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Elias Khoury, romancier et journaliste libanais
Le mensonge de la fiction comme remède contre le crime identitaire
Publié dans El Watan le 21 - 04 - 2005

Elias Khoury est romancier, journaliste et libanais. Lorsque la guerre civile éclate dans son pays, il a trente ans. Il découvre alors le mythe identitaire générateur de violences et de relents génocidaires.
Il est chrétien, mais son travail de journaliste le pousse à tourner son regard vers la détresse des Palestiniens. Il est marqué par la pièce que Jean Genet consacre au massacre de Chatila, lorsqu'un certain général Sharon livrait la vie de centaines de femmes, d'enfants et de vieillards palestiniens à ses alliés phalangistes chrétiens. L'écrivain Elias naîtra de cette colère dont les mots ne s'écriront que dix ans plus tard. Un peu comme Boualem Sansal, l'Algérien qui naît soudain après les années obscures de l'horreur dans la peau de l'écrivain qui crie son refus de la fatalité. Elias Khoury se révolte contre le mensonge des mythes fondateurs et du confessionnalisme identitaire. Après des années de journalisme (il est actuellement rédacteur en chef du supplément littéraire du journal en arabe Ennahar), pendant lesquelles la chronique n'arrivait pas à surmonter la triste réalité des faits, il décide de prendre plume contre l'injustice et choisit d'opposer la création littéraire au mensonge de ceux qui tuent parce qu'ils ont une peur panique de la condition humaine. Pour lui, la guerre civile « a fait voler en éclats le mythe d'un Liban mythique » identifié aux mélodies de Fayrouz et au théâtre de Kharbani. C'est l'effondrement de ce mythe qui a permis, selon lui, la naissance du roman libanais. « La maladie du Liban est une maladie identitaire », ajoute-t-il. Et ce ne sont pas les dernières tentations de dérive confessionnelle qui le contrediront. De ces mensonges meurtriers, l'écrivain tirera une vision éclatée qu'il appartient à tous les personnages d'inventer et de reconstituer. « Les écrivains sont tous des menteurs », aime-t-il à répéter. Dans son dernier roman paru en 2004 chez Sindbad et intitulé Yalo, il s'attaque aux notions de pureté et d'identité pour mieux vanter la richesse du mélange culturel. Yalo appartient à une des nombreuses minorités qui composent la mosaïque libanaise. Son grand-père est un chrétien syriaque. Mais il a été élevé par un Kurde dont il a partagé la langue et la religion, l'Islam, avant de revenir au christianisme et au syriaque qui découle de l'araméen. Mais il parle l'arabe dialectal, même s'il lit des romans historiques en arabe classique. Yalo a grandi à Beyrouth pendant la guerre civile. Il tue et viole, jusqu'au jour où il tombe amoureux d'une des femmes qu'il a violées. Elle le dénonce, et en prison, il est torturé pour avouer des crimes qu'il n'a pas commis. C'est à travers une longue confession mille fois réécrite à la demande des ses geôliers que Yalo peut enfin recomposer son histoire et découvrir son passé. Le vrai Yalo est enfin né dans la douleur. Mais c'est un autre Yalo qui naît de cette écriture. Car il découvre et fait découvrir au lecteur que lui, Yalo, est un être multiple qui n'appartient à aucune identité. Il est à présent libre, car il peut enfin écouter les autres. Ce très beau récit décrit le poids des apparences insaisissables et de l'identité morcelée. Pour Elias Khoury, c'est cette capacité qu'a Yalo de mentir à l'infini qui en fait un écrivain. Le roman s'inscrit dans la même ligne littéraire que Le petit homme et la guerre, écrit en 1989, alors que le Liban n'est pas encore totalement sorti de la guerre civile. Le livre s'ouvre sur une citation très signifiante d'Ibn Arabi : « Chaque visage est unique, mais il se multiplie quand se multiplient les miroirs. » On ne pourrait mieux exprimer la vision de l'auteur sur les vérités incertaines et les mutations des personnages à l'intérieur de chacun des êtres qu'il nous présente et qui nous reviennent sous des noms et des destins différents. « Je veux voyager avec tous ces personnages, et je me retrouve, seul, dans un coin sombre », écrit-il. Lorsque la guerre fratricide s'empare des âmes, il n'y a plus d'avant, il n'y a plus d'après ; seuls le mensonge et la peur habitent les esprits pour mener à la folie. Le petit Ghandi avait « compris qu'on allait chasser les Palestiniens et les musulmans, et qu'on allait les tuer ». A Beyrouth, « l'air était plein de l'odeur de la mort » et « un homme qui ne tue pas, n'est pas un homme ». Le personnage d'Alice, la prostituée qui revient sous d'autres noms dans les romans de Khoury, ne cesse de travestir l'histoire. « Elle m'a beaucoup menti, mais lorsque j'ai voulu cesser d'écouter ses histoires, je me suis aperçu que les histoires étaient mortes sous ma plume. » Comme on le voit, le monde que présente Elias Khoury est une somme de miroirs juxtaposés et éclatés que ses personnages tentent de recomposer, avant qu'il ne se dissolvent dans leur mémoire traumatisée. On a beaucoup tenté de lier cette écriture chaotique à celle de William Faulkner, sans doute pour la similitude avec le personnage de Benji qui voit son cerveau « s'obscurcir de son et de fureur ». Mais l'auteur réfute cette filiation et préfère s'inscrire dans un héritage arabe, avec Les Mille et Une Nuits et Ibn Al Muqaffa'. Il cite aussi Cervantès qui s'est battu contre les idées reçues et les cultures pures. Peu avant Yalo, Elias Khoury avait connu le succès avec Bab El Chams (La porte du soleil) consacré à la nakba palestinienne. Le livre retrace cet épisode de la guerre civile libanaise qui a vu les réfugiés palestiniens payer un lourd tribut à l'expansionnisme israélien et à l'incurie arabe. L'ouvrage est loin d'être une complainte conventionnelle. Il mêle le passé au présent pour interroger la mémoire des peuples. Ce magnifique roman a été récemment adapté au cinéma par le réalisateur égyptien Yousry Nasrallah, déjà auteur de Mercedes et d'une Journée avec Youssef Chahine, dont il a été l'ami et le proche collaborateur. Bab El Chams est un conte où Khalil se fait Schéhérazade. Utilisant de nombreuses références cinématographiques, l'auteur n'hésite pas à écrire : « Le visage de Dounia remplissait l'écran. » Où il fait dire à Khalil que « les Palestiniens sont le peuple de la vidéo, car ils ne connaissent plus le pays que par les images illusoires qui pourtant les aident à survivre ». Admirable écriture de cet homme courage qui refuse l'embrigadement, qui se bat avec des mots et qui refuse la lâcheté des petits êtres en quête perpétuelle de mercenariat. Pour toutes ces raisons, Elias Khoury est aujourd'hui l'un des intellectuels, qui, à travers son combat pour la Palestine, personnifie la conscience arabe face à la trahison et à la fuite devant la raison.

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