Ces derniers jours, à l'approche de l'Aïd et de la rentrée scolaire, la chaussée des voies publiques du centre-ville de Annaba est devenue le souk le plus impopulaire de toute la région, c'est-à-dire un mélange de commerçants et de vendeurs à la sauvette ou encore un bric-à-brac d'objets hétéroclites neufs ou vieillots, de la friperie et des produits textiles exclusivement made in China. Des policiers en uniforme et d'autres en tenue civile leur font quotidiennement la traque. Parallèlement, les délinquants et les repris de justice sont aux aguets, les yeux fureteurs à la recherche d'une poche, d'un sac ou d'un portable à voler. «Il ne s'agit pas d'un signe de prospérité, C'est beaucoup plus une tacite volonté des animateurs de tenter de désactiver localement une vie économique paralysée ces dernières années par une baisse constante du pouvoir d'achat» affirment des habitués du coin. Les perspectives ambitieuses que laissait apparaître le plan de relance économique sont mises de côté. Dans la 4ème wilaya du pays, les jeunes chômeurs évoquent toujours le souhait de partir à l'étranger en cette période de jeûne. Ce n'est plus à la mode de construire son avenir en Algérie, estiment-ils. Les nouvelles dispositions présidentielles entraînant la création d'ateliers de couture, d'unités de conditionnement de divers produits agroalimentaires et ceux chimiques, l'ouverture de petites échoppes de buralistes, boutiques de pâtisserie traditionnelle… ne donnent plus l'illustration de cette tendance grandissante au sein de la population. Durant ce Ramadhan, la plupart des habitants de la wilaya semblent se préoccuper plutôt de leur niveau de vie. Certes, le chômage continue d'imposer à la majorité l'austérité, mais çà et là, les chansons malouf, chaâbi, raï, rap, les chebs et les chebate font oublier les exigences de la vie. Des chansons qui, également, assourdissent les appels à l'aide matérielle et financière aux familles nécessiteuses qui, par dizaines, occupent les trottoirs et les abords des magasins d'alimentation, boulangerie, boucherie etc. A proximité du marché El Hattab, piétons et automobilistes n'arrivent pas à circuler. Le rond-point pourtant très large et les trottoirs des cinq rues adjacentes sont squattés par les camelots et vendeurs à la sauvette. Initialement limité à la rue Ibn Khladoun, le commerce informel a conquis tous les espaces jusqu'au cours de la Révolution. Du côté de la Colonne, aux alentours du rond-point Stambouli, l'endroit est envahi par les charrettes chargées de fruits et légumes. Des jeunes très mal payés par les propriétaires des étalages et magasins montrent du doigt les riches. Lors de rencontres formelles ou informelles, des avocats, médecins, universitaires, opérateurs économiques appartenant à la génération actuelle se révèlent politiquement critiques à l'égard des pouvoirs publics. Cette aigreur, qu'ils chuchotaient, jusqu'ici, est exprimée de plus en plus ouvertement. à l'approche de l'heure du ftour, commerçants, vendeurs à la sauvette et consommateurs désertent les lieux en laissant des tonnes et des tonnes de déchets, ordures et immondices un peu partout dans la commune, chef-lieu de wilaya.