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Abdesselam Ali-Rachedi : «L'émeute est parfois due à un sursaut de dignité»
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Publié dans El Watan le 18 - 01 - 2011

Abdesselam Ali-Rachedi. Homme politique et professeur d'université
-Quelle lecture faites-vous des émeutes qui ont secoué la semaine dernière de nombreuses grandes villes du pays ? Est-ce que vous vous attendiez à une telle explosion ?
Depuis plusieurs années déjà, les émeutes sont devenues un phénomène récurrent. Généralement, il s'agit d'émeutes localisées (un quartier, un village...) et éphémères. Le pouvoir ayant fermé tous les canaux de communication avec la société, l'émeute devient le seul moyen d'expression. Personnellement, j'ai régulièrement dénoncé, dans mes interventions dans la presse, la fermeture des champs politique et médiatique et prédit l'inévitabilité des émeutes. Je m'attendais donc à l'explosion du début janvier.
-Partagez-vous l'avis de certains observateurs qui limitent ces manifestations à un problème de prix et de cherté de la vie ?
Le prix des produits de première nécessité n'est qu'un prétexte. Ce sont plutôt les parents qui sont touchés par la cherté de la vie et non les jeunes manifestants. La véritable raison de la révolte des jeunes est la mal-vie. Le sentiment que l'on a de survivre en attendant des jours meilleurs, qui ne viennent pas bien entendu. D'où le désespoir, les suicides, la harga. Rappelez-vous ce que disaient les jeunes de Kabylie au printemps 2001 : «Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts !» Il y a aussi le sentiment de hogra, vécu comme une humiliation permanente. L'émeute est parfois due à un sursaut de dignité, lorsqu'on manifeste par solidarité lors des procès des jeunes arrêtés lors de précédentes émeutes.
-Y a-t-il lieu, selon vous, d'établir un parallèle avec ce qui s'est produit le 5 octobre 1988?
Les émeutes de 1988 se sont produites dans un contexte très particulier. Financièrement, l'Algérie était dans l'impasse suite à l'effondrement du prix du baril en 85-86. Politiquement, Chadli voulait un troisième mandat, alors que l'establishment était loin de soutenir cette option. Enfin, les islamistes, s'ils n'étaient pas un acteur politique reconnu, étaient malgré tout assez présents sur le terrain pour tirer profit des événements. Remarquons également que ces événements ont concerné surtout la capitale et quelques grandes villes mais presque pas la Kabylie.
Les événements de janvier 2011 se sont produits dans un tout autre contexte. L'Algérie possède des réserves de change de 155 milliards de dollars et un fonds de régulation avec un solde positif conséquent. Il s'agit donc plus de mauvaise gouvernance et de corruption que d'insuffisance des ressources. Bouteflika a entamé son troisième mandat mais son mauvais état de santé pose prématurément le problème de sa succession. Deux éléments positifs caractérisent les émeutes de janvier 2011. Pour la première fois, la révolte a touché à la fois la Kabylie et les grandes villes en dehors de la Kabylie, surmontant ainsi les clivages identitaires. Pour rappel, lors du printemps berbère en 1980, l'Algérie profonde ne s'est pas sentie concernée.
En octobre 88, la Kabylie n'a pas bougé. Lors du printemps noir, en 2001, en dehors de quelques manifestations localisées, le reste de l'Algérie est restée indifférente. Deuxièmement, les islamistes, depuis longtemps en reflux, n'ont pas été en mesure, malgré leurs tentatives, de détourner le mouvement à leur profit. Ce phénomène était déjà perceptible en 2009, lors des manifestations ayant accompagné la qualification de l'Algérie en Coupe du monde où les jeunes, garçons et filles, se sont réapproprié l'emblème national.
-Contrairement à la Tunisie, la colère de la «rue» en Algérie aura été de courte durée. Pourquoi selon vous ?
En Algérie, il s'agissait simplement d'émeutes, expression de colère, sans objectifs politiques. En Tunisie, il y a eu un soulèvement contre le régime, voire une révolution. En Tunisie, il existe une société civile dynamique, des leaders d'opinion reconnus, une opposition qui a su se préserver en demeurant enracinée dans la société. Dès le départ, les femmes, les défenseurs des droits de l'homme, les avocats, les médecins... se sont impliqués dans le mouvement, sans compter les milliers d'internautes qui se sont servi des réseaux sociaux pour informer le monde entier.
-Aucun slogan n'a en particulier émergé des ces émeutes. Est-ce que cela vous inquiète ? Peut-on parler d'une dépolitisation de la société ?
Il n'est pas dans la nature des émeutes d'exprimer des revendications politiques. Pour parler de dépolitisation, il faudrait d'abord admettre que la société algérienne a été politisée à un moment ou à un autre. Or, chez nous, il est patent que la culture citoyenne fait défaut. Le régime algérien est fortement marqué par l'idéologie populiste, héritée du mouvement national. L'idéologie populiste ne reconnaît pas la nécessité de corps intermédiaires, entre le pouvoir et le peuple et donc l'existence des élites, vite qualifiées de traîtres à la nation. Plus fondamentalement, elle ne reconnaît pas la diversité au sein de la société et donc le conflit, essence du politique. Quand il n'y a pas de divergence d'intérêts ou que ces divergences sont occultées, il n'y a pas nécessité d'avoir des partis représentatifs des différents intérêts en conflit, du moins en théorie. L'enjeu pour l'Algérie est donc de développer la culture citoyenne en rompant radicalement avec le populisme sous toutes ses formes, y compris religieuse.
-Que pensez-vous de la «gestion» imprimée à ces événements par les autorités ? Pourquoi, d'après vous, le président de la République et le Premier ministre se sont tenus loin des feux de la rampe ? Par quoi expliquez-vous leur mutisme ?L'idéologie populiste suppose une harmonie parfaite entre le zaïm et les «masses populaires». La survenue d'émeutes brise cette supposée harmonie. D'où l'incompréhension, d'où le mutisme.
-Avez-vous un commentaire à faire concernant la réponse apportée par les autorités aux manifestants (diminution des prix de l'huile et du sucre) ?
La réponse est une injure à la jeunesse en révolte. A la demande de dignité, on répond par le mépris en considérant les protestataires comme de simples tubes digestifs. De plus, les solutions préconisées pour contrecarrer la flambée des prix des produits de première nécessité, traduit l'inculture économique des dirigeants qui croient pouvoir domestiquer le marché par des mesures administratives.
-Certains analystes de presse n'hésitent pas à mettre en cause la responsabilité des lobbies de l'informel et des barons de l'importation dans ce qui s'est produit. Cela tient-il la route?
Personnellement, je récuse la théorie du complot et de la manipulation. Pour moi, les citoyens sont des acteurs à part entière et qui agissent en toute conscience. Je refuse l'idée selon laquelle les gens ne sont que des objets passifs.Quant à l'informel, c'est une notion toute relative. Supposons que l'on soit dans un régime libéral où l'impôt est faible, voire inexistant et où les activités économiques sont libres et non soumises aux autorisations, il n'y aurait à ce moment là plus d'informel. En fait, l'informel se développe lorsque le marché est bridé par des contraintes administratives injustifiées qui rendent l'activité économique non rentable. Il faut donc lever les contraintes administratives.
Par ailleurs, parmi ceux qui prétendent travailler dans le secteur formel, beaucoup ne doivent en réalité leur qualité d'hommes d'affaires que par leur proximité avec le pouvoir et les relations clientélistes qu'ils ont su tisser au fil des années. C'est en quelque sorte de l'informel de haut niveau ! Par ailleurs, avant de mettre en cause les barons de l'importation, demandons d'abord des comptes aux responsables politiques qui ont délibérément laissé mourir l'économie productive en faisant de notre pays un marché captif, otage des prédateurs externes et internes.
-Pourquoi à part un ou deux partis, la classe politique dans son ensemble donne l'impression d'être hors coup à chaque fois que la société bouge ? Pourquoi y a-t-il un aussi grand décalage entre les partis et la société ?
Les partis ont été piégés par l'ouverture démocratique post octobre 88. Ils ont cru, peut-être naïvement, à une réelle ouverture politique alors qu'il ne s'agissait que d'une ruse du système. Ils ont joué le jeu des institutions alors que, la normalisation faisant son œuvre, le verrouillage politique et médiatique était devenu total. Il s'en est suivi un discrédit des partis dans leur ensemble, y compris ceux de l'opposition. De plus, dans une société, encore fortement marquée par le populisme, il y a une défiance persistante à l'égard des élites. D'un autre côté, les pratiques politiques, y compris au sein de l'opposition, sont marquées par l'autoritarisme, le clientélisme, l'opportunisme et souvent la connivence avec le pouvoir.
-Par quoi pèche le plus actuellement la classe politique algérienne ?
Clairement, l'absence de crédibilité. Les partis ne sont pas ancrés dans la société. Plus grave encore, ils ne sont pas capables de se rassembler autour d'une plateforme commune qui puisse servir de base au combat commun pour la démocratie. Les stratégies personnelles et l'entrisme minent tout effort de rassemblement.
-Pourquoi une alternative démocratique tarde à se constituer en Algérie ?
Fondamentalement, il y a un très grand retard de la culture citoyenne. La cause en est un système éducatif archaïque qui est plus une machine à endoctriner (l'islam, la nation arabe, la glorieuse révolution...) qu'une institution destinée à forger l'esprit critique et acquérir des connaissances. La responsabilité en incombe, bien entendu, au régime en place depuis 1962. Ensuite, il y a l'appareil sécuritaire et la police politique qui empêchent toute velléité d'organisation des acteurs autonomes. Enfin, jusqu'à ces dernières années, le terrain était occupé par les islamistes, avec sans doute la bénédiction du pouvoir.
-Ce qui s'est produit en Tunisie peut-il se reproduire en Algérie ?
Pas dans le court terme. Ne serait-ce que pour une seule raison. L'armée tunisienne a refusé de tirer sur les manifestants et a fini par se mettre au service du soulèvement anti-Ben Ali. On ne peut imaginer pareille issue en Algérie où l'armée et le DRS sont au cœur du pouvoir. Les autres raisons ont été développées plus haut.
-Peut-on savoir ce que devient Abdesselam Ali-Rachedi ? Pourquoi vous intervenez de moins en moins dans les débats qui secouent la société ?
Le verrouillage politique et médiatique est total. Il n'y a plus aucune place pour le débat politique, sauf dans les salons (Débats d'El Watan, débats de la LADDH...). On ne peut parler de projets politiques dans les circonstances actuelles. Je demeure toutefois très attentif à ce qui se passe sur la scène nationale.


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