre de vie. Selon un jeune membre d'une association de quartier, la délinquance a pris des proportions inquiétantes et a généré un climat d'insécurité au sein de la population, notamment des zones périphériques de la ville. «Ce sont généralement les revendeurs illégaux de boissons alcoolisées et autres dealers qui affectent la vie quotidienne des citoyens», nous dit-on. Et puis, dans un autre registre, on note aussi que l'absence d'entretien des établissements scolaires des trois paliers à Mohammadia est flagrante. C'est le cas de l'école primaire Ibn Rochd, située en plein centre-ville, qui se trouve dans une situation déplorable. Les écoliers de cet établissement scolaire ne peuvent pas pratiquer le sport. «Parce que la cour de récréation de l'école est dangereuse», nous répond un parent d'élève. Les sanitaires, en outre, n'ont pas échappé à la dégradation. Débordées et mal entretenues, les toilettes menacent réellement la santé des écoliers. «Tous nos appels pour l'amélioration des conditions de scolarisation des enfants sont restés vains», nous dit-on. Selon le wali de Mascara, l'APC a dégagé un milliard de centimes pour le club de la ville, le SAM en l'occurrence. «Mais, pour dégager une telle somme pour entretenir une école ou une rue, c'est impossible», a-t-il dit. De son côté, le directeur de l'Administration locale a révélé, le 7 novembre, que la commune de Mohammadia dispose d'un excédent financier de 13 milliards de centimes. Dans l''Etablissement public hospitalier de Mohammadia, construit en préfabriqué, l'eau dégouline du plafond pendant les périodes pluvieuses parce que l'étanchéité est défectueuse. Cet établissement hospitalier souffre d'un manque flagrant de praticiens spécialistes. Même le service d'oncologie, qui a ouvert ses portes au mois d'octobre dernier, pour la prise en charge des 116 cancéreux dont 69 femmes et 47 hommes, est à la recherche d'un oncologue. Parallèlement, le nombre de malades résidant à Mohammadia et bénéficiaires d'un suivi médical dans le centre de psychiatrie de la ville est alarmant. En 2016, le corps médical de cette infrastructure hospitalière a reçu 1110 personnes, dont 558 ont bénéficié d'un traitement ambulatoire. C'est le chiffre le plus élevé par rapport aux autres localités de la wilaya. La commune de Mohammadia, promise à un statut de wilaya-déléguée, qui a fait un grand et long retard dans tous les domaines, retrouvera-t-elle, un jour, son lustre d'antan ?