Abdel Raouf Dafri signe son premier film qui sort sur les écrans français ce mercredi. Pour ce premier long métrage, le scénariste a choisi de traiter de la violence de la guerre d'Algérie. Un beau parti pris courageux mais un pari difficile. Tout d'abord parce qu'hélas, ce film comme beaucoup de précédents, n'a pas été tourné en Algérie mais au Maroc. Le réalisateur précise au Point Afrique : «Mon film a coûté 4 millions d'euros et pas un de plus pour 35 jours de tournage. Ni l'Algérie ni la France ne m'ont aidé. J'ai tourné au Maroc qui a débloqué des fonds.» Loin d'une certaine réalité algérienne du terrain qui aurait stimulé le créateur, Abdel Raouf Dafri se retrouve loin de pouvoir réellement être présent sur le terrain réel de la confrontation et cela lui ôte une part de réalisme. Pourquoi sinon parle-t-il au sujet de la guerre de la violence «des deux côtés» ? Même s'il ne manque pas d'ambition, cela ternit son intention. Pourtant, selon ce qu'il annonce au Point : «Quand j'ai commencé le cinéma, un peu avant mes 40 ans, c'était précisément dans l'objectif de réaliser un film sur ce conflit. Je me rêvais en Oliver Stone avec la guerre du Vietnam. Comme lui, je connais bien mon pays, ses mécanismes, son essence même. Et puis, cela m'énerve qu'en France on mette la poussière sous le tapis.» D'ailleurs, comme l'écrit un journaliste de France info, «son scénario percute, quitte à perdre de temps à autre un peu de crédibilité. Si les dialogues claquent, c'est parfois dans le vide, comme ceux du colonel Delignières, un personnage porté par un Olivier Gourmet qu'on a déjà vu plus à son aise.» L'autre écueil soulevé par notre confrère tient au fait qu'il a été «tourné avec un budget modeste», pour une «solide exigence». «Je regarde l'Algérie comme un Français. Sans demande de repentance» 58 ans après l'indépendance, on compte près d'une dizaine de films français sur cette période. Sachant que les films les plus justes sont ceux tournés par les cinéastes algériens, comme Hors-la-loi de Bouchareb, sans citer le vénérable Avoir vingt ans dans les Aurès, du regretté René Vauthier, longtemps censuré en France. Abdel Raouf Djafri, dont les parents ont débarqué d'Algérie en 1964, se sent surtout français, d'où l'impasse de sa création avec le souci d'éveiller la mémoire en France : «Mon rapport à l'Algérie s'explique, car c'est aussi l'histoire de France. Nous avons passé 130 ans là-bas, on y a fait beaucoup de choses. Je regarde l'Algérie comme un Français. Sans demande de repentance, mais surtout sans a priori, ce qui est loin d'être le cas de tout le monde !» Ce qu'il ne dit pas, c'est qu'en Algérie personne ne souhaite la repentance mais la reconnaissance de la barbarie coloniale. A savoir qu'on retrouve dans Un sang impur la comédienne Lyna Khoudri qui avait crevé l'écran dans Papicha. L'histoire : «Alors qu'il n'est plus que l'ombre du guerrier qu'il était en Indochine, le colonel Paul Andreas Breitner se voit contraint de traverser une Algérie en guerre, à la recherche de son ancien officier supérieur : le colonel Simon Delignières, porté disparu dans les Aurès, Nemencha, une véritable poudrière aux mains des rebelles.» Même s'il est certain, comme le dit le quotidienducinema.com, qu'Abdel Raouf Dafri, en bon scénariste expérimenté, (Le Prophète ; Mesrine) «maîtrise son sujet sur le bout des doigts, qu'il s'est documenté en lisant des témoignages et des ouvrages d'historiens.» Pourtant, le nouveau cinéaste joue tout de même sur la corde raide de la mémoire heurtée et souffrante en voulant trop la mettre sur une balance, alors que la souffrance algérienne est ô combien plus douloureuse, nourrie par des décennies de colonisation. Le quotidien du cinéma (en ligne) trempe la plume dans le propos qu'a voulu faire passer Djafri : «Le scénario garde une certaine objectivité, il n'y a pas de gentils ou de méchants, puisqu'il a pour ambition de rendre aussi bien hommage aux Algériens qu'aux jeunes soldats français. Abdel Raouf Dafri ne s'est pas contenté de raconter simplement une partie de la guerre d'Algérie, il y a aussi une histoire passionnante sur les tragédies humaines». Reste à savoir si on peut vraiment opposer la tragédie des soldats français entraînés dans une guerre injuste, et le drame vécu par les Algériens face à la répression féroce de l'armée coloniale. Peut-être que si le film avait été tourné en Algérie, le réalisateur aurait ressenti cette évidente particularité…