L'Algérie accueille la réunion consultative des experts    Revirement vers le crime de haute trahison !    Quand l'intelligence artificielle réinvente les bibliothèques japonaises    Accord de financement pour trois projets en entrepreneuriat    Mousserati prend part à la Conférence des Etats parties à la CNUCC    Des centaines de milliers d'enfants fuient les violences dans l'est de la RDC    Le candidat de l'extrême droite remporte l'élection présidentielle    Seize morts et 42 blessés dans une attaque armée visant une fête juive à Sydney    Le cas Chiakha interroge les choix de Petkovic    Ligue 1 Mobilis : La LFP fixe les horaires des matchs de la 13e journée    Les députés décortiquent le nouveau Code de la route    56.000 hectares consacrés à la culture des céréales    Cinq dealers arrêtés avec 69 kg de kif et 224 millions DA    Décès de l'artiste compositeur Noubli Fadel    Mahieddine Bachtarzi, une voix et une scène pour l'Algérie    La 1re édition du festival culturel national d'Inchad du 21 au 26 décembre    Handball : Le sélectionneur national dévoile une liste élargie de 33 joueurs    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha installe le Directeur central de la sécurité de l'Armée    Programme TV du 4 novembre 2025 : Coupes et Championnats – Heures et chaînes    Programme TV du samedi 25 octobre 2025 : Ligue 1, Bundesliga, CAF et championnats étrangers – Heures et chaînes    Programme TV du 24 octobre 2025 : Ligue 2, Ligue 1, Serie A, Pro League – Heures et chaînes    Festival international du Malouf: fusion musicale syrienne et russe à la 4e soirée    Adhésion de l'Algérie à l'AIPA en tant que membre observateur unique: le Parlement arabe félicite l'APN    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    APN : la Commission de la santé à l'écoute des préoccupations des associations et parents des "Enfants de la lune"    Réunion de haut niveau du Conseil de sécurité sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ibn Rochd, le traIté décisif
Crime contre la raison (Ightiyal al'aql)
Publié dans El Watan le 19 - 05 - 2005

Pourquoi le père du nationalisme algérien a-t-il souscrit volontairement à la tutelle de l'oriental mondain genevois Chekib Arslane plutôt que de se rapprocher de Abdelkrim El Khattabi, le révolutionnaire maghrébin rifain, l'exilé au Caire ? Y a-t-il quelque chose d'atavique dans ce choix, quelque chose qui relèverait d'une culture inconsciente de déni de reconnaissance, plutôt que d'une formation symbolique établie et assurée par un processus historique et institutionnel avéré ?
Pourquoi ce politique volontariste, certes, mais intellectuellement inaccompli, hélas, s'est-il autorisé à juger et à condamner les islahistes algériens : cheikh Larbi Tebessi, cheikh Abdelhamid Ben Badis, cheikh Bachir El Ibrahimi et cheikh El Okbi ? C'était en 1936 avec l'affaire du Congrès musulman, ce rassemblement qu'il ne ratait jamais dès lors qu'il se réunissait à Jérusalem ou à Genève. A croire que notre charismatique leader n'avait lu de Chateaubriand et de Jean-Jacques Rousseau que les itinéraires et les villégiatures. Une impitoyable curiosité toute conjoncturelle et une despotique recherche complémentaire sur un sujet épineux qui m'a pris aux tripes depuis quelques années, avant qu'une servile caste médiocratique ne m'éloigne de mon lieu de travail, m'aura imposé un voyage dans le temps pour pister une réflexion autonome et indemne de la lénifiante conjoncture en ce que cette réflexion remonte à plusieurs siècles, presque un millénaire, distance indispensable pour quiconque ne souhaite pas tomber sous le coup des traqueurs éradicateurs de toute intelligence critique, les maîtres obsédés du nouvel ordre de l'empire médiocratique mobilisant pour le spectacle d'innombrables cohortes de mercenaires encore sous tutelle. Dans son formidable traité décisif (Fasl al maqal), le célèbre et tragique penseur andalou Ibn Rochd (XIIe-XIIIe siècles) propose une archétypisation de l'intellectuel arabo-musulman (arabe de langue et musulman de confession) de son époque, cette époque fort trouble des mihna (inquisitions) et des fitna (guerres ou dissensions violentes) dans la prospère Andalousie mise sous tutelle intégriste almohade avant l'éradicatrice « reconquesta » des chevaliers croisés qui ne se contentaient pas de se battre contre les légendaires moulins à vent. Il en distinguait trois : le « moutakallim » (le métaphysicien fidéiste), le « faqih » (le jurisconsulte dialecticien) et le faylasuf (le penseur rationaliste). Le premier est le type d'intellectuel vigile (contrôleur). Il veille au respect de la rigueur dogmatique relative aux rapports de la vie symbolique et partant religieuse du croyant, c'est-à-dire l'univers de la science religieuse fondamentale. Cet intellectuel-cadre est souvent dénommé, selon la terminologie de l'époque, « al imam » ou bien « al mehdi ». Cet intellectuel contrôleur est un décideur en tout ce qui concerne les pratiques sacrées et les rituels qui régissent la vie des musulmans. Il fonctionne dans le paraître et traque l'intériorité (battiniyya). La fonction sociale de cet intellectuel, c'est de conseiller le prince, de produire au besoin des « fatwas » (souvent sur commande) et de participer à la décision éthique et politique ès qualité. Il veille aux apparences et surveille les comportements. La parole du « moutakallim » a plus de poids et d'importance auprès du prince que toute autre parole (du jurisconsulte comme du penseur). Elle est une forme de caution revêtue de l'aura du sacré et de la légitimité religieuse. Le modèle que nous aura légué l'histoire musulmane c'est Abou Hamed El Ghazali, et dans une moindre mesure Abd Errahmane Essouyouti, voire encore Chihabeddine Essohrawardi. Craint par des monarques plus ou moins incultes, courtisé par ceux instruits et curieux, il lui arrivait d'être persécuté par les vigiles d'une cité pas toujours vertueuse. Le second est le type d'intellectuel gestionnaire qui est chargé de légiférer sur les questions personnelles et sociales, lesquelles dépassent le cadre strictement communautaire en ce qu'elles concernent aussi les rapports des mawalis. L'univers en question est ici relatif à ce que Ibn Rochd appelle la science pratique*. Cet intellectuel-cadre, souvent appelé, selon la terminologie qui survivra à l'effondrement des institutions musulmanes, « el cadi » ou « el faqih », docteur de la loi, est un gestionnaire-régulateur de la vie quotidienne. Il étudie les situations les plus diverses, tranche en fonction du « fiqh » dans ce qu'il a de profane et de social, aplanit les conflits et les situations critiques, mais n'a aucun pouvoir de décision. Ce cadi est souvent présenté dans la littérature (d'El Djahedh et de sa mouche à Kateb Yacine avec sa poudre d'intelligence) comme le vrai maître de la cité en ce qu'il incarne l'esprit de droit et de justice humains et l'exigence d'équité. Paradoxalement, il bénéficie d'une aura plus importante, car il est la voie du recours et de la justice. L'histoire nous aura laissé deux noms, celui justement d'Ibn Rochd ou encore d'Ibn Khaldoun. Le troisième est le type d'intellectuel critique et/ou dissident, « al faylasuf » ou « el moufakkir ». Celui-là semble avoir été une espèce de marginal dont le prototype le plus parlant fut « al faqir », par opposition au « faqih ». Il s'agit souvent d'un « sofi » anachorète ou ermite, dont le modèle semble venir de loin, probablement de l'ineffaçable et douloureux souvenir de l'intellectuel libre, mais démuni, « Ibn Al Muqaffa' » (torturé et exécuté en 759 sur ordre du calife El Mansour). Cet intellectuel se caractérise par sa fonction de penseur. Il est soit prototypé à partir de l'exemple d'Ibn Toffaïl (mort en 581/1185), le spéculateur théologien, soit à partir des deux plus radicaux intellectuels, Ibn Sina et Al Farabi, exclus et réfutés (par El Ghazali dans son fameux Tahafut al falaasifa), sans toutefois être excommuniés ni exécutés, comme Er Rawandi ou Sarakhsi, voire encore Sohrawardi (décapité publiquement au Caire sur ordre de Salah Eddine El Ayyoubi en 587/1191). La libre pensée était inconcevable dans la cité musulmane, encore moins la libre expression, depuis toujours. Quel lien avec notre histoire récente ? Pourquoi notre mouvement national d'émancipation s'est-il effondré et a connu la même décadence que la culture arabo-musulmane si volontariste par le passé ? Quel type d'intellectuel patriotique a supplanté les deux autres, selon la classification rochdienne ? Sans avoir à décliner des noms sur chaque type, facilement identifiable du reste, disons que ce n'est ni le dialecticien (l'élu udmiste ou islahiste), ni le rationaliste (l'écrivain ou essayiste) qui eurent le dernier mot. Mais le consensus imposé par la culture fidéïste semble avoir déterminé et favorisé le rôle du leader charismatique quelque peu saltimbanque qui se caractérise plus par la gesticulation payante sur le plan communicatif et sémiologique au détriment du rôle plus difficile du dialecticien juriste qui tente de pourfendre et de répondre aux arguments par le débat et par le dialogue argumentatif et démonstratif (plus difficile à élaborer et à faire passer que le meeting primaire, réactif et fidéïste) ou encore au détriment de celui, plus difficile encore, du penseur rationaliste qui cherche des solutions rationnelles à une situation irrationnelle. Ainsi, le « consensuel spectacle » l'aura emporté sur la dialectique et la dispute intellectuelles. Ibn Badis et Ferhat Abbas devaient faire les frais de l'indigence des élites de leur temps ? Convoqué par l'inquisition (mihna), Ibn Rochd devait, lui, au péril de sa vie et meurtri de dépit, renier, du moins en apparence, ses prestigieux prédécesseurs Ibn Sina et Farabi. La tragique émancipation de la nation algérienne tenait dans le fait qu'elle devait être arrachée, à défaut d'être négociée avec la France et sa communauté coloniale, arrogantes et sourdes aux démonstrations. Les meetings regroupaient alors plus de monde que les prêches dans les mosquées.
Ibn Rochd : Fasl al maqal (le traité décisif), Alger, traduction de Léon Gauthier, 1948, édition française Sindbad, Paris.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.