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Le mal et les limites du pire
Sidi el kébir (Blida)
Publié dans El Watan le 27 - 03 - 2005

Par une matinée lourde d'une brume épaisse, nous traversons les artères étriquées de la capitale de la Mitidja : Blida. Jadis, on l'appelait la Ville des roses. Dépenaillée et flétrie par une décennie de cruautés, la ville, à présent, commence, malgré les quelques éléments lugubres qui dépeignent encore son quotidien, à renaître à la vie.
Tel un malade qui guérit d'une longue et tortueuse maladie. Elle tente de renaître des cendres encore chaudes de la violence, de la haine, de la guerre. Les roses et les odeurs de la paix semblent embaumer, comme autrefois, cette ville où, il n'y a pas longtemps, il ne faisait pas bon y vivre. Nous continuons, sans prendre le temps de nous arrêter, notre chemin sur un cul-de-sac pour gagner, avec un petit pincement au cœur, un bourg fantomatique, construit au pied d'une vieille carrière : Sidi El Kébir. Perché en contrebas du majestueux mont Chréa, Sidi El Kébir a vécu, pendant presque 10 ans, sous l'emprise d'un délire meurtrier. Le hameau est un conglomérat de bidonvilles érigés sur un modèle de camp de concentration sur un relief vallonné. A l'heure actuelle, la vie reprend peu à peu ses droits même si le souvenir demeure atroce. Nous sommes au point culminant de Sidi El Kébir. Tandis que notre accompagnateur - un enfant de Blida - se lance dans un exposé laudatif sur la renaissance du féerique Chréa, la beauté du site et les pique-niques, son récit est brusquement interrompu au passage d'une fourgonnette, à son bord trois ou quatre repentis tristement célèbres à Blida. « C'est une rencontre indésirable », estime candidement notre interlocuteur. Que mijotent-ils encore après l'échec de leur aventure horrible ? « N'ignorant pas qu'ils éveillent de vieilles rancœurs, ils vivent en ermites et circulent en petits groupes », souligne-t-il avec une ostensible note d'indifférence. Selon lui, les habitants de Blida se sont habitués aux cavalcades macabres des bénéficiaires de toutes les concessions faites par l'Etat ! « Ils exhibent même, avec une grande désinvolture, une mine de fierté. Sidérant ! », s'indigne notre accompagnateur. Peut-on réellement se vanter d'avoir fait une guerre aussi ignoble, aussi lâche ? Une guerre contre des enfants, on devrait la regretter. On devrait avoir honte de l'avoir fait ! Arrivant aux abords immédiats de la carrière, notre accompagnateur nous montre du doigt la « base » à partir de laquelle ceux qu'on qualifie aujourd'hui de repentis envoyaient des heb heb, une sorte de charges de grenailles infectées, sur le centre-ville de Blida.
Fallait pas humilier les malheureux
Le récit déchirant du premier massacre collectif commis à Sidi El Kébir nous a été remis en mémoire par Fatma-Zohra Khedar, membre du bureau exécutif de l'association Djazaïrouna. « Le carnage, rappelle-t-elle, a été perpétré le 6 novembre 1996. » A l'époque, personne n'avait des armes, ou presque à Sidi El Kébir. Les assaillants qui descendirent de l'impénétrable mont Chréa avaient investi le village et s'étaient acharnés, avec une bestiale brutalité, sur les villageois. Bilan : 32 morts. Les Achour, Bellamine, Lakehel... ont été entre autres familles ciblées. « La famille Achour avait perdu 6 membres ; 3 frères, une sœur, la mère, le père était déjà décédé avant le massacre », se souvient Mme Khedar. Trois sœurs - des handicapées mentales - et un garçon avaient toutefois échappé, par miracle, au massacre. Les survivants de cette famille, Fatiha, Malika, Rachida et Smaïn ont, depuis, cumulé les infortunes. « Avec la mise en place du décret portant indemnisation des familles et des ayants droit des victimes, les trois sœurs et le garçon avaient perçu un montant global de 96 millions de centimes », souligne la représentante de Djazaïrouna. Il y a toujours des conflits qu'aucune règle de procédure ne peut résoudre. Cette brillante réflexion, qui trouve ici tout son sens, est du philosophe contemporain Paul Ricour. La disproportion entre le mal subi et la réparation proposée, dans le cas des orphelins de la famille Achour, est flagrante. Le montant touché étant dépensé, les « souffre-douleur » que sont les héritiers Achour se sont enlisés dans une misère à la limite de l'indescriptible. « Pour vivre, les trois pauvres filles ne comptent désormais que sur l'aide des voisins », affirme Mme Khedar. Les autorités locales ? Le ministère de la Solidarité ? Les associations des familles de victimes ? Personne (du côté officiel ) n'est venu leur porter secours. « Pis, à défaut de régler quelques factures, on leur a coupé l'eau et l'électricité ! », se révolte notre interlocutrice. Encore une fois, il a fallu toute la générosité des bienfaiteurs pour que la lumière éclaire de nouveau la triste demeure des Achour. Cette hogra est, pour Fatiha et ses sœurs, un événement tout aussi traumatique que la perte des êtres chers dans l'hécatombe de 1996. Elles sombrent chaque jour davantage dans la confusion et la déprime. Actuellement, les rescapés de Sidi El Kébir sont dans un état de délabrement autant physique que moral. « Les autorités ont installé une cellule de proximité pour prendre en charge la population locale en proie à de terribles chocs psychologiques. Etant dans un état d'abattement désespérant, les sœurs Achour, notamment la plus jeune, refusent de se faire soigner au niveau de la cellule de proximité, et les thérapeutes rechignent , semble-t-il, à se déplacer vers la demeure des concernées ! », se désole notre interlocutrice.
La paix, combien elle coûte ?
Elle s'appelle Goussem Hamdani, veuve d'un menuisier enlevé puis assassiné à Soumaâ par des terroristes un certain 5 juillet 1995. Même dissimulés derrière un voile couleur du linceul, ses yeux tristes, ternis par la douleur, laissent apparaître un mal-être, un haut-le-cœur vieux de quelque dix ans. Rencontrée au siège de l'association Djazaïrouna à Blida, elle nous livre, d'une voix étranglée par le chagrin, un récit affligeant. « C'était une nuit du jeudi à vendredi. Les bourreaux étaient venus enlever (ou assassiner) mon mari parce qu'il avait, semble-t-il, refusé de cotiser ». Entre deux sanglots, Goussem continue son récit en s'essuyant les yeux et le front à même la peau de son avant-bras. « Parmi les sauvages, figuraient des jeunes que tout le monde connaissait chez nous. On m'avait brutalisée et puis torturée alors que j'étais enceinte. Un grand gaillard avait même osé étrangler mon enfant qui n'avait que 3 ans. Le samedi d'après, la tête de mon mari fut découverte, accrochée à l'entrée du marché. Qu'avons-nous fait pour mériter un tel sort ? », s'est-elle écrié à faire pitié aux âmes les plus insensibles. « L'un des assassins a été montré à la télévision. Les policiers m'ont dit qu'il a été condamné à mort. De toute façon, le bourreau a avoué ses crimes et apparemment c'est suffisant pour qu'il bénéficie du pardon », a-t-elle dit naïvement. Aujourd'hui, Goussem perçoit une pension mensuelle de 10 000 DA. Seul héritage de son mari. « Peut-on nourrir sept bouches avec une somme aussi insignifiante ? », se plaint-elle. Goussem ne saurait pas dire que, dans bien des cas, il ne suffirait pas d'inventer des procédures. Il faudrait surtout savoir rendre justice. Le cas de Mme Fatma-Zohra Khedar est tout aussi bouleversant que les précédents récits. Fatma-Zohra peut se considérer comme une rescapée d'une tragédie où la réalité dépassait la fiction. C'était un certain 24 juin 1996 à Ouled Yaïch. « Les sanguinaires ont sauvagement assassiné mon frère Mohamed-Réda, un commerçant de 35 ans, pour avoir refusé de payer la dîme et ma sœur Leïla, une avocate de 32 ans. Ils avaient tiré aussi sur ma vieille mère. Les autres membres de la famille ne doivent leur salut qu'à ma sœur Chérifa qui avait eu l'audace d'alerter les éléments des forces de sécurité postés non loin de chez nous », se souvient-elle. En guise de réparation, les ayants droit perçoivent une pension mensuelle de 8 000 DA partagée entre l'épouse du défunt, ses enfants et sa mère. Concernant le cas de la défunte Leïla, la mère avait perçu un capital unique de 96 millions. Les réparations matérielles, qui ne s'accompagnent pas de l'inéluctable réparation morale, seront-elles suffisantes ? Une réparation morale c'est d'abord le travail de mémoire. Encore faut-il que les bourreaux reconnaissent leur culpabilité criminelle dans ce que l'idéologie officielle qualifie désormais de « tragédie nationale ». Autrement, la mort de 150 000 malheureuses victimes sera un vain sacrifice.


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