Parmi les vulnérabilités mises en lumière par la crise sanitaire liée à la Covid-19, figure la dépendance de l'Algérie vis-à-vis des importations de produits agricoles. La peur de se retrouver privés de lait ou sans céréales hantait les Algériens durant cette crise. La production locale assure une autosuffisance dans de nombreux segments agricoles grâce à des agriculteurs algériens dévoués qui sont absolument à saluer. Mais la souveraineté alimentaire est loin d'être acquise dans des filières pourtant stratégiques, à l'image du lait, des céréales, du maïs, du soja, des produits phytosanitaires et des semences. Sur le plan quantitatif, la maîtrise de notre souveraineté est un des grands défis de demain. Sur le plan qualitatif, une interrogation majeure demeure : quel modèle agricole voulons-nous ? De plus en plus de voix plaident pour un changement de fond dans la politique agricole. Où sont les pommes et les tomates aux arômes naturels et savoureux d'autrefois ? Il y a évidemment des exploitations algériennes qui produisent encore d'excellents produits alimentaires naturels. Mais la majorité de l'alimentation est produite dans des systèmes agricoles de plus en plus industrialisés. Ces systèmes ont depuis longtemps quitté les cycles naturels et ne fonctionnent qu'avec un apport constant d'engrais artificiels, de pesticides et de semences de moins en moins naturelles. Les cultures trop intensives, l'extinction des variétés de graines traditionnelles ou encore l'utilisation de pesticides sont les causes principales de la détérioration de la qualité nutritive des produits agricoles. Le modèle actuel passe complètement à côté de la dimension qualitative et ne tient pas compte des préoccupations de la santé publique. Le modèle de production maximaliste ne doit plus être l'objectif principal, car il faut plutôt produire des aliments sains. Cela passe par la renonciation aux pesticides de synthèse et aux engrais artificiels. Autre préoccupation majeure : les semences. Un nombre inestimable de variétés de graines traditionnelles développées par plusieurs générations dans des champs familiaux algériens ont disparu. Le patrimoine génétique des graines de notre agriculture ancestrale est menacé d'extinction. D'où la nécessité pour l'Algérie de créer sa propre base de données nationale, autrement dit sa banque de graines, pour recenser les variétés et préserver les ressources phytogénétiques et éviter la disparition de ce qui reste comme plantes que nos ancêtres ont fait surgir au fil de notre histoire agricole millénaire. La plupart des paysans achètent des semences hybrides produites par des semenciers de l'agro-industrie. L'emploi de ces variétés implique l'utilisation de produits nocifs, tels que les fongicides, les herbicides et les insecticides, vendus par les mêmes groupes, adaptés à leurs semences. Un nouveau modèle agricole plus indépendant, plus responsable, plus sain et plus durable est possible. Un modèle qui doit viser à autonomiser la paysannerie et la libérer de sa dépendance vis-à-vis de l'agro-industrie. L'agriculture biologique appelée également permaculture est une alternative. Ce modèle agro-écologique offre l'opportunité d'atteindre à la fois la souveraineté économique, l'autosuffisance agricole et la sécurité alimentaire.