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Cervantès, revendiquer la part algérienne (1)
Le souffle fort de l'Histoire
Publié dans El Watan le 21 - 04 - 2005

Elle tombe à pic cette journée du patrimoine, c'est-à-dire celle de la méditation et du questionnement de notre mémoire. On ne peut comprendre la profondeur d'une culture d'un peuple sans saisir l'esprit qui la motive, l'âme qui la nourrit de l'intérieur.
Si l'esprit qui anime les canons culturels des peuples se modèle au gré de son génie, il puise aussi dans une source plus ancienne. C'est pourquoi chaque peuple a sa mémoire, qui est comme un fleuve jaillissant de la source des images primordiales. La mémoire relie le présent au passé et celui-ci à l'avenir. Elle transmet les images et les modèles aux générations montantes. C'est là le point nodal de notre intérêt. Aujourd'hui, et sans être alarmiste, on se rend compte vite du gâchis d'un passé irrécupérable pour l'Algérie. Les dérives sont nombreuses avec des retombées incalculables. On a voulu faire de ce pays un îlot isolé au détriment de son essence, le résultat, un pays sans âme, reniant haut et fort sa mémoire plurielle. Les exemples ne manquent pas. Qu'a-t-on fait de ces êtres formidables, passagers ou autochtones, qui ont fait le bonheur intellectuel de l'Algérie, et de celle-ci, un carrefour de cultures et de couleurs ? Apulée ? saint Augustin ? Cervantès ? Delacroix ? Isabelle Eberhardt ? Albert Camus et tant d'autres ? Une histoire vraiment à méditer. Je me contente aujourd'hui d'un seul exemple : Miguel de Cervantès. Tous les avertis connaissent très bien qui est Cervantès. Ecrivain de tous les temps. Un petit rappel ne fera de mal à personne. Il est né à Alcalà de Henares le 29 septembre 1547. Son père est un modeste chirurgien et sa mère, Doña Leonor de Cortinas, est une femme solide et cultivée. En 1561, la famille s'installe à Madrid, puis à Séville. Avec la mort de la reine Isabelle de Valois en 1568, Cervantès composa une élégie qui n'aura aucun succès. L'année suivante, il partit à Rome en tant que camériste dans la domesticité du futur cardinal Acquaviva. En 1570, il s'enroula comme soldat dans l'expédition maritime contre les Turcs, commandée par le général des armées pontificales, Marc Antoine Colonna. Le 7 octobre 1571, Cervantès participe à la bataille navale de Lépante, sous le commandement de Don Juan d'Autriche. Sur la galère la Marquise, Cervantès reçut un coup d'arquebuse qui lui abîma le bras gauche. Il est hospitalisé à Messine. Un an après, il reprend du service. Cervantès fait partie de l'escadre lancée à la poursuite des Ottomans. Après différents périples guerriers, Cervantès demande à Don Juan d'Autriche l'autorisation de regagner l'Espagne avec son frère Rodrigue. Le 20 septembre 1575, ils s'embarquèrent sur la galère Le Soleil. Ils se font prisonniers par Arnaut Mami qui les transporta à Alger. Il y resta jusqu'à sa libération en 1580. De 1583 jusqu'à 1605, il écrit beaucoup, fait de la prison pour mauvaise gestion en tant que commissaire de l'armée. L'événement le plus remarquable durant 1605 est la publication de la première partie de son roman Don Quichotte. La deuxième partie ne verra le jour que dix ans après, en 1615. Un an après, Cervantès mourra à Madrid, il sera enterré au couvent des Trinitaires. Au-delà de l'universalité de Cervantès, il reste attaché à notre mémoire collective. Son passage forcé à Alger l'a marqué à vie et a laissé des traces ineffaçables dans sa littérature. Il suffit de lire son œuvre pour découvrir que ses empreintes ne sont pas passagères, mais très profondes puisqu'elles vont le marquer à vie. Ses livres nous donnent aujourd'hui un plaisir inouï. Il a retracé l'Algérie du XVIe et du XVIIe siècles avec la main d'un grand connaisseur qui a fini par adopter beaucoup de nos pratiques. Rien n'est à inventer, il suffit de le lire pour découvrir cette force qu'a exercée l'Algérie sur sa mémoire d'écrivain. Ses livres sont les premiers témoins. Il y a d'abord la nouvelle du captif, dans Don Quichotte, qui prend à elle seule une partie de son livre. Il l'amorce à partir du chapitre 38 et la termine au chapitre 43. Don Quichotte est publié en 1605 pour la première partie, et en 1615 pour la deuxième qui a connu le même succès que la première. En 1917, on publiera, à Barcelone pour la première fois, les deux tomes ensembles. Dans le captif, la part autobiographique est très forte. On retrouve le soldat de Lépante, resté cinq années captif à Alger. Dans le même prolongement, le Quichotte remet en scène l'expulsion dramatique des Morisques en 1609 et 1610 et tous les incidents religieux et raciaux qui se déroulaient dans ces quinze premières années du siècle. Mais ce n'est pas un roman historique, même s'il nous fournit une ample richesse sur la société espagnole de son temps. L'impact d'Alger a été très fort que Cervantès s'était mêlé au mouvement littéraire depuis son retour d'Alger en 1580. Il a attendu la cinquantaine pour écrire des nouvelles et concevoir le Quichotte aux approches de la soixantaine, un chef-d'œuvre au carrefour de deux siècles et qui dessine, comme le dit excellemment Michel Foucault dans les mots et les choses, le négatif du monde de la Renaissance. Un livre qui a laissé des traces ineffaçables dans la mémoire universelle. Depuis Descartes jusqu'à Marx, la pensée occidentale a été marquée, grâce à ce roman, par une désacralisation progressive de la nature et de l'homme. Ce nihilisme s'est aussi traduit dans la littérature et dans l'art par le désarroi, l'angoisse et l'assaut des forces obscures de l'inconscient. L'Ulysse de James Joyce, La Montagne magique de Thomas Mann, Le Loup des steppes d'Hermann Hess, The Wasteland de T.S. Eliot et La Métamorphose de F. Kafka en sont des exemples significatifs. C'est le règne du chaos des formes traditionnelles, d'un monde où les épiphanies psychiques remplacent la réalité du monde objectif, où la désintégration de tout ce qui était bon jusqu'alors entraîne l'annihilation de tout ce qui était aussi considéré comme réel. L'ombre de cette œuvre plane sur les grands bouleversements qu'a connus l'humanité. Tellement attaché à son écriture, Cervantès signa, sur son lit de mort, la dédicace de Persilès et Sigismonde, le livre dans lequel il mettait ses plus grands espoirs et revisitait par là même sa mémoire algéroise. On y retrouve les mêmes traces dans des nouvelles exemplaires, La Galatée, L'Epître à Matéo Vasquez, et les comédies comme La Vie à Alger, Les Bagnes d'Alger, Topographie d'Alger, ainsi que le rapport fait par lui-même le 10 octobre 1580. Combien d'Algériens connaissent-ils aujourd'hui la présence de cette trace sur nos terres ? Qu'a-t-on fait pour valoriser tout ça, puisque Cervantès n'est pas un illustre inconnu ? Que reste-t-il aujourd'hui de ce passage et de cette vie tumultueuse à Alger ? Rien, si ce n'est cette belle grotte en train de mourir dans l'oubli et l'isolement. Et dire qu'à un moment de notre histoire, elle a été un lieu de pèlerinage des accrocs de Cervantès. Quel gâchis et quelle mémoire ingrate ?

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