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Nouvelle : Comment Fatma échappa à son mari
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Publié dans El Watan le 24 - 08 - 2011

«Dis-moi Nenna, qu'y a-t-il dans cette grande malle en osier ? Tu me la donnes, dis ?» Tu la prendras quand je serai bien morte et enterrée !»
C'était une antienne de petite fille pleine de convoitises pour ce grand coffre à mystères, dont elle escomptait des aveux singuliers.
Elle a longtemps trôné sur le haut de son armoire à glace, cette sebba, où est soigneusement entreposé le linceul de Nenna, ramené des Lieux saints – sagement en attente du grand départ – corbeille nuptiale, à présent safranée, dont le capitonnage en satin, autrefois rose vif, a pris des nuances d'automne. Le petit miroir incrusté sur le côté intérieur du couvercle ne reflète plus que des visages improbables, des traits évanescents, des images à peine ébauchées, oblitérées par la brume du temps. 1936 ou 1937 ? Le repère de Nenna, c'est la «guerre des Juifs» de Constantine, le temps aussi où la femme sortait deux fois dans sa vie : de chez ses parents pour se rendre dans la maison de son époux, et de celle-ci pour rejoindre sa dernière demeure.
Elle avait quatorze ans et des cheveux de Méduse. Le matin de ses noces, le marié, qu'elle avait toujours désigné par son patronyme, Bensalah, né à la fin du XIXe siècle, vers 1894, lui fit parvenir une jatte en bois contenant une débauche de fruits secs et de bonbons. C'était son trésor à elle, avec sa sebba, dans laquelle on avait rangé sept robes pour ses sept jours de miel : la colombe, blanc écru, la rose, senteurs matutinales, la bleue satinée, caprices du troisième jour, la verte, quatrième aube – fertilité des vallées – la jaune, épi mûr, l'orange, fruit d'hiver, et enfin la robe de velours grenat, soutachée, pour le septième et dernier jour de félicité, car au-delà l'attendaient toutes les tâches ingrates. Quelques accessoires, peigne en ivoire, petite urne en cuivre pour le khôl, et, luxe suprême de la part de l'époux, hanteur de lupanars, du rouge vermeil pour les lèvres. Elle le raconte avec une admiration que voile à peine sa pudeur, comme un homme beau, dans son « pantalon turc, bouffant, son gilet rehaussé d'une montre de gousset en argent, sa tête ceinte d'un turban en lin blanc, strié de fils d'or, ses burnous en poil de chameau, négligemment jetés sur ses épaules, et ses chaussures lustrées, à semelle musicale».
Elle possédait, en plus, quelques bijoux en argent et un louis d'or, que sa mère lui avait cousu, en manière de ras-du-cou, sur un ruban de faux velours noir. Après des ablutions et des rituels étirés, on la revêtit enfin de sa robe colombe et d'une chéchia à franges dorées, le tout couvert d'un voile en cotonnade écrue. Elle joua à l'escargot, à l'intérieur de son voile-guitoune, avec, entre les mains, un petit miroir dans lequel elle ne se lassait pas d'admirer sa bouche écarlate. Du plateau constantinois, elle se retrouva, comble de l'exultation, juchée sur le siège d'une calèche, escortée par une procession de youyous, en route vers le hameau de son époux, où elle devait apprendre à traire les vaches et carder la laine.
Ses longs cheveux brillants, teints au henné naturel, créaient, à eux seuls, l'évènement. On en parlait à des lieux à la ronde. Une fois la semaine, le soir, elle les démêlait sous les yeux admiratifs de toutes les femmes de la maison, accompagnées, comme pour une première, de toute leur progéniture. Elle tirait son peigne d'ivoire de sa sebba, ôtait ses trois foulards, défaisait ses nattes en des gestes lents, orgueilleux, libérant brusquement, comme de la boîte de Pandore, la masse vivante, chaude, émouvante, de sa chevelure aux mille reflets auburn. L'on retenait un peu son souffle en la regardant faire.
La voilà départageant, raie par raie, en des sentiers incurvés, son éblouissante parure, dont elle venait à bout en s'aidant de ses doigts de pied pour en refaire des tresses infinies et solides, comme des amarres, qu'elle enroulait en turban sombre et palpitant autour de la tête. Son époux s'annonçait, alors, par une toux ostensible, étirée, faisant illico fuir la dévote smala en mal de distraction. Le spectacle reprenait pour l'amant, qui défaisait encore la masse rutilante et indomptée, à pleines brassées palpitantes, qui le rendaient fou de désir. Arrivée là, Nenna ne manquait jamais de soupirer…
Elle donnait quelques tapes sur son ventre et lançait, rageusement : «Ah ! Ennemie, fille de l'ennemie, que n'as-tu procréé ? Pourquoi suis-je comme un bigaradier, beau et amer ? Honte à toutes les répudiées stériles, à celles dont le sein est tari et que jamais sève ne gonfla.» Bensalah patienta cinq ans. «Fatma, Fatma, petite mère, implorait-il, donne-moi un enfant à choyer, un garçon pour perpétuer mon nom, que ne fais-tu pour moi ce que toutes les épouses font ? Pourtant, je ne peux me résigner à ta séparation !» D'autres noces eurent lieu pour ce zazou, disait Nenna, cet éternel beau de légende qui aimait infiniment cueillir les hymens. Fatma assista à l'arrivée d'une autre vierge sur un palanquin, que transportait à grands pas étranges et circonspects un dromadaire placide, sous le regard fébrile du maître à qui nul n'osait en remontrer.
«Fatma, petite mère, je t'amène ta sœur, aime-la, sois patiente avec elle, apprête-la pour moi, car tu le sais, tu me dois obéissance et soumission totale, du jour où tu franchis le seuil de ma maison.
Oui, je m'appelle bien Fatma, fille de Belgacem, fils de Mohamed, fils de Aïssa, fils de Brahim, fils de Ali… » marmonnait Nenna, mi-figue, mi-raisin. Bensalah imposa longtemps sa loi à la force du poing et du «fouchi» (fusil). Excédée, elle lui demanda un jour de lui accorder la permission d'assister aux noces de sa sœur cadette. Ce fut difficilement qu'il y consentît. Nenna s'en souvient, me disant : «Ah ! ces yeux suspicieux, ces paroles défiantes, après des mois d'humiliation, durant lesquels j'ai tout orchestré, tu entends, petite, tout préparé, jouant, à dix-neuf ans, l'épouse qui se résigne à n'être plus que la seconde, reléguée, telle une freinte, dans un coin de la chambre conjugale, trimant du matin au soir, éternellement esclave.»
Innocente, entièrement couverte de son voile blanc écru, sagement assise à ses côtés, dans le cabriolet (il était le seul à en posséder un), elle s'attacha à endormir sa méfiance, d'autant que la malle en osier donnait l'impression d'être vide, avec juste cette robe du septième matin, en sus de quelques babioles sans valeur. «Ô fille de Belgacem, je te tuerai si tu me joues quelque tour, je te retrouverai, et je te tirerai comme un lapin. Je reviendrai te chercher dans une semaine, pas plus.» Et elle s'évertuait, tout au long du chemin, à conforter sa confiance en elle, lui rappelant qu'elle avait lavé des tonnes de laine qui séchaient au soleil en attente d'être transformées en matelas, qu'elle avait à fumer sa viande, à rouler son couscous pour l'hiver, qu'elle avait déjà convoqué les matrones pour l'aider dans cette tâche, et mille petits riens, qu'une femme amoindrie égrène pour entretenir la crédulité de son bourreau.
Elancée et légère, telle une plante sauvage, vêtue de ses six robes, l'une sur l'autre, la septième, celle annonciatrice de la fin des matins suaves rangée au fond de la sebba, ainsi l'avait-elle quitté. Il eut beau fulminer…


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