Les vestiges et autres sites historiques de la wilaya de Tipasa s'effritent et disparaissent dans l'indifférence totale. S'agit-il de la malédiction ou de la mauvaise volonté des gestionnaires des affaires publiques locales de Tipasa ? Cette wilaya demeure à ce jour un territoire convoité qui défraie la chronique, notamment à travers la dilapidation des fonciers (agricole et touristique, ndlr) perpétrée par les décideurs locaux au profit des prédateurs (gang, ndlr) et autres détournements indignes d'une République. Cette fois-ci, nous citerons quelques exemples, parmi tant d'autres, pour illustrer l'abandon de ces patrimoines matériels en mesure de booster l'activité économique locale. Malheureusement, ces patrimoines sont livrés à la destruction rampante. Les fonctionnaires de l'Etat à Tipasa ne se soucient guère de leur dégradation. Ils ne prennent pas l'initiative pour s'enquérir directement de la situation physique de ces patrimoines, dont certains sont plus que centenaires. Ces patrimoines méritent une valorisation en cette période de crise. Hélas, les walis de Tipasa se confinent dans des discours stéréotypés sans passer aux actes. L'actuel, Bouchema Mohamed, fait encore mieux que ses prédécesseurs, en utilisant la photographe de la cellule communication pour diffuser sur la page Facebook officielle de la wilaya les photos de ses «furtifs déplacements» dans les environs du siège de la wilaya. Notre détour en ce début du mois de janvier 2020 au niveau de la ferme «Stigès», située à la sortie Ouest de Messelmoune (Gouraya), agglomération rurale qui se trouve à une soixantaine de km à l'ouest de Tipasa, nous a permis de nous rendre compte qu'aucune plaque de signalisation n'existe sur le site historique. Pourtant, le général américain, Mark Wayne Clark, s'est rendu dans ce lieu lors d'une mission secrète le 22 octobre 1942. Il avait dirigé une délégation militaire anglo-américaine. Les militaires, américains et anglais, avaient rallié la plage de Messelmoune à bord d'un petit sous-marin, Le Seraph, dans la nuit du 22 au 23 octobre 1942, avant de reprendre le large le 24 octobre 1942. L'objet de la réunion secrète dans cette ferme s'est articulé autour de la préparation du débarquement des Alliés. «Ici commence la libération de la France, de l'Europe et du monde du joug nazi», peut-on lire sur la plaque commémorative. Le lieutenant anglais, Norman Limbury Auchimleck Jewell, agé de 29 ans, avait commandé le sous-marin Seraph de Casablanca (Maroc) jusqu'à Messelmoune. Cet endroit historique est rongé aujourd'hui par la saleté. Il s'est transformé en un refuge pour délinquants, un lieu idoine pas du tout contrôlé. Il est devenu un espace de maux sociaux. Boudjebroun, l'autre agglomération rurale qui relève de la commune de Meurad (Hadjout), renferme deux sites centenaires. Il s'agit d'une huilerie qui mérite une réhabilitation, bien qu'elle soit opérationnelle. Elle est en service depuis… 1898. Ses équipements sont là. Elle produit de l'huile d'olive. A quelques encablures de cette huilerie traditionnelle, un petit barrage mis en service en… 1861 pour irriguer cette partie ouest de la Mitidja. Heureusement qu'il est bien gardé par l'ANBT. Encerclé par une série de montagnes boisées, le petit volume d'eau stocké dans ce premier barrage de l'Algérie nous éclaire sur son fonctionnement. Il mérite lui aussi plus d'attention. La mosquée aux «100 colonnes» de Cherchell, construite entre 1574 et 1576 par les architectes andalous chassés d'Espagne, se trouve dans un piteux état. Les pouvoirs publics avaient livré les murs extérieurs de ce lieu de culte, patrimoine cultuel, aux commerçants illégaux pour exposer leurs produits. Les murs agressés par l'érosion et l'incivisme ne suscitent aucune réaction chez les élus et responsables locaux. L'Emir Abdelkader, de passage à Cherchell pour aller rencontrer l'un de ses lieutenants à Menaceur (Sidi-Amar), Malek El Berkani, avait prié dans cette mosquée (d'hor). Une autre mosquée construite en… 1695 se trouve en déliquescence au marché communal de cette même ville. Les représentants locaux de l'Etat à Tipasa préfèrent visiter la mosquée «Errahmane», une ancienne église durant la colonisation, allant jusqu'à déclarer que cette mosquée, anciennement église, avait contribué au développement de la civilisation musulmane dans l'ex-Césarée. Les phares de Tipasa et Cherchell, respectivement construits en 1867 et 1881, ne sont pas visités, pourtant, ces deux patrimoines, à l'instar des autres, sont à ce jour inexploités, bien qu'ils peuvent devenir créateurs d'emplois et de richesses s'ils étaient pris en charge. Ce n'est pas le cas dans la wilaya de Tipasa.