histoire de la guerre d'indépendance algérienne de Sylvie Thénault (éditions Flammarion, avril 2005). Historienne, chercheuse au CNRS, Sylvie Thénault a publié Une Drôle de justice. Les magistrats dans la guerre d'Algérie (La Découverte, 2001). « C'est une nouvelle approche que reflète ce livre », explique Sylvie Thénault, « conçu, d'une certaine façon, comme une tentative de banalisation de cette histoire », « non pas en nier le caractère brûlant, traumatisant, encore vif et actuel, et en écrire une version édulcorée, qui en brouillerait les enjeux, alors même que ceux-ci imprègnent les travaux des historiens - c'est une évidence pour la question des harkis, notamment. Sous la plume de l'historienne, banaliser veut dire qu'il convient d'envisager cette histoire comme celle de toute autre guerre, en examinant ses causes, les forces en présence, ses étapes, son bilan... » Justifiant son choix de « guerre d'indépendance algérienne », l'historienne considère que « l'expression “guerre d'indépendance”, marque la volonté de s'affranchir des expressions en usage de part et d'autre de la Méditerranée, pour inclure toutes les facettes de cet événement que ses dénominations usuelles restituent toujours d'un point de vue partiel : “guerre d'Algérie” comme guerre du maintien de la souveraineté française, "guerre de libération" comme moment de résurrection d'une nation algérienne que la colonisation aurait étouffée pendant plus d'un siècle, "Révolution" comme transformation radicale du pays et de sa société. Guerre d'indépendance algérienne tente d'exprimer au mieux la portée historique de l'événement : une guerre d'où est sortie la nation algérienne, contre le combat de la France pour sauvegarder l'Algérie française, et à l'issue de laquelle l'emblème du Parti du peuple algérien, organisation-phare du nationalisme algérien, en est devenu le drapeau. » Cette nouvelle dénomination avancée par Sylvie Thénault fera-t-elle l'unanimité parmi les historiens, voire fera-t-elle école ? Ne soulèvera-t-elle pas des débats d'historiens, en Algérie et en France ? L'historienne poursuit son argumentation : « A cette guerre ce livre entend rendre son vrai nom, en s'appuyant sur la recherche la plus récente, pour la raconter comme moment de l'histoire de France, bien sûr, mais aussi, indissolublement, de l'histoire de l'Algérie : car la guerre d'indépendance algérienne souleva, contre la tutelle coloniale, un peuple et une armée. Cet affrontement n'opposa pas pour autant deux "camps" monolithiques : les tensions entre militaires et politiques au sein du FLN, entre Algériens choisissant ou refusant de se rallier, les oppositions entre Français, fervents de l'Algérie française, partisans de solutions négociées ou anticolonialistes, ont émaillé la longue marche vers l'indépendance », écrit l'auteure dans une note de présentation. L'auteure relève l'inégalité de la production historique de part et d'autre de la Méditerranée, après en avoir donné quelques raisons qui, de son point de vue, expliquent ce déséquilibre. Elle constate que « c'est dans l'Hexagone que les historiens publient le plus, en langue française, et sur les aspects français du conflit...La compensation du déséquilibre n'était pas à la mesure de cet ouvrage. Elle est en revanche le défi qui s'impose désormais aux historiens ». Dans le corps du texte, Sylvie Thénault écrit : « ... Le cessez-le-feu marque la fin de la guerre pour les autorités officielles des deux pays, Ve République et GPRA, qui en ont décidé ainsi. La situation de violence, qui perdure au-delà, n'est pas de leur fait, et pour cette raison, il serait difficile aujourd'hui, pour les pouvoirs publics français, d'admettre une autre date que celle du 19 mars pour célébrer officiellement la fin du conflit. » Et encore : « Cette conjoncture postérieure au cessez-le-feu, créée par les jusqu'au-boutistes de l'Algérie française, explique en grande partie pourquoi les accords d'Evian sont restés lettre morte pour les Français d'Algérie, contraints, dans leur immense majorité, à un départ précipité, sans retour ultérieur. » Elle relève que « l'OAS, qui a anticipé le cessez-le feu en redoublant de violence, s'engouffre dans cette brèche... Cette violence, cependant, n'est pas seulement une fuite en avant désespérée. Elle relève aussi d'une stratégie : torpiller la sortie de guerre prévue, en tentant de provoquer, par les assassinats d'Algériens, une réaction de leur part, propre à rallumer la mèche - ce qui n'aboutit pas, la conscience de l'enjeu et la perspective de l'indépendance l'emportant sur d'éventuelles pulsions vengeresses. »