Allons au charbon avec El Watan ! Quelles bouffées d'air frais et vrai ! Dans les années 1980, je faisais paraître des écrits par-ci par-là dans plusieurs journaux et revues, des articles, des poèmes et autres textes littéraires, dans La Semaine de l'émigration, Actualité de l'émigration, Révolution africaine, Horizons… puis plus tard Les Nouvelles de l'Est et Alger rép. Les initiateurs d'El Watan nous offrent un espace de liberté, et je saute dedans les pieds joints, et, pour ainsi dire, les yeux fermés. Je connaissais les signatures de ces têtes brûlées, qui ont commencé l'aventure. Ali Bahmane, red-chef, répond à ma demande, m'incitant à plonger dans ce paradis infernal ou cet enfer paradisiaque, c'est selon. Il se trouve, me dira-t-il un jour, qu'il en a envoyé des tonnes, à toute l'Algérie ! C'était, pour moi, il y a presque 20 ans. D'abord présenter la région de Guelma. Comment ? Je n'allais pas parler de murs et de montagnes. La meilleure manière, c'était de la personnifier, c'est-à-dire parler d'un homme que beaucoup de Guelmis connaissent et/ou en qui peuvent se reconnaître, du moins, beaucoup d'entre eux. Et c'était Saci Takchira, un homme haut en couleur, mi-sage mi-poète, une des mémoires de la ville et un ami de Kateb Yacine. Il avait (il cassera sa pipe quelques années plus tard) un bagou de conteur, une réplique caustique, le plus souvent désopilante, décochant des traits mordants à qui le mérite, aux ploucs et autres frimeurs, mais il était très galant avec les femmes. Inénarrable Saci. Je l'emmenai chez le photographe, Saci lui dira : «Mon fils, ne me fais pas paraître avec un visage de cheval !» Le papier sur Saci Takchira tardait à paraître. Aussi, entre-temps, quand il me rencontrait en ville, criait-il à haute voix : «Ya ould Boumaza, la table qu'on avait faite ensemble, n'était pas ronde, mais carrée !» Comprendre que je lui aurais fait une entourloupette. Puis voilà, l'article est publié, intitulé « Saci, un ami de Kateb Yacine », trônant entre deux articles importants, un sur un musicologue célèbre, dont j'ai oublié le nom, et un autre sur l'historien Mahfoud Kaddache. Pas moins. Peu de temps après, je le rencontrai qui montait dans une voiture luxueuse, et, tandis que le chauffeur rigolait, il me dit, toujours à haute voix: «Ya ould Boumaza, tu peux m'expliquer, toi, pourquoi une fois l'article paru, tout le monde veut m'emmener en voiture, ayant peur pour mes pieds? » La presse, Saci ! Bien entendu, je ne fis que lui sourire. Et l'engrenage journalistique se mit en branle : casser la pensée unique, en faire accepter d'autres, fouiller la ville de Guelma et ses environs. Plus tard, je me mis à sillonner ces belles régions de l'Est. J'étais un homme des grands espaces, mais les têtes brûlées m'ont dressé une tente ou plutôt m'ont claquemuré dans une anfractuosité du vieux Rocher, en tant que chef de la Régionale Est. J'y suis depuis presque 5 ans. Cependant, où que l'on soit, il s'agit, n'est-ce pas, d'écrire, dire tout ce qui bouge et tout… ce qui ne bouge pas… !