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Gao-Maghnia. Le récit d'une odyssée de l'enfer : Oser violer le Tanezrouft est un sacrilège !
Publié dans El Watan le 03 - 08 - 2010

Gao, un jour d'été. 8h 45. 47° à l'ombre… le camion tout-terrain s'est ébranlé dare-dare à l'assaut d'un itinéraire aussi hostile, sinon pire, que celui du feu Paris-Dakar. Bien entendu, nous avions évité Tassalit, le poste frontalier pour emprunter une route non autorisée.
Pourriez-vous mettre un peu de musique ? », avais-je demandé au chauffeur. Notre conducteur continuait de fixer l'horizon. Sans broncher. M'avait-il entendu ? Par pudeur, je m'étais abstenu de réitérer ma demande. Je me trouvais à l'avant. Nguessou à côté de moi. Le reste s'entassait derrière, affrontant les vents de sable, la chaleur… les caprices du climat saharien. Le véhicule s'acharnait à avaler fougueusement la piste. Une sorte d'accouplement dans le désert que le pilote ne désirait certainement pas interrompre. Et l'orgasme ne pouvait être ressenti que par Bahloul le targui qui, malgré son apparence dure, donnait l'impression de caresser érotiquement son volant. Le salaud ! Un sentiment d'étouffement m'enveloppait. Bizarrement, l'immensité du Sahara me paraissait horripilante. Aucune borne kilométrique, aucune plaque signalétique n'accompagnaient ce bateau ivre, brassant la poussière au milieu d'une mer de sable et de vents inexorables. Mais l'enfer a-t-il besoin d'orientation ?
Alors que j'étais enferré dans mes réflexions morbides, Bahloul a freiné brusquement. Que pouvait-on lire sur un visage enturbanné, ne laissant transparaître que deux minuscules lumières vives ? Même un targui rompu à ce genre d'expédition pouvait s'embourber dans un labyrinthe de dunes pernicieuses. « Y a un problème ? », ai-je questionné, étonné et même inquiet par cet arrêt non prévu au milieu de la Géhenne. Autant parler aux monts du Hoggar ! On aurait pu au moins entendre leur écho. Deux hommes en pantalon kaki, torse nu, des gourdins à la main, avaient surgi de nulle part. Nguessou transpirant et puant comme un camembert, s'agrippait à mon épaule. Bahloul, imperturbable, demandait aux fantômes, en clignant les yeux : – Nous sommes où ? s'il vous plaît, – Je peux deviner d'où vous venez à la seule vue de la cargaison que vous transportez. Mais, juste pour confirmation, vous avez des dattes ou des Gauloises ? avait demandé l'un d'eux. En guise de réponse, notre chauffeur leur avait balancé deux cartouches de cigarettes : « C'est ce que je me disais… Gao est derrière vous et Bordj Badji Mokhtar est quelque part dans le tourbillon. » Les deux hommes ont aussitôt disparu comme happés par une force surnaturelle. Assurément, on n'était pas sortis de l'auberge, mais l'indication, quoique parcimonieuse et énigmatique, laissait penser que nous étions en territoire algérien. A cet instant-là, ah ! Comme j'aurais aimé croiser ces Toyota Station pilotées par des trafiquants armés. Le désert vicieux et l'espace infini envasé dans des ténèbres sablonneux me paraissaient plus mortifiants que la férocité des contrebandiers. –Ce sont des coupeurs de routes ? avait questionné Nguessou. – Non, des hommes du désert, lui avait répondu Bahloul, sans quitter des yeux l'horizon.
Une chaleur suffocante me pénétrait impitoyablement. L'habitacle était une fournaise. La peur me fragilisait. J'éprouvais déjà des remords. « On tourne en rond ! », se lamentait Bahloul, comme s'il communiquait avec les esprits. Oser violer le Tanezrouft est un sacrilège et une aventure trop risquée. Combien de ressortissants du continent noir y ont laissé leur raison ou carrément leur peau ? Notre pilote n'était pas expert en statistiques. Pire, il était presque muet. Et les rares fois où il ouvrait la bouche, il excellait dans l'art du réquisitoire accusateur et de la plaidoirie contre des boucs émissaires qu'il prenait soin de ne pas nommer. « Que le diable les emporte ! », rugissait-il. Le silence des passagers et les injures sporadiques de Bahloul étaient devenus complices du désert impénétrable. Mon potentiel nerveux chutait dramatiquement. Ma poitrine compressait de plus en plus mes poumons jusqu'à m'étouffer. Je m'arrachais, un moment, à ces douloureux souvenirs. Ibn Batouta m'est apparu. Avait-il vraiment défloré la virginité ensorcelante de l'espace désertique de l'Inde à dos de chameau ? Quelques palmiers anémiés annonçaient timidement une bourgade engloutie quelque part dans l'espace infini. Des masures de couleur ocre commençaient à émerger du sol. Bahloul ronronnait : « Reggane » Soulagé, je me suis empressé de rassurer Nguessou : – Nous venons de parcourir une étape importante. – Hum…, a-t-il marmonné, les yeux retournés par trop de fatigue, comme un buffle en rut. Reggane, voilà une contrée qui n'arrivait pas à oublier son drame à la suite des essais nucléaires, œuvres des généraux français Duchalet et Aileret. C'était un 13 février 1960 à 7h 04 mn. Depuis, les hommes et les végétaux ne se sont jamais remis de leur contamination par la radioactivité.
Bahloul s'était arrêté à l'orée de la ville pour vérifier sa marchandise. Sans couper le moteur. J'en profitais pour me dégourdir les jambes. Mes muscles étaient anesthésiés. « On dirait que des soldats manquent à l'appel », se demandait notre chauffeur, l'air quasiment indifférent, avant de remonter dans le camion. Je lui avais demandé comment il avait pu se rendre compte de la « désertion » de certains de nos compagnons. « Au départ, ils étaient assis les uns sur les autres, maintenant, ils sont installés confortablement », avait-il expliqué sans expression. Autrement dit, le surplus avait été éjecté en cours de route. Sans bruit. Devant mon air interrogatif, Bahloul, m'avait répondu. « Moi, quand mon avion est surchargé, je ne lâche jamais du lest ». Essayant de mieux comprendre, je continuais à le tarabuster : – Mais par quelle magie ces gens se sont-ils volatilisés ? – On devrait poser la question à ceux qui sont derrière. – On ne peut tout de même pas continuer sans savoir, avais-je répliqué. Nguessou, carrément affalé sur moi, ne semblait pas non plus outré par ce que je considérais comme un drame. « Si derrière, personne ne s'est manifesté pour m'en informer, cela voudrait dire qu'ils sont partis de leur propre chef. Et puis, moi, je suis payé pour vous transporter jusqu'à Adrar. Ceux qui ont contracté une police d'assurance pourront toujours demander à être remboursés », avait ironisé encore notre chauffeur Bahloul. Quel cynisme ! Mon inquiétude m'a poussé à poser ces autres questions : -Ceux qui manquent à l'appel sont-ils tombés du camion ? Ont-ils changé d'avis en cours de route et sauté sans prévenir ou bien ont-ils été poussés par-dessus la benne ? – Chacun pour soi, Dieu pour tous ! , m'avait répondu Nguessou, l'égocentrique idiot.
Nous avions contourné la ville. Direction Adrar. Des ksour défilaient, tantôt à notre gauche, tantôt à notre droite : Tidmaïn, Bouali, Takhfif, Menacir, Zaouiet Kounta, Chbani, Tiouriri, Tamest, Lahmeur, Djedid, Baâmor, Fenoughil, Zaouiet sidi Abdelkader… Puis Tamentit, un hameau enfoui dans une palmeraie où, dans des échoppes timidement éclairées par une lueur scintillant de l'extérieur, des artisans façonnaient les dernières bagues en argent et des motifs de la même matière. Des tombes de trois mètres de long témoignaient de la présence d'une civilisation scellée dans les mémoires volontairement amnésiques. « Un jour, un responsable s'est emparé de tous les manuscrits qui datent des siècles derniers », nous a appris Bahloul. Peut-être, quelque part, on ne voulait pas dépoussiérer des documents compromettants sur l'histoire d'une région, dont on dit qu'elle dort sur des secrets pas toujours bons à dire. A Adrar, nous fûmes transférés dans un autre fourgon sans vitres. En guise d'adieu ou d'un au-revoir, Bahloul nous avait conseillé : « Dans le Tanezrouft, vous étiez tous entre les mains du Seigneur, pour le reste du voyage, vous serez entre les vôtres. Terrez-vous le plus possible, car, noirs comme des olives dans une assiette blanche, vous serez piqués les uns après les autres et sans fourchettes… » Au crépuscule, le fourgon est parti à l'assaut de Ghardaïa, Chlef, Relizane, Mostaganem, Oran… et Maghnia. On roulait la nuit. Le jour, on s'occupait comme on pouvait dans les périphéries des villes et villages. Cinq jours plus tard, le convoi que nous étions a échoué à Oued Jorgi. Une autre histoire commencera demain…


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