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Le naufrage de la plateforme de la Soummam
D'Ifri au Nil et vogue la révolution
Publié dans El Watan le 11 - 08 - 2005

Pour mieux comprendre la réunion du Caire du 20 au 27 août 1957, il est nécessaire de remonter le temps jusqu'au Congrès de la Soummam. C'est- à-dire pas trop loin, une année jour pour jour.
Au cours de cette assemblée, qui a réuni, dans le petit village d'Ifri sur le versant sud du massif du Djurdjura, dans la vallée de la Soummam, les principaux acteurs de la révolution à l'intérieur, des décisions d'une importance capitale pour la suite du déroulement de la guerre de Libération nationale ont été prises. Ce Congrès, le premier du genre, a structuré la révolution et lui a donné sa charpente militaire et politique, consignée dans une plate-forme qui reste, jusqu'à présent, d'une troublante modernité. Il s'agit de la réunion la plus marquante de la révolution, réunion tout aussi fondamentale que celle qui a décidé du déclenchement. Le texte qui a été élaboré par l'assemblée des chefs du FLN, lors de ce congrès vivant, a donné de la substance au combat libérateur et surtout organisé la lutte pour la protéger de l'improvisation, de l'aventurisme, tout comme il a créé les rotules nécessaires et indispensables pour l'interconnexion des multiples aspects de la lutte dans ses dimensions militaire, diplomatique, politique, afin de veiller à leur complémentarité. Des objectifs ont été assignés, et un projet de société timidement esquissé. La plate-forme de la Soummam a réglé le souffle révolutionnaire jusqu'à l'aboutissement, la concrétisation de l'objectif fixé par la déclaration du 1er Novembre 1954 : l'indépendance nationale et la restauration de l'Etat algérien. Deux principes sur lesquels s'articule toute la doctrine qui présidera à l'action politique et militaire ont été énoncés. Le premier consacrait la primauté du politique sur le militaire, et le second la primauté de l'intérieur sur l'extérieur. Ces postulats directeurs de toute l'axiomatique révolutionnaire algérienne n'ont pas été élaborés, comme ça, en toute innocence, mais ils visaient des objectifs bien précis et tentaient de protéger cette révolution d'un certain nombre de convoitises qui se dessinaient déjà. En fait, en un mot comme en mille, le ou les auteurs de ces « formules » voulaient mettre le combat national à l'abri des pressions d'un ou de plusieurs individus. La crise entre « messalistes et centralistes » était encore dans les esprits. Si les membres du comité central, issus du congrès du PPA-MTLD (Parti populaire algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) de 1953, ont rejoint le FLN grâce, en partie, à l'action unitaire et fédératrice de Abane Ramdane, il n'en était pas de même pour les partisans du vieux leader du nationalisme algérien qui ont engagé une lutte fratricide qui a profité, bien plus qu'on ne le croit, au colonialisme. Les primautés et les priorités qui ont été avancées répondaient également à l'émergence déjà manifeste d'antagonismes ou de compétition politique malsains qui s'avéreront nuisibles à la révolution. Des rivalités, jusque-là encore bénignes, agitaient déjà les étages supérieurs de la direction politique du Front de libération nationale. Il y avait de vieux comptes à régler. D'anciennes querelles à purger. Certains leaders se plaçaient déjà sur les starting-blocks du départ vers le pouvoir. Tant que ces ambitions demeuraient enfouies dans des rêves personnels, elles ne pouvaient pas encore inquiéter, mais elles ne tarderont pas à se structurer pour créer des conglomérats et des groupes de pression, « sacrilèges », qui ont mis en danger l'unité des patriotes. Les premières manifestations de ces luttes pour le pouvoir commençaient déjà à se dessiner entre ceux qui étaient à l'intérieur et ceux qui se trouvaient à l'étranger, dont les responsables de la délégation extérieure. Il faut également retenir que le Congrès de la Soummam a été dominé par deux très fortes personnalités : Larbi Ben M'hidi et Abane Ramdane. Le second sera d'ailleurs désigné à la tête du Comité de coordination et d'exécution (CCE), institution exécutive du FLN, tandis que le Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) constituait l'instance législative et supérieure. Le CCE était composé de 5 personnes : 4 civils, Abane Ramdane, Benyoucef Ben Khedda (centraliste), Saâd Dahlab (centraliste) Larbi Ben M'hidi et un militaire, Krim Belkacem. Quant au CNRA, il était composé de 17 titulaires et de 17 suppléants. Ses membres ont été cooptés et choisis judicieusement. Tout le peuple algérien y était représenté de l'Est à l'Ouest, du Sud au Nord, et toute la société était également représentée dans toutes ses composantes. Tout comme un soin particulier a été mis pour que toutes les sensibilités politiques figurent au CNRA. Ainsi y rencontre-t-on des personnalités comme Brahim Mezhoudi, de l'association des Ouléma, ou Ferhat Abbas, de l'Union démocratique du manifeste algérien (UDMA), sauf le parti communiste, dont certains militants avaient pris pourtant fait et cause pour le combat libérateur et s'étaient engagés dans la lutte. Toutes ces tendances avaient d'ailleurs été conviées à adhérer individuellement au FLN avant le Congrès de la Soummam, à partir duquel la France n'avait plus qu'un seul interlocuteur : le FLN, même si le Mouvement national algérien (MNA) de Messali et de ses partisans s'agitait désespérément pour se positionner. A la réunion hôtes de Lla Ouardia : la Zone I (Aurès Nemenchas) n'était pas représentée par son colonel. En effet Mostepha Ben Boulaïd venait de mourir victime d'un poste à transistors piégé, largué par l'armée française et son successeur n'avait pas encore été désigné. Une petite délégation a été constituée, mais elle est arrivée en retard. En ce qui concerne la Zone II (Nord-constantinois), il y avait le colonel Zighoud Youcef accompagné de son adjoint Ben Tobbal et de Ali Kafi. Ce dernier n'a pas participé aux travaux, le nombre de participants étant limité à deux délégués par wilaya. La Zone III (Kabylie) pour sa part accueillait le congrès, dont la sécurité a été confiée à Amirouche, tandis que Krim Belkacem et Mohamedi Saïd étaient de l'assemblée. Pour la Zone IV (Algérois), il y avait le colonel Omar Ouamrane ainsi que le colonel Si Sadek (Slimane Dehilès). Si M'hamed Bougara était à Ifri, mais il n'a également pas assisté à la réunion. Pour la zone V, si l'on s'en tient à la lettre adressée par Abane à la délégation extérieure, elle serait représentée par Larbi Ben M'hidi. Mais ce dernier se trouvait en mission au Caire, et ce n'est qu'au lendemain du Congrès de la Soummam que Abdelhafidh Boussouf en prendra le commandement de l'Oranie. Quant à la Zone VI, elle n'existait pas encore. C'est à partir de cette réunion que Ali Mellah, de la Wilaya III, a été dépêché, avec une compagnie pour faire le travail politique de pénétration de la région. Une grande absence pourtant : la délégation extérieure. Celle-ci fera bruyamment savoir son opposition aux décisions prises lors de cette assemblée, particulièrement Ahmed Ben Bella qui tempêtera dès après les travaux. Certains historiens affirment que son opposition aurait été motivée par le caractère trop laïque de la plate-forme de la Soummam et par l'absence de références aux idées chères à Ben Bella comme « l'arabité » et « l'islamité » de la lutte. Tout en est-il qu'aucun membre de la délégation algérienne à l'étranger, composée alors de Mohamed Khider, Hocine Aït Ahmed, Lamine Debaghine, Mohamed Boudiaf, n'y a pris part. Pourtant une lettre (1) leur avait été adressée le 3 avril 1956. Elle était signée par Abane Ramdane qui leur annonçait, en effet, la décision prise de réunir les « principaux chefs de la résistance FLN et ALN. La rencontre aura lieu chez Zirout dans le Nord-constantinois (2) ; y assisteront le responsable de l'Oranie (3), à qui nous venons d'écrire pour venir à Alger, Krim et Abane de l'Algérois, Zirout et son adjoint, Ben Boulaïd et son adjoint et deux éléments de l'extérieur, un responsable du matériel et un membre du FLN. Les deux éléments du Caire viendront soit par la Libye-Aurès ou ils se feront parachuter directement dans la région d'El Milia par exemple. Cette réunion se tiendra même si nous devons tous mourir ou nous faire prendre ». La lettre se termine par un avertissement : « (...) Nous espérons que vous serez au rendez-vous, sinon nous prendrons seuls de grandes décisions, et alors vous ne vous en prendrez qu'à vous-mêmes. » Le ton plutôt sec de la lettre s'explique par le fait qu'une autre correspondance avait été adressée à la même délégation extérieure le 29 février 1956, dans laquelle Abane Ramdane déplore que « depuis des mois et des mois, on nous promet des armes. D'abord par un parachutage, ensuite par le canal du Rif. A ce jour, rien n'a été fait ». D'ailleurs, dans le courrier du 3 avril, il enfonce davantage le clou et en remet une couche en écrivant : « Dans cette réunion seront réglés tous les problèmes, et nous dissiperons tous les malentendus. L'intérêt du pays exige cette réunion, car nous ne vous cachons pas que si la situation actuelle dure, nous allons vers une catastrophe. La France est décidée à nous écraser ; des cris d'alarme nous parviennent de tous les chefs de Zone et des Régions, particulièrement du Nord-constantinois et de la Kabylie. Il nous est très difficile de les calmer, ils sont terriblement montés contre votre carence et nous demandent de vous dénoncer publiquement. Des groupes entiers ont enterré leurs armes faute de munitions et se sont mêlés à la population (...) ». Ben Bella, qui devait participer aux travaux de la Soummam, aurait été retenu à San Remo en Italie puis à Tripoli en Libye. Il aurait invoqué des questions de sécurité et aurait attendu en vain un agent de liaison. Beaucoup de responsables de l'intérieur, militaires et politiques confondus, estiment irrecevables les justificatifs avancés par M. Ben Bella. « Il s'agit là d'un non-sens, car quand on veut rentrer, on rentre que ce soit par les frontières tunisiennes ou marocaines. » Dans son message, Abane Ramdane proposait comme plan B de rentrer par « le Rif puis l'Oranie et foncer par train jusqu'à Alger. D'Alger nous répondrons de leur sécurité jusqu'au Nord-constantinois ». Ceci expliquant cela, Ben
Bella prendra en grippe Abane Ramdane et se félicitera dans une lettre adressée à Krim Belkacem, Lakhdar Ben Tobbal et Abdelhafidh Boussouf de son élimination, les appuyant « dans la chasse de tous les germes de décomposition qui ont pu se faufiler dans notre groupe... »(4) Il sera du reste le premier à désapprouver les décisions du congrès. Dès lors l'histoire s'accélérera et les lendemains immédiats du Congrès de la Soummam seront marqués par l'arrestation des membres de la délégation extérieure dans le premier piratage de l'air de l'histoire que l'humanité doit aux autorités officielles françaises, la Bataille d'Alger et son lot d'atrocités « républicaines » et l'arrestation fatale de Ben M'hidi qui sera assassiné dans sa cellule par Aussaresses. Le CCE prend alors la décision, encore controversée aujourd'hui, de sortir d'Algérie. Il ne tardera pas à mesurer toute l'importance des grands principes énoncés à Ifri. Fortement déçu par « l'extérieur » qui tarde toujours à acheminer les armes nécessaires à la poursuite de la lutte armée, il se trouvera isolé à l'été 1957, quand animé par les militaires de l'extérieur, la réunion du CNRA du Caire balaiera d'une chiquenaude la tentative de la révolution algérienne de se doter d'une doctrine et d'un code de conduite. Mais auparavant, nous apprend le Commandant Azzedine, « avant que le CCE ne se rende à l'extérieur, ça je le sais j'étais en Wilaya IV, le colonel Ouamrane a été envoyé en mission à Tunis, où se trouvait le responsable installé par Ben Bella, le frère Mahsas qui lui aussi désapprouvait les décisions issues du congrès ». Ahmed Mahsas est un vieux militant qui a joué un rôle politique positif et qui était très lié à Ben Bella. Abane avait donc envoyé Ouamrane pour « mettre de l'ordre en Tunisie ». En arrivant là-bas, poursuit le commandant Azzedine, « Ouamrane a procédé à l'arrestation de Mahsas. Mais ce dernier s'est évadé quelque temps après, avec la complicité des autorités tunisiennes, en toute vraisemblance. Cela pour expliquer pourquoi, lorsque les militaires ont décidé de neutraliser Abane, il y avait le précédent de Mahsas. Ils avaient peur qu'il s'évade avec l'aide des Tunisiens. De là, la proposition d'envoyer Abane au Maroc, qui était le « territoire de Boussouf ». Un guet-apens a été échafaudé afin de l'amener pour soi-disant une vague réunion intermaghrébine. La suite est connue...Il a été liquidé. La personnalité de Abane gênait. Il était dur, rigoureux, exigeant, non seulement pour la Révolution, mais aussi envers lui-même en tant que personnalité, en tant qu'individu. Dans ses rapports avec ses pairs, surtout les militaires, les Krim et Ouamrane et les autres je crois qui plus est qu'il était un peu méprisant à leur égard. « Cela a concouru à encourager en quelque sorte une coalition contre lui à titre personnel et individuel ». Lorsque le CCE est sorti (mars 1957), s'est tenue peu de temps après, précisément le 20 août de la même année, la réunion du CNRA au Caire. Lors de la réunion du Caire, voulue et exigée par les militaires de l'extérieur, appuyés par les mécontents des conclusions de la Soummam, plus que jamais décidés à revenir sur les décisions qui avaient été prises. Pas toutes mais singulièrement la question portant sur les primautés de l'intérieur sur l'extérieur et du politique sur le militaire. Tous les concepts ont été opacifiés au nom de « l'unité de la révolution », puisqu'on a estimé dans un flou artistique que : « Considérant que certaines positions affirmées par le Congrès du 20 août 1956 ont reçu une interprétation équivoque. » « Considérant que la Révolution algérienne doit être dirigée dans la clarté, condition essentielle pour maintenir l'unité du peuple algérien, le CNRA réaffirme :
Tous ceux qui participent à la lutte libératrice, avec ou sans uniforme, sont égaux. En conséquence, il n'y a pas de primauté de politique sur le militaire ni de différence entre l'intérieur et l'extérieur. Tous les membres du CNRA sont titulaires. » Ainsi le CNRA, naguère composé de 17 titulaires et de 17 suppléants, sera revu à la hausse avec 54 membres. Alors que la composante du CNRA dégagé à Ifri était en majorité constituée de civils, le nouveau donnera la majorité aux militaires. De même que le CNRA, « organisme souverain de la révolution », qui a forci le CCE, verra sa composition remaniée et augmentée. Il passera de 5 membres civils et 1 militaire à 9 membres : 4 civils et 5 militaires tous de l'extérieur. Aux 9, il convient d'ajouter les 5 prisonniers d'Aulnoy (Aït Ahmed, Ben Bella, Bitat, Boudiaf, Khider) à titre honorifique. Les militaires s'installaient aux commandes de la révolution. Définitivement. Une astuce a, en outre, été introduite : il n'y avait plus de coordonnateur. Abane, qui avait présenté à l'ouverture de la réunion un rapport remarquable sur l'état de la révolution et avant de connaître le terrible sort qui lui a été réservé, s'est retrouvé à la tête du journal El Moudjahid. Exit Ben Khedda et Dahlab, que l'on retrouvera plus tard au sein du GPRA. Au CNRA, tous ceux qui se trouvaient à l'extérieur ont été reconduits, et ils ont pris la décision, par cooptation, de ne pas déroger à la vieille tradition héritée du PPA-MTLD, d'inclure les membres des conseils des wilayas combattantes, qui devenaient es qualité, membres du CNRA. La trouvaille est pernicieuse. Jugez-en. Les débats au CNRA étaient très âpres et durs. Un esprit des plus démocratiques les animait. Quand le GPRA (créé en 1958) se présentait au Congrès, la procédure voulait qu'il remette sa démission au secrétariat du CNRA. Dans l'enceinte, il n'y a plus de ministres, plus de responsables. Et le dernier jour, pour décider de la composante du nouveau GPRA, « il nous était interdit, nous, membres du CNRA, de quitter notre chambre jusqu'à la visite d'un comité auquel nous remettions nos choix et nos votes », témoigne le commandant Azzedine qui a participé en qualité de membre, à trois réunions du CNRA. Immuablement, trois noms revenaient : Krim Belkacem à la tête de l'armée, Abdelhafidh Boussouf au MALG et Lakhdar Ben Tobbal à l'intérieur. Cela répondait à une arithmétique d'une parfaite simplicité. Parce que pour Ben Tobbal : il y avait bien sûr sa propre voix, il y avait aussi celles de Mostepha Benaouda et celle de Ali Kafi (qui est sorti en 1959). Cela fait trois voix, auxquelles il faut ajouter celles du conseil de la Wilaya II qui était composé de quatre membres (le colonel et ses trois adjoints), ils envoyaient une procuration à Ben Tobbal, ce qui donne quatre plus trois : sept. Il en était de même pour la Wilaya III, il y avait Krim Belkacem, le commandant Kaci, Saïd Vrérouche, Mohamedi Saïd, ce qui fait quatre plus le conseil de la Wilaya III. Le même calcul est aussi valable pour Boussouf. Donc, grâce au système de cooptation, ceux que la presse appellera « Les trois B », figuraient toujours dans les organes de direction. Concoctée par des militaires, la réunion du Caire aura été le point de départ d'une conception tronquée de l'esprit démocratique qui pourtant animait, selon tous les témoins, les travaux du CNRA et la collégialité de la décision qui était à l'origine même du déclenchement de la guerre de Libération nationale. Pourtant à bien y regarder, le Congrès de la Soummam a également été organisé par des militaires. Mais cela n'a pas empêché de dégager une direction à majorité civile. Depuis la réunion du Caire, les militaires sont restés aux commandes jusqu'à l'avant-dernier CNRA où les négociations avec la France devenaient sérieuses. Ben Tobbal et Boussouf craignaient que l'indépendance arrive et qu'elle trouve Krim à la tête de l'armée. De cette hypothèse, est partie une longue réunion, à ne pas confondre avec la réunion des 100 Jours. Un modus vivendi a été dégagé. Ainsi, se sont-ils affectés trois portefeuilles de souveraineté : le ministère de l'Intérieur pour Ben Tobbal, le ministère de l'Armement et des Liaisons générales (MALG) pour Boussouf et enfin le ministère des Affaires étrangères pour Krim Belkacem. En ce qui concerne l'armée, ces trois figures, qui ont indéniablement marqué de leur empreinte la révolution algérienne, ont pris la décision de créer un Comité interministériel de guerre (CIG) placé virtuellement sous la présidence du président du GPRA et dans lequel ils siégeraient tous les trois. Une façon comme une autre de se neutraliser. Ainsi a été créé dans le même ordre d'idées, l'état-major général (EMG). Les trois B sont tombés d'accord pour en confier les commandes à un colonel qu'ils estimaient « le plus sage d'entre tous » : Houari Boumediène. Il aura pour adjoint militaire le commandant Azzedine, politique Kaïd Ahmed et Renseignement et Liaisons Ali Mendjli. « L'EMG n'a pas été créé, comme certains l'affirment, sous la pression des dix colonels qui se sont réunis pendant 10 jours. Ce sont des calculs politiciens qui ont présidé à sa création », nous confie Si Azzedine, seul responsable, encore en vie de cette structure. Les trois B se neutralisaient. Ce sont des patriotes qui ont succombé aux luttes pour le pouvoir. Certains historiens, dont Mohamed Harbi, accusent Boussouf d'avoir mis en place « un système de terreur » et d'avoir été derrière « une tchéka algérienne ». Leur force résidait dans ce que chacun des trois avait des troupes à l'intérieur. Une wilaya chacun. Ferhat Abbas par exemple n'était adossé à rien, pas plus que les autres chefs politiques. Ils ne représentaient que ce qu'ils avaient été à un moment donné de l'histoire du mouvement national. Et ils ont adhéré à la révolution parce qu'ils y croyaient. Les autres continuaient à avoir de l'influence parce que les wilayas étaient là. Les combattants de l'intérieur croyaient en eux. La lutte pour le pouvoir a commencé avant qu'ils ne sortent du pays. Elle s'est poursuivie à l'extérieur et s'est accentuée vers la fin, à mesure que l'indépendance approchait. La question des primautés telles que préconisées par la plate-forme de la Soummam gênait surtout les combattants de l'extérieur. Ceux de l'intérieur les ont votées, mais une fois à l'extérieur, ils se sont pratiquement rétractés. Les décisions de la réunion du Caire ont été, ainsi que le consigne le procès-verbal, adoptées à l'unanimité. « Abane et Dehilès se sont abstenus lors du vote sur le principe de l'absence de différence entre l'intérieur et l'extérieur », note encore le PV de réunion qui n'a connu en tout et pour tout que trois heures de plénière du 20 au 27 août 1957. Le biographe de Abane Ramdane, le politologue et ancien ambassadeur Khalfa Mameri, écrit à ce propos : « On a le sentiment que la réunion du Caire, c'est le Congrès de la Soummam à l'envers » (5).
Notes :
1 - Mabrouk Belhocine. Le Courrier 1954-1956 et le Congrès de la Soummam dans Révolution. Casbah Editions. Alger 2000. Pp. 168-169 2 - Le Congrès devait effectivement se tenir en Wilaya II pour des raisons de sécurité ; le lieu de rendez-vous a été changé. 3 - Larbi Ben M'hidi était le responsable en titre de la région 5 (Oranie), mais ainsi que le notent Mohamed Harbi et Gilbert Meynier dans leur livre : Le FLN documents et Histoire.1954-1962. (Arthème Fayard. Paris 2004) « Ben M'Hidi avait été envoyé au début 1956 au Caire pour demander aux extérieurs l'intensification de l'approvisionnement en armes ». 4 - Mohamed Harbi. « Les Archives de la révolution algérienne ». Jeune Afrique. Paris 1981 5 - Khalfa Mameri. Abane Ramdane, héros de la guerre d'Algérie. L'Harmattan. Paris 1988.


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