Pour l'anecdote, le président du «rassemblement pour la concorde nationale», Sid Ahmed Ayachi, s'est rétracté dans l'édition d'hier du journal Algérie News sur des propos qu'il avait tenus la veille dans le même quotidien sur le dispositif de mise en œuvre de la candidature de Saïd Bouteflika à la succession de son frère en 2014. Il avait pourtant livré force détails et même donné quelques noms de hauts responsables civils et militaires impliqués dans ce projet. Mais cet obscur personnage, par naïveté peut-être, est apparemment allé trop loin. Il s'est donc fait sonner les cloches par la Présidence ou par de puissants intermédiaires. On ne s'aventure pas comme cela dans les alcôves du pouvoir présidentiel vis-à-vis duquel ne sont permis que des louanges. Evoquer un quelconque lâchage des rênes du pouvoir est un sacrilège et s'avancer sur une succession dynastique, procédé honni par l'opinion publique internationale, est un crime. Du moins pour le moment car la conjoncture est défavorable. Le site WikiLeaks s'est fait largement l'écho de l'usage immodéré et scandaleux dans le tiers monde et dans la zone arabe en particulier, des transmissions familiales du pouvoir. L'Algérie, du reste, n'a pas été épargnée par les notes diplomatiques qui y ont décelé de la confusion au sommet de l'Etat, des luttes sourdes et des incertitudes sur l'après-Bouteflika sur fond d'extrême fragilité du régime. Et rien n'a changé depuis 2007 et 2008, dates de ces confidences de diplomates. Le chef de l'Etat a usé, en 2009, d'un viol constitutionnel pour arracher un troisième mandat qui n'a fait que précipiter les dérives des précédents. Alors que le césarisme présidentiel a été porté à son summum, le pays a sombré, depuis, dans la corruption. La mamelle nourricière de la nation, Sonatrach, a été pillée par ses propres cadres dirigeants, tandis que le plus grand projet de la décennie 2000, l'autoroute Est-Ouest, a permis à des milliards de dollars de tomber dans les poches d'intermédiaires douteux. Les sommes colossales déversées dans l'économie nationale n'ont généré aucun décollage, le gouvernement s'avérant incapable de sortir des anciens schémas, ceux des années 1980 et 1990… La conséquence est désastreuse pour l'avenir : le pays n'a presque plus d'appareil productif et les industries innovantes basées sur les technologies de pointe sont ignorées. Le capital humain est dilapidé et ignoré, alors même qu'une énorme population extrêmement jeune est en quête de travail et de perspectives d'avenir. L'Algérie a tous les aspects, aujourd'hui, d'un baril de poudre qu'une étincelle pourrait faire exploser. Face à cela que voit-on ? Une drôle de guerre autour d'un autoproclamé héritage présidentiel ; une lutte fratricide mortelle au sein du parti le mieux implanté dans la pays, le FLN, et un chef de gouvernement qui, à défaut de mobiliser les forces vives du pays et de tenir un langage rassembleur, passe son temps à tirer à boulets rouges sur tout ce qui dégage une odeur démocratique.