Ces résultats — 2 périmètres sur 10 attribués, dont 1 pour Sonatrach ; 4 offres reçues alors que 85 compagnies, dont des majors, étaient intéressées au départ — sont un signe clair qu'il y a quelque chose à revoir. C'est d'autant plus évident que ce résultat s'inscrit dans la même tendance tracée par le précédent round. A mon avis, les explications lues dans la presse, comme quoi cela est dû à la crise économique mondiale, ou encore à la situation actuelle héritée de la gestion opaque dans une atmosphère de corruption de l'ancienne équipe, ne tiennent pas la route. La situation actuelle marquée par ce début du printemps arabe, par la guerre civile en Libye pour se débarrasser d'une dictature sanguinaire, et suite aux catastrophes naturelles que le Japon affronte courageusement, entraînant ainsi une reconsidération de l'énergie d'origine nucléaire, font que tous ces faits convergent vers l'importance des hydrocarbures. Ils resteront encore pendant des années et des décennies comme source d'énergie numéro 1. Les prix des hydrocarbures continueront donc à augmenter. Les grandes compagnies pétrolières le savent très bien, et c'est une des raisons pour lesquelles elles se sont présentées nombreuses pour l'appel d'offres cité plus haut. Donc, la situation est propice pour investir rapidement dans l'exploration des hydrocarbures.Il faut avoir à l'esprit que l'exploration obéit à des règles géoscientifiques très claires qui consistent à passer par des étapes successives, et chaque nouvelle étape repose sur les résultats de la précédente, entraînant des investissements importants avec des risques de plus en plus grands. Avec toujours une seule question qui domine toutes les acquisitions de données (qui coûtent très chères !) et leurs interprétations (qui ont aussi un prix !) : y a-t-il du pétrole ? La réponse n'est jamais oui ou non, simplement dite et sans ambiguïté. Il y a, à chaque fois, une incertitude derrière les explications et interprétations. Aussi les réponses sont systématiquement du genre : il est très (ou peu!) probable! Pour être plus précis, tout en essayant de simplifier pour que les lecteurs de toutes catégories puissent participer à ce débat vital pour l'avenir de notre pays, je dirais qu'il y a 5 étapes : L'étape n° 1 consiste à pointer du doigt une région (bloc) et se poser la question. Aussi les données existantes sont rassemblées, traitées pour en vérifier la qualité, ré- interprétées à la lueur des dernières acquisitions des géo-sciences et un jugement collectif (de toute une équipe!) est établi pour décider de passer (ou non !) à l'étape numéro 2. L'étape n° 2 implique des investissements lourds, généralement, pour acquérir des données géophysiques (de subsurface) et de géologie (de terrain), et par la suite les traiter et les interpréter avec à la fin la même question qui revient et que les équipes géoscientifiques doivent cerner de près : continuer ou pas ? L'étape n° 3 exige des investissements encore plus lourds, comme le forage, sans aucune garantie de succès avec, dans certains cas, et présent à l'esprit, les risques énormes qui peuvent exister. La seule garantie est la qualification et l'expérience des géoscientistes et souvent des expériences et intelligences accumulées pendant des années et des décennies au sein de la compagnie pétrolière. Le bon sens géoscientifique, à jour des progrès récents, est le seul argument dominant. L'étape n° 4, conditionnée bien sûr par les succès précédents, consiste à engager une série de forages pour évaluer le gisement et pouvoir répondre à la question : la découverte est-elle économiquement rentable ? L'étape n° 5 consiste à investir des sommes énormes pour mettre en place toute l'infrastructure pour commencer l'exploitation du gisement, et, souvent, cela prend des années avant de commencer à avoir des rentrées. Ce chemin est pratiquement le même pour toutes les compagnies, grandes ou petites, anciennes ou jeunes. Une différence qui pourrait parfois être de taille, en fonction des cas, c'est que les grandes compagnies avec une grande expérience sont en mesure parfois d'écourter une étape. Or que se passe-t-i1 en Algérie ? Sans entrer dans les détails, la réglementation impose, dès le départ, un programme prédéterminé pour une région (bloc). D'où la question : pourquoi obliger une compagnie, qui s'est engagée, à exécuter un programme sur plusieurs étapes ? Alors que, peut-être (et cela personne ne le sait !) dès la fin d'une des premières étapes, il s'avère inutile d'aller plus loin, cela devient du gaspillage d'énergie et de fonds. D'autant plus que seule la compagnie en question supporte les investissements, ce n'est qu'en cas de découverte exploitable que l'Etat, à travers Sonatrach, participe aux dépenses ; mais il ne partage pas les risques au départ . A mon sens, c'est ce fond du problème qui doit être revu. Et voilà rapidement mon point de vue : l'exploration des hydrocarbures en Algérie doit être basée sur des principes assez simples, sur le bon sens géoscientifique et éviter, à chaque fois que cela est possible, le «bon sens» bureaucratique qui va toujours dans le mauvais sens du succès ! A partir du moment où l'on invite des compagnies à venir s'installer et investir, leur réussite et développement dans le pays est aussi une part du progrès économique, social, scientifique et technique du pays. Elles sont amenées à recruter, en premier lieu, les Algériens. Donc leurs échecs ne sont pas souhaitables ni pour l'Algérie ni pour les Algériens ! Au contraire, tout devrait aller dans le bon sens pour qu'elles réussissent et se développent en Algérie. Plus elles ont des laboratoires sur place et plus la recherche et le savoir-faire se développeront dans le pays. Il faut, au contraire, éviter qu'elles ne se comportent comme seulement des extracteurs d'hydrocarbures en accumulant leurs intelligences et expériences dans des laboratoires localisés dans d'autres pays. Pour l'exploration, il est primordial d'aller en premier lieu vers les zones les plus prometteuses, les plus simples et les moins risquées. Comment les définir ? Par des concertations et des échanges organisés et publiques permettant la contribution de géoscientistes basés dans le pays et dans d'autres pays, des compagnies et institutions du pays et d'ailleurs. Lorsqu'une compagnie s'engage dans l'exploration d'un bloc, une concertation et une souplesse dans les accords devraient permettre de suivre pas à pas la recherche de gisements et réservoirs et l'orienter dans le bon sens en évitant de gaspiller de l'énergie inutilement. Au fur et à mesure que les nouvelles données arrivent, leur traitement devrait donner des résultats appréciables à leur juste valeur, tout en tirant tous les enseignements nécessaires. Et s'il faut arrêter le programme initial et aller vers un autre bloc, suggéré par l'analyse des données nouvellement acquises au cours des phases initiales exécutées, cela ne peut être que dans l'intérêt général. Les structures géologiques, riches en hydrocarbures qui existent en profondeur, ne suivent pas nécessairement les limites tracées au crayon et à la règle sur une carte de blocs. La localisation des réservoirs d'hydrocarbures obéit à des lois géoscientifiques très complexes, constamment en amélioration, jamais définitives, variables d'une région à une autre. Ce sont des approches successives qui permettent de les cerner petit à petit. Ce que l'on peut apprendre à partir d'un bloc peut aider à localiser ces réservoirs, mais pas forcément dans le bloc en question, mais, peut-être plus loin dans un autre bloc, qu'il soit déjà attribué ou pas.