Les résultats « exceptionnels » du baccalauréat, cette année, seraient le fruit de la réforme engagée dans le système éducatif. Le ministère de l'Education s'accorde donc de beaux lauriers et se permet la coquette modestie de reconnaître que ce nouveau « record national » est aussi le résultat des efforts des enseignants, des élèves et de leurs parents. L'on sait pourtant que les enseignants ont passé une grande partie de l'année à protester, les parents d'élèves à s'angoisser et les élèves à poireauter devant les portails d'établissement fermés pour cause de grève. Mais les chiffres et les taux fringants du département de Benbouzid sont têtus. Le spectre de l'année blanche – dans son acception pédagogique et morale – qui a plané de longues semaines sur l'année scolaire qui finit n'aura finalement été qu'une argutie de syndicaliste en panne d'arguments ou une angoisse trop facile de parents d'élèves. La rhétorique brodée autour des chiffres et des taux de réussite suffit aux officiels du secteur pour que l'éponge soit passée sur le tableau noir des ratés, sur les aspérités d'une année où le même ministère avait été poussé à prendre des mesures pour le moins radicales et controversées pour faire fléchir les grévistes. Le département de Benbouzid a été quand même obligé de recourir à la justice, de brandir la menace des licenciements collectifs, de tordre le cou à une certaine éthique de la Fonction publique en publiant dans les journaux la grille des salaires des enseignants, pour effriter la mobilisation des syndicats… La réforme serait donc non seulement la panacée aux déboires historiques du secteur, mais également une formule magique qui transcende les déficits en termes de volumes pédagogiques et d'acquisition de contenus. Suprême vertu, elle sert également d'antidote efficace contre les velléités militantes de syndicalistes qui, d'année en année, se montrent plus entreprenants. Drôle de logique tout de même qui veut faire croire que les années de crise peuvent si naturellement déboucher sur des performances inédites. Demain, l'on pourra donc se remettre en grève pendant de longues semaines ou de longs mois, amputer les programmes scolaires d'un trimestre, refuser le dialogue avec les syndicats des enseignants sans que cela ne puisse influer sur la qualité pédagogique, encore moins compromettre la bonne application de cette réforme qui nous rapprocherait désormais des standards internationaux, dixit les pédagogues organiques du ministère. Une réforme qui, pour l'heure, se manifeste en tant que fabrique prolifique de records, jurant avec des constats de parents d'élèves et d'enseignants qui ne voient nulle part les signes du renouveau.