Dans toutes les formes de développement, la ville constitue un noyau central d'intérêt économique et social, culturel, urbanistique et environnemental. La ville étant un élément sociétal dynamique et complexe, elle a toujours suscité un intérêt pour les études pluridisciplinaires liées à la vie collective et ses implications pluridimensionnelles également. La ville constitue l'acte initial à toute civilisation qui est liée essentiellement aux modes urbanistiques de construction et de viabilité. C'est pourquoi la ville a toujours fait l'objet d'études et de politiques publiques de sa gestion, compte tenu, justement, de sa complexité multiforme et de son aspect hétéroclite. Ainsi, la nécessité de sa bonne gouvernance s'impose comme un segment irréversible guidant les politiques publiques urbaines. En Algérie, il est entendu par ville, un cantonnement social non maîtrisé laissant facilement entrevoir à chaque fois les prémices d'une rurbanisation dénuée de tous les paramètres sous-jacents liés à tous les besoins que peut susciter la cité (agglomération). Juridiquement, et suivant la loi 06-06 du 20 février 2006 portant orientation de la ville, celle-ci est définie comme «toute agglomération urbaine ayant une taille de population et disposant de fonctions administratives, économiques, sociales et culturelles». Eu égard aux évolutions qu'a connues la ville algérienne depuis 2006, il est plus que nécessaire, aujourd'hui, de réexaminer les implications de l'urbanisation accélérée dans un contexte de ces transformations. Dans cette réflexion, nous tenterons de dresser les différentes problématiques auxquelles sont confrontées les villes pour adopter une stratégie en mesure de relever les défis du développement durable urbain. Nous mettons en relief l'exemple de la wilaya de Tizi Ouzou. En voici quelques éléments devant servir de projection pour une véritable politique de la ville tenant compte des exigences du développement durable : 1- La requalification des tailles et des fonctions des villes : vers une véritable politique de la ville moderne La prise en charge de la problématique du logement contenue dans les différents programmes du gouvernement a certes résorbé, en grande partie, cette préoccupation sociale, mais elle a induit des effets négatifs sur la structure de la trame urbaine. Nous avons réalisé des centres urbains qui ne remplissent pas les fonctions d'ordre culturel, économique et environnemental. L'extension urbaine sous différentes formes, d'ailleurs non maîtrisée, exige un encadrement et une gestion qui permettrait le redimensionnement de la taille de la ville par la définition des micro- centres urbains. La taille de la ville n'est pas uniquement liée à la population et à la densité urbanistique, elle doit prendre aussi en charge les différentes problématiques qui s'y articulent. De ce fait, il est impératif de reprendre l'arsenal juridique de manière à l'adapter à ces exigences pour redonner à la ville sa véritable vocation en tenant compte des spécificités territoriales de celle-ci. 1.1. De la nécessité d'aller vers une véritable politique de la ville : A priori, la mise en place d'une véritable politique de la ville s'appuie essentiellement sur ses données territoriales à l'effet de pouvoir l'identifier en tant que telle et la qualifier c'est-à-dire lui donner un sens : ville touristique, commerciale, sociale et économique… Ainsi, la ville en tant qu'entité dynamique multiforme doit constituer, à elle seule, un segment devant présenter un intérêt spécifique de la gouvernance. A titre indicatif, il est urgent d'aller vers l'institution d'un département chargé de la ville et du développement du territoire urbain. Bien entendu, cette vision exige des instruments et des dispositifs d'urbanisation adaptés aux contraintes liées aux spécificités de la ville algérienne. 1.2. De la nécessité de fixation des critères de dimensionnement de l'agglomération-ville : Passer des principes quantitatifs de dimensionnement de la ville aux principes qualitatifs à l'effet de la rendre viable et opérationnelle, constitue à l'heure actuelle une exigence de modernisation de l'agglomération- ville. La réussite de cette vision dépend essentiellement, de l'implication effective de tous les acteurs institutionnels et professionnels à l'effet d'aller vers l'excellence dans la gouvernance urbaine. 2. La gouvernance urbaine : A l'effet de garantir la cohérence et l'efficacité de l'utilisation des différents instruments de planification urbaine, il y a lieu de refonder l'approche en tenant compte des spécificités territoriales de la ville. Il s'agit en fait de prendre en charge les besoins exprimés localement en impliquant les différents acteurs et exigences citoyennes de manière complémentaire et logique de la gouvernance participative effective basée sur les approches latérales (partenariales) en garantissant une meilleure coordination de tous les acteurs au niveau local (les pouvoirs publics, les collectivités locales, les professionnels et les citoyens). Concrètement, la mise en œuvre d'une bonne gouvernance locale passe par la définition de stratégies urbaines locales intégrant les problématiques liées au quotidien du citoyen, à l'effet d'améliorer son cadre de vie et son bien-être, aux plans des services publics basiques en facilitant la mobilité. De même, le développement du tissu urbain du territoire de la wilaya de Tizi Ouzou, à titre illustratif, interpelle les acteurs à tous les niveaux de décision en vue de prendre en charge les évolutions des problématiques liées à l'articulation des fonctions de la ville, grande agglomération centre, avec les agglomérations périphériques émergentes. Ces dernières, permettraient de reconfigurer le marketing urbain et d'identifier les niveaux de compétitivité et d'attractivité des villes périphériques. En sus de ce qui est développé précédemment, le développement de la ville devient un objectif stratégique dans la maîtrise de la gestion des espaces. Dans ce contexte, les défis à relever dorénavant trouvent leur prise en charge dans les grandes orientations contenues dans le développement durable ou soutenu. 3. Le développement durable urbain La ville ne peut, aujourd'hui, être conçue comme un élément figé, mais plutôt dynamique, du fait que les besoins ne cessent de croître de façon qualitative et complexe. Le développement durable dans ses multiples facettes : social, économique, environnemental et culturel (gouvernance), doit être mis en œuvre en passant par l'élaboration des diagnostics sur les villes pour identifier l'ensemble des atouts, potentialités, forces, faiblesses et menaces de l'agglomération du périmètre de la ville. En effet, la communauté urbaine, par la coordination des pouvoirs publics, doit élaborer une stratégie pour la prise en charge des problématiques liées, en particulier, au service public dans tous ses volets, comme par exemple la gestion des déchets, la création des espaces de détente pour personnes âgées et des espaces de loisirs pour enfants. L'utilisation de ces espaces doit être faite de façon optimale à même de réduire l'ampleur des fléaux sociaux qui guettent les franges juvéniles. 4. Vers l'intégration du concept de ville intelligente ? La communication territoriale et urbaine doit être développée par la mise en place des supports des innovations introduites par les nouvelles technologies de l'information et de la communication, telles que les télésurveillances, les cartes électroniques des réseaux divers de la ville par des applications internet, la géolocalisation (GPS), les lignes vertes des services de sécurité et de secours, la généralisation de la signalisation électronique de la ville. Ceci aboutira à une meilleure gouvernance par anticipation aux événements et une meilleure orientation à la prise de décision. Il serait également stratégique, dans ce cadre, de réfléchir à la une veille permanente des risques auxquels est confrontée la ville. 5. De la nécessité d'une maîtrise des enjeux économiques de la gestion du développement durable de la ville : Le développement durable, dans son acception économique, doit être orienté vers l'utilisation rationnelle des ressources disponibles au niveau de la ville. La maîtrise des techniques urbanistiques répondant aux exigences du financement du développement durable de la ville doit être mis en pratique par la réalisation de projets pilotes appelés «quartiers écologiques» dont la teneur et les objectifs sont la répartition rationnelle des moyens matériels et financiers et créer un cadre de vie écologiquement sain, économiquement opulent et socialement épanoui. 6. De la nécessaire interconnexion de la «ville-mère» aux «agglomérations-villes périphériques» dans la prise en charge de l'urbanisation du territoire : Il s'agit, ici, de l'identification d'une conditionnalité d'approche managériale globale de la gestion dynamique des espaces urbains devant permettre la synergie entre les villes urbaines. A ce titre, la ville centrale, «ville-mère», doit aller au-delà de son emprise au sol pour influencer, voire agir, sur les niveaux d'urbanisation des «agglomérations-villes périphériques» implantées sur l'étendue du territoire. Elle constituera, ainsi, la locomotive de l'organisation urbaine de l'ensemble du maillage urbain du territoire. De ce fait, «la ville-mère» se verra confier une tâche supplémentaire qui ne cadre pas avec les fonctions de la ville classique pour contribuer concrètement à son rayonnement, à l'élévation du niveau de développement urbain de «l'agglomération de la ville-périphérique» sans que cela ait une quelconque incidence sur ses capacités financières. En un mot, «la ville-mère» constituera un véritable tableau de bord référentiel aux initiatives qui y seront suscitées au niveau des «agglomérations-villes périphériques». Elles formeraient ensemble une grappe urbaine homogène et dynamique. «L'agglomération ville-périphérique», quant à elle, se verra également confier la mission d'alimentation de l'intelligence et des forces innovatrices que renferme «la ville-mère». 7. De quelques perspectives du développement urbanistique durable : exemple de la wilaya de Tizi Ouzou L'exemplarité pour schématiser la réflexion avancée peut être illustrée à travers la réalisation du pôle urbain d'excellence (ville nouvelle de Oued Falli sise au sud-ouest de la ville de Tizi Ouzou). La projection étant faite sur la base des insuffisances constatées dans le noyau urbain (centre-ville de Tizi Ouzou) et celui de la nouvelle ville de Tizi Ouzou. Ainsi, les besoins du territoire sont pris en compte, notamment en ce qui concerne les infrastructures principales et nécessaires à l'accompagnement du programme de logement en cours de réalisation, telles que le nouveau CHU, le volet transport, le volet loisirs et espaces de détente, la sécurité, ainsi que les exigences liées à la naissance d'une ville moderne et intelligente. En guise de conclusion, toute réflexion allant vers la gestion des villes dans le cadre du développement durable nécessite l'identification des défis à relever à court, moyen et long termes, dont la finalité est de répondre aux différentes problématiques complexes de la ville. C'est dans ce sens que la coordination des acteurs doit être de mise pour enclencher une dynamique de développement urbain innovant et durable. La formation dans les métiers liés à la ville est quasi urgente pour rendre la ville objet d'étude empirique adapté à nos spécificités culturelles et territoriales. Enfin, cette nouvelle approche est le fruit d'un constat réel qui renseigne sur la mauvaise prise en charge des réalités et une mauvaise réponse aux aspirations des citoyens. C'est pourquoi l'adhésion à cette nouvelle approche managériale permettra, sans doute, l'élévation du niveau de gouvernance et de bonne gestion des territoires, notamment urbains, afin de répondre aux attentes des citoyens et réduire les coûts de gestion, en assurant des prestations de service public de qualité. Ce qui rendra la ville qualitativement attrayante pour l'ensemble des acteurs.
Par le Dr Arezki Chenane Maître de conférences A à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou Par Rabah Hamiche Spécialiste en management public
