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Quand Souk Ahras carbure au gasoil !
Contrebande aux frontières est
Publié dans El Watan le 12 - 12 - 2011

Souk Ahras, l'antique Tagast, a carrément changé de vocation. De région agropastorale par excellence, elle est devenue, en l'espace de quelques mois, le cadre d'un trafic de produits pétroliers qui fait courir un grand monde. La ruée vers le gasoil y est particulièrement déroutante. Ils sont quelque 1000 «intermédiaires» à avoir trouvé en ce «business» un simulacre de solution à leur misère et mal-vivre.
Ces «harraga», car c'est ainsi qu'on les appelle à Souk Ahras, ne travaillent pas à leur propre compte, mais sont au service des barrons de la contrebande de carburants qui les exploitent sans scrupules.
Le filon, la trentaine de réseaux de spécialistes du trafic de carburant qui écument la bande frontalière longue de 120 km donnant accès à la Tunisie, l'a flairé à Ouled Abbès. Et pour cause, cette localité de la mechta de Chgaga, distante de 15 km de Sidi Fredj, commune frontalière située à 60 km au sud du chef-lieu de wilaya, n'a absolument pas goûté aux bienfaits de l'indépendance. Ouled Abbès est, en effet, l'une des bourgades les plus défavorisées de Souk Ahras et l'une des plus pauvres du pays et dont ses quelque 5000 habitants vivent le plus souvent dans la précarité la plus extrême. Avec la dizaine de mètres seulement qui la sépare du voisin tunisien, tous les ingrédients sont ainsi réunis pour faire d'elle le terrain de prédilection des contrebandiers. Nombreux étaient les représentants d'institution, d'administration et les gérants de stations-services à l'avoir reconnu. Ils ont même été unanimes à admettre que l'ultime point de chute d'environ 30 à 40% des 600 à 700 m3 livrés chaque jour par l'antenne commerciale locale de Naftal n'est, en effet, autre que Ouled Abbès. Nos différents interlocuteurs, faut-il le noter, arrivaient à peine à voiler leur sentiment d'impuissance à maîtriser la situation en raison de la complexité, de l'enchevêtrement des intérêts en jeu et de l'ampleur inquiétante prise par la contrebande du liquide inflammable, devenue un véritable phénomène de société.
Le gasoil se vend également dans des étables et des poulaillers
A Sidi Fredj, ses villages et ses mechtas, la présence partout du gasoil est frappante malgré l'absence de tout point de vente formelle. Et personne, malgré les astuces auxquelles on peut avoir recours, ne voudrait dévoiler l'origine du carburant qui se vend et qui coule à flots. Il est même difficile de croire qu'il existe des stations-services dans le reste des régions frontalières avec la Tunisie. Pourtant, elles en comptent sept : une dans chaque région - El Hdada, El Khdara, Zarouria (hammam Tessa), Aïn Zana et à Ouled Driss - deux à El Mrahna, littéralement englouties par le flot de «petits points de vente» de gasoil de contrebande. Il n'est pas exagéré de dire qu'à Ouled Abbès, le carburant issu du trafic est vendu dans des jerricans de 20 litres, la nuit, à même les garages, les étables, les poulaillers et les pièces de maisons mises en location par leurs propriétaires moyennant 3000 à 5000 DA, c'est selon. D'autres, et ils sont plus nombreux, ont creusé et aménagé des tranchées de 30 à 40 m de long qu'ils mettent à la disposition des contrebandiers pour environ 1000 DA la journée. Et ils ont leurs propres « agents » eux aussi. Lesquels ? Des bergers munis de téléphones portables, des gens qu'on ne pourrait suspecter de quoi que ce soit, recommandés aux gros bonnets de la contrebande pour leur servir d'indicateurs, comme les aviseurs pour les douaniers. Grâce aux informations qui leur parviennent en temps opportun, les contrebandiers arrivent souvent à échapper aux mailles des douaniers et GGF et à mener leurs opérations avec succès, procédant au changement des procédés opératoires pour acheminer leur produit vers les clients en Tunisie.
Mais d'où vient ce carburant vendu à des prix invraisemblables, au nez et à la barbe de Naftal et des autorités publiques ? Bien évidemment, des réservoirs de véhicules de tourisme, de camionnettes, camions, poids lourds, de tracteurs et surtout des 4x4 Land Cruiser les plus utilisés pour le double réservoir dont ils sont dotés d'origine, que les propriétaires ou simples conducteurs ravitaillent auprès des 26 stations-services, le réseau de distribution de la wilaya de Souk Ahras dont le chef-lieu abrite une bonne partie. A croire l'affluence en ces lieux, l'activité que les uns jugent illicite et que d'autres qualifient de salvatrice semble juteuse. Certains y arrivent dans leur véhicule avec des bidons de volume variable. Personne ne voudrait rater la moindre goutte à vil prix. Faire le plein à 13,7 DA le litre à la pompe pour le revendre à trois et quatre fois plus n'est-il pas tentant ? Des gens disent que la plupart des véhicules empruntant quotidiennement les axes Souk Ahras-El Hdada, Souk Ahras-El Khdara jouent le même rôle. Ici, ce sont leurs réservoirs qui sont également sollicités. Ceux-ci sont souvent doubles sous le même essieu, car en plus de celui naturel de chaque véhicule, on en ajoute un autre. Soustraits aux regards, ces réservoirs font le plus gros du trafic. Selon nos sources, les trafiquants de Sidi Fredj, les plus actifs, choisissent les communes les moins «surveillées» pour y faire le plein de carburant. Ils en reviennent pour le décharger à Ouled Abbès où de nombreux sentiers ont été repérés et utilisés par les contrebandiers. «Les jerricans vides sont posés en bordure de ces sentiers. Une fois remplis par les complices des harraga, les contrebandiers viennent les récupérer après s'être préalablement assurés de l'absence de tout danger. Il leur arrive parfois de les abandonner en cas de descentes soudaines des brigades d'intervention des GGF et des Douanes ou lorsqu'ils en sont informés par leurs «indics officiels», nous a-t-on expliqué.
Comment se partage le butin ?
4000 à 5000 DA est le bénéfice net que gagne le contrebandier à la revente d'un fût de 200 litres aux Tunisiens, nous explique l'un des «harraga» de Ouled Abbès. Nous l'avions rencontré au moment où il s'apprêtait à quitter la station-service de Hammam Tessa, à près de 7 km du groupement des gardes-frontières de Taoura, à bord d'un 4x4 Land Cruiser blanc, il était 21h passées. D'apparence innocente et pesant bien ses mots, Ahmed, la trentaine, n'avait rien d'un contrebandier.
Peu fier de son affaire, car exploité au même titre que ses six «collègues» par un très puissant contrebandier d'El Mrahna, il n'hésite pas à nous exhiber la carte grise de son imposant 4x4 avant de dire les yeux presque larmoyant «cette voiture ne m'appartient pas. Mon patron a six autres 4x4 affectés exclusivement à la contrebande de carburants. C'est pour gagner ma vie que je fais cela. Je n'ai aucun autre moyen pour subvenir aux besoins de ma famille, mes parents décédés, j'ai une belle-mère et six frères et sœurs à nourrir. 33 ans, toujours célibataire, et je n'ai jamais pu travailler. Ne trouvez-vous pas que tous les risques sont bons à prendre ?»
Pourquoi «exploité» ? Le trajet Ouled Abbès-Souk Arras avec tous les risques que cela suppose, Ahmed le fait trois à quatre fois pour finir sa journée avec 800 à 1200 DA dans la poche. Son patron : 10 fois plus. «Allez demander aux gendarmes pourquoi font-ils de nous, les pauvres malheureux, qui vivotons, des cibles privilégiées alors qu'aucun compte n'a été demandé à Chakib Khelil qui a vidé les puits de Sonatrach. Demandez aux douaniers qui passent leur temps à fouiller nos véhicules pourquoi laissent-ils passer les containers des généraux sans même les ouvrir ou les soumettre au scanner. Tout le monde nous exploite jusqu'à l'épuisement, les contrebandiers pour se faire de l'argent fou sur nos dos, les gendarmes et les gardes-frontières, en quête de promotion, pour prouver leur efficacité à leurs supérieurs, les policiers et les douaniers auxquels il faut graisser la patte à chaque contrôle, le simple citoyen pour préserver son image sociale, on fait du trafic avec son véhicule», déplore-t-il avant de nous diriger vers un autre «harraga», en attente de chargement.
Des instits et des fonctionnaires sont de la partie
Ce que nous apprendra Hafsi, originaire de Aïn Senour, à une dizaine de kilomètres de Souk Ahras, est inouï : «Moi, je travaille pour le compte de deux enseignants d'une école primaire de Souk Ahras chef-lieu. Ils sont cotisé pour acheter ce véhicule - une Peugeot 505 grise en bon état - qu'ils m'ont confié pour être utilisé dans le trafic de carburant. On se retrouve deux fois par mois pour le partage du «hathouel» (le butin)». Se défendant cependant de vivre du carburant de contrebande, activité illicite, il ajoutera : «Je suis obligé de vendre du carburant parce qu'il n'y a pas autre chose à faire. On se débrouille comme on peut ; il n'y a pas de travail !» Pis, il fera savoir que des dizaines d'autres véhicules acquis sous des prête-noms ont été mis à la disposition de «djmaât ettahrib» (spécialistes de la contrebande), leur second sobriquet à Souk Ahras, par des fonctionnaires d'administrations locales telles que la wilaya et la commune sans parler des centaines d'agents et cadres d'institutions hospitalières. Et, au moment où nous conversions avec lui, fit surface un jeune, la vingtaine, venu dire à Hafsi que son tour de chargement était imminent. Ramzi est en fait un autre maillon de la chaîne : vu le nombre impressionnant de véhicules sur place, lui et des centaines de jeunes de son âge ont pour mission d'éviter aux harraga, chauffeurs de taxi ainsi qu'au reste des clients les longues heures d'attente - ça peut aller jusqu'à 5 heures - dans les stations-services en contrepartie de 400 DA. Un business dont Ramzi n'est pas fier, car plus exubérant. Il ne doit certainement s'en plaindre, eu égard au nombre de personnes qui le sollicitent chaque jour que Dieu fait. C'est dire que ce qui s'apparente à un labyrinthe renseigne fort bien de l'étendue du fléau et de l'organisation des lobbies et acteurs de la contrebande qui ont visiblement inspiré pas mal de Soukahrasiens de différents statuts sociaux.
Révoltes en Tunisie et en Libye : une aubaine pour les contrebandiers
Tous ont misé gros sur un créneau, certes pas nouveau, mais dont la demande a connu une hausse sans précédent essentiellement due aux crises politiques de nos voisins libyens et tunisiens. Chez ces derniers, il suffit d'avoir un engin roulant pour être client du carburant de contrebande. Il n'y a pas un type de consommateur particulier. Chacun des réservoirs des milliers de 2 et 4 roues des villages tunisiens limitrophes contient du carburant algérien issu du trafic. Tout le monde en est consommateur, du simple citoyen, gendarme ou du policier au transporteur routier, en passant par les chauffeurs de taxi. Avec des prix hors de portée, une frange importante de la population tunisienne a jeté son dévolu sur le gasoil algérien. Il n'y qu'à faire un tour de l'autre côté de la frontière pour pouvoir le constater. Des jerricans de volume variable étiquetés « gasoil algérien » sont exposés tout le long de la route Sakiet Sidi Youssef-Tunis, a indiqué un haut cadre de la direction de l'industrie et des mines de la wilaya de Souk Ahras. De même, les «consommateurs» tunisiens reconnaissent tous la qualité du carburant algérien par rapport au leur, peu raffiné. Ce qui appelle nécessairement à un entretien régulier des moteurs. En revanche, les marchés locaux de Souk Ahras sont inondés de divers articles illicitement introduits de Tunisie. Il ne peut en être autrement pour une ville située à quelques encablures d'une frontière. Telle est aussi la réalité de la proximité frontalière. Devant cette situation très complexe dont l'incidence sur l'économie nationale est immédiate, la question que d'aucuns se posent est de savoir si l'Etat a pris les dispositions nécessaires, s'il existe une réelle volonté politique pour empêcher les trafiquants de tous poils de se sucrer à ses dépens.


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