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Les Gloupoviens
Publié dans El Watan le 14 - 07 - 2010

C'est en lisant un texte dans Le Jour d'Algérie de l'éditorialiste Mohamed Habili que m'est venue à l'idée cette chronique pour l'été. Son texte, sobre et sombre, mais splendide et généreux, m'a beaucoup inspiré et je l'en remercie. Il annonce en quelques lignes l'été algérien et ses tumultes qui s'ajoutent à ceux passés, des saisons écoulées, et leur ajoute, en les amplifiant, l'effet du ciel et du soleil qui « tropicalisent » les comportements des gens. Même Ramadhan si proche, qui se devait apaiser les consciences, est non seulement impuissant à le faire, mais pire, les excitent déjà en s'annonçant aux portes du mois d'août. Mais Ramadhan n'a pas d'obligations envers les gens et c'est en eux que gît la question. La dimension réelle qu'ils lui ont donnée, troublante par ses paradoxes, la piété et la prière le soir venu, contre le consumérisme et la brutalité des comportements du matin, exprime comme un dédoublement de la personne basculant entre l'austérité agressive du jour et la dépense vorace de la nuit.
Commerçants et clients après s'être copieusement disputés le matin se retrouvent ensemble le soir pour des « Taraouih » (prières subrogatoires) dont ils attendent qu'elles effacent leurs fautes du matin. N'ayons crainte de le dire, il y a beaucoup de physiologie dans tout cela et les Grecs anciens avaient déjà identifié le foie comme le lieu des humeurs. Aujourd'hui, on parlerait de glycémie. Mais le pays est « une mine » de paradoxes de ce genre. Voilà quelques millions d'individus qui le quittent chaque été pour la Tunisie, qui lui ressemble comme une petite cousine, mais bien moins pourvue par la géographie, pour y goûter des plaisirs à portée de main chez eux : plages, villes et ports agréables, montagnes rafraîchies par l'altitude et forêts bien plus innombrables.
Alors ! Pourquoi partir ? Mais c'est toujours en eux que gît la question. La même d'ailleurs, quand, changeant de perspective, on retourne notre regard vers ceux des Algériens, qui vivent ailleurs et désirent passer « leurs vacances », dans leur pays. Pour près de 500 000 personnes annoncées cette année, soit le chiffre des voyageurs de quelques journées dans des aéroports comme CDG de Paris, Atlanta ou Chicago, toutes les autorités sont mobilisées pour l'opération ! Et les difficultés « techniques et organisationnelles » clairement expliquées cette fois-ci par le nouveau responsable ministériel des « Algériens à l'étranger » nous renvoient encore une fois à l'étrange « énigme » d'une société qui n'arrive ni à retenir, ni à accueillir ses propres touristes.
Alors, pour donner à cette chronique un ton estival, j'ai préféré utilisé l'allégorie appelant au secours le rire pour tenter de mettre « en vacances », ces tristes réalités elles- mêmes. Car, comme disait Gogol, « Le rire est une grande chose : il n'enlève à personne, ni la vie, ni les biens ». J'ai fait appel pour cela à un auteur russe du XIXe siècle, Saltykov-Chtchedrine, auteur mineur par rapport aux géants de l'époque comme Gogol, Tolstoï ou Dostoïevski, mais dont un des ouvrages m'avait captivé il y a de cela quelques années. C'était en 1978 quand je rédigeais des chroniques hebdomadaires pour le journal Algérie-Actualité. Juste deux mots sur Saltykov. De son vivant, ce fonctionnaire écrivain n'a été reconnu comme tel que tardivement par les grands romanciers de son époque. C'est à son départ à la retraite comme général qu'il publia l'ouvrage L'histoire d'une ville, considéré comme le premier roman de politique-fiction de la littérature russe de cette deuxième moitié du XIXe siècle et qui eut un énorme succès. A sa mort, des milliers de ses concitoyens qu'il avait tant moqués dans son ouvrage suivirent son cortège funèbre.
Alors, rions de nous en riant des Russes de Saltykov dans ce petit extrait que j'ai intitulé « Les Gloupoviens », le nom que leur a donné le maître qu'ils avaient choisi pour les gouverner. Donc, il était une fois un peuple nommé « Cognes-têtes »… Ces gens avaient été surnommés ainsi, parce qu'ils avaient coutume de donner de la tête contre tout ce qu'ils trouvaient en chemin. Voyaient-ils un mur ? Ils y cognaient la tête. Faisaient-ils la prière ? C'étaient de grands coups de tête sur le sol. Dans leur voisinage vivait une foule de tribus indépendantes. Ces peuples n'avaient ni religion ni gouvernement ; en revanche, ils se faisaient constamment la guerre. Ils concluaient des alliances, s'entre-déchiraient, faisaient la paix, se juraient amitié et loyauté. Avant de mentir, ils prenaient soin de dire : « Si je mens que la honte m'étouffe », mais ils savaient fort bien que « la honte n' a jamais tué personne »… C'est ainsi qu'à tour de rôle ils se ruinèrent leurs terres, se violèrent leurs femmes et leurs filles sans pour autant cesser de se targuer de leur bonhomie et de leur hospitalité.
Lorsqu'ils furent réduits à arracher l'écorce de leur dernier pin pour en faire des galettes, lorsqu'ils n'eurent plus de femmes ni de filles et ne surent plus comment perpétuer « l'humain troupeau », les « Cognes-Têtes » se mirent à réfléchir… C'est alors qu'on s'avisa de chercher un souverain. Il fera le nécessaire en un clin d'œil, dit le vieux Bonconseil, il saura faire de nous des soldats et nous construire la prison qui nous manque… Allons-y, beaux enfants ! Ils cherchèrent, cherchèrent et manquèrent ainsi se perdre dans un bosquet de trois pins. Il se trouvait par chance parmi eux un cul-terreux aveugle qui connaissait bien les lieux. Il put les guider jusqu'à la grande route et les conduire tout droit à la demeure du roi…
Le souverain demanda à leurs envoyés : « Qui êtes-vous et pourquoi me faites-vous cette visite ? » - « Nous sommes les Cognes-Têtes, il n'est pas de peuple plus brave » mais ils se troublèrent aussitôt.
« J'ai entendu parler de vous mes seigneurs Cognes-Têtes, leur dit le roi en riant. Je ne connais que vous ! J'ignore seulement pourquoi vous êtes venus me voir.
Eh bien, nous sommes venus trouver Ta majesté Royale pour te dire…eh bien…voilà : nous nous sommes entre-tués et ruinés les uns les autres, et fait grand tort, et nous ignorons encore ce qu'est la vraie justice. Viens donc régner sur nous.
Avez-vous déjà vu quelqu'un de mes cousins ? Vous êtes-vous prosternés devant un autre roi ?
Oui, nous sommes allés trouver un sot, puis un autre sot, ils n'ont pas voulu régner sur nous.
C'est bien. Pour moi, je régnerai sur vous, mais je ne saurai habiter parmi vous. Vous vivez comme des bêtes. Vous faites la fine bouche devant ce qu'il y a de meilleur chez vous… Non, je me ferai représenter par ‘‘Coupe-Jarret'', il vous gouvernera en mon nom. »
Les Cognes-Têtes baissèrent la tête et dirent : « Bien ! »
« Vous me paierez divers tributs, continua le roi. Dès qu'une brebis aura mis bas, vous m'enverrez la mère et garderez l'agneau. Quiconque aura un sou le partagera en quatre. Le premier quart me revient, le deuxième également, le troisième pareillement. Le quatrième est votre bien. Quand j'irai en guerre, vous m'y suivrez, mais pour le reste, ne vous souciez de rien.
Soit ! firent les Cognes-Têtes.
Et comme vous n'avez pas su vivre libres, comme vous avez été assez sots pour vous asservir vous-mêmes, on ne vous appellera plus désormais Cognes-Têtes, mais Gloupoviens.
Soit !
Le roi fit servir aux ambassadeurs un verre d'eau-de-vie, offrit à chacun un pâté et un beau mouchoir rouge, fixa quantité de redevances et congédia son monde avec tous les honneurs. En rentrant chez eux, les « Cognes-Têtes » soupiraient… Soupirs croissants et clameurs non petites, précise la chronique.
« Voilà bien la justice des rois, disaient-ils. A force de dire oui, nous voilà jolis. » L'un d'eux prit une cithare et se mit à chanter… Plus la chanson s'étirait, plus les « Cognes-Têtes » baissaient le chef. La chronique dit : « Ils étaient parmi eux des vieillards chenus qui pleuraient amèrement pour avoir galvaudé leur douce liberté. Ils étaient des jeunes gens qui savaient à peine ce qu'était la liberté, mais ils pleuraient de même ». Ainsi connurent-t-ils le prix de ce qu'ils avaient perdu.


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