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Parts de vie et de rêve
Analyse. Présence féminine dans le théâtre algérien
Publié dans El Watan le 31 - 12 - 2011

Une question d'abord : «Qu'est-ce qui m'empêcherait de croire au rêve du théâtre quand je crois au rêve de la réalité ?» Tirée de l'opuscule Le théâtre et son double d'Antonin Artaud, elle pourrait parfaitement correspondre aux rêves de nos femmes de théâtre lorsqu'elles s'engagent dans la réalisation d'œuvres dramaturgiques.
En effet, ces œuvres actuelles font exister des personnages qui peuvent leur ressembler dans leur vie, qui peuvent correspondre à leurs aspirations, qui peuvent dire, avec humour, décalage et poésie une identité propre en quête de réalisation et en constant bouleversement.Dans cette option, il est indéniable que le théâtre de nos femmes artistes a aujourd'hui plus de visibilité en ce sens que, pour certaines d'entre elles, elles ne se situent plus à l'arrière de la scène mais à l'avant. Dynamiques parce qu'elles croient en ce qu'elles font, elles ne se posent pas comme un alibi artistique mais se placent au cœur du projet esthétique porté par des initiatives individuelles. Leur théâtre en mutation constante, parce que bourré d'interrogations existentielles, est un théâtre du «Je» à la place du «Nous».
C'est bien ce qui ressort de ce théâtre de l'introspection, plus centré sur le sentiment individuel et radicalement éloigné du théâtre d'hier, celui des luttes de classes et de l'engagement dans l'édification nationale, lequel s'adressait à la «masse» et était pratiqué à grande échelle dans les années Boumediene. Le ton change et les visions se «délocalisent» quelque peu des axes d'interventions théâtrales d'hier et des marqueurs artistiques qui les portaient. En un mot, on n'est plus dans le théâtre de l'avant-garde que l'on hissait devant, comme un étendard, pour exprimer son adhésion à une ligne politique. On devient beaucoup plus modeste dans l'acte de jouer devant les autres. Aussi, se construit un théâtre de l'intime qui prend ses distances avec les normes en vigueur précédemment par lesquelles s'imposait un théâtre de la harangue aux problématiques préétablies, très souvent utilisé comme soupape de sécurité du régime politique.
Avec les jeunes artistes femmes qui ont émergé ces dernières années, on essaye d'opter pour une politique de théâtre mais on ne se substitue pas à la politique institutionnelle ni à ses agitations perpétuelles. Il n'existe plus un seul et unique champ de la création artistique, mais des champs de recherches artistiques éclectiques, plus liés à des individualités et à leurs parcours divers qu'à une conviction esthétique nationale fondée sur une spécificité algéro-algérienne. Sans se positionner dans un repli sur soi, ce théâtre féminin où, très souvent, on s'autoproduit dans des cadres indépendants, se caractérise, de manière générale, par une thématique où les scènes de huis clos prédominent pour aborder des sujets à dimension humaine et proposer des textes se prêtant à plusieurs lectures.
Dans les itinéraires créatifs de ces femmes de théâtre, «l'effet miroir de la société» est déjà une vieille préoccupation du passé, ce qui les amène à s'inscrire davantage dans la densité affective que dans la redevance idéologique.
Le discours de leur théâtre insuffle du rêve avant de rêver à changer le monde. Dans leur sphère créative, il est plutôt question d'ouverture de nouvelles pistes, aussi bien inspirées des conditions sociales du vécu immédiat que des esthétiques culturelles qui environnent leur monde, qui les interpellent en tant qu'artistes d'aujourd'hui. Tout en restant culturellement définies, elles élargissent l'amplitude de leur espace d'expression en imprimant de manière plus volontariste leur présence dans ce théâtre subjectif, éloigné de l'enrôlement communautaire et du théâtre à thèse dans lequel elles étaient auparavant distribuées, un théâtre alibi du pouvoir, un théâtre vitrine de ce même pouvoir.
Aujourd'hui, presque toutes les artistes femmes de théâtre adhèrent à une forme de synthèse culturelle qui regarde aussi bien du côté de nos legs culturels que de ce que nous propose la télévision satellitaire. Cette démarche se fonde sur la conviction que l'interaction des expériences et des regards peut aider à faire de leur art un phare de libération mentale irremplaçable. Il n'y a plus un seul étalon de modernité, un unique repère, une source unique. Se comparer à l'autre n'a jamais été un signe de faiblesse ou de renoncement. Comme tout le monde le sait, l'échange aide à la transformation de facto et par nature. Agissant donc ainsi, nos femmes artistes, apparues notamment après la révolution d'Octobre 1988, revendiquent ouvertement une transculturalité féconde qui éloignerait les frontières et réaliserait l'osmose entre les héritages esthétiques.
Ceci permettrait en outre la circulation du créatif de l'ici et du là-bas dans le monde magique du mot et du signe qui l'accompagne et lui donne de l'épaisseur. Au final, elles aspirent à être contemporaines. Et même si elles ne prétendent pas avoir trouvé des réponses à leurs contributions, elles font preuve à chaque fois de témérité en s'intéressant à des thèmes jusque-là peu ou pas du tout explorés parce que supposés chargés de tabous. Il y a une sorte de déplacement du débat. On n'est plus dans les mêmes préoccupations, encore moins dans les mêmes perspectives esthétiques.
Continuant, ici et là, à puiser dans le patrimoine local – leur lien matriciel – déjà emprunté par leurs aînées, elles ne s'interdisent pas pour autant d'enraciner au besoin leur histoire personnelle dans des sujets relevant du répertoire universel. Cette démarche s'attache à entrecroiser des expériences et des sensibilités pour s'inscrire dans des thèmes authentiquement modernes. Il s'agit, en quelque sorte, de s'inscrire dans un théâtre moderniste sans être révolutionnaire, un théâtre catharsis aux entrées multiples sans être un théâtre du déni de soi et de sa culture ancestrale.
Il n'est pas anodin que nombre d'entre elles, notamment dans les années quatre-vingt-dix, se soient lancées dans le monologue pour obéir aux contraintes des circuits de diffusion mais, aussi et surtout, marquer leur contribution citoyenne et exprimer leur univers psychologique et social et son lot de désillusions et d'exclusions. Elles ont ainsi construit des rêves avant de faire l'histoire, pour creuser des sillons d'expériences pratiquement novatrices dans la manière de dire son corps, de dialoguer avec son corps. Ces expériences, en interaction intime avec des sujets personnels, s'appuient sur un registre d'intervention théâtrale plongé autant dans l'intime que dans le général ou le collectif. En décidant d'être maîtresses de leur destin, actrices pleines et entières de leur vie, elles explorent le thème de la relation homme-femme, évoquent le manque de communication qui remet en cause les liens d'amour, parlent de la difficulté d'être, insistent sur ces liens douloureux qui traversent le couple.
Chez ces créatrices, irréversiblement placées dans une dynamique contemporaine, la parole relève plus de la conscience du moment que du recours aux vieux thèmes abordés par les anciens. Très souvent, cette parole prend un caractère thérapeutique, presque de la même manière qu'un traitement psychologique qui se fonde sur la verbalisation du vécu et de ses traumas et aspirations. Et c'est encore très souvent cette même parole qui aide à chercher et à rattraper le temps perdu. Par leurs irruptions régulières dans l'univers intime de leurs concitoyennes, elles créent et jouent pour continuer d'exister différemment à travers ce véhicule de communication culturelle apte à gérer la proximité.
Mieux armées à regarder autrement l'univers qui les entoure, elles luttent contre cette sorte de conspiration qui exige le silence au nom de convenances vieillottes et de convictions désuètes. Tout en empruntant les éléments déjà utilisés de la représentation théâtrale, elles tentent de reformuler autrement les œuvres théâtrales destinées au large public. Fidèle à l'œuvre du théâtre des aînés, elles cherchent néanmoins à se différencier, à être autonome dans la manière d'écrire une pièce, de la monter ou de la jouer. Il y a une liberté de ton plus démonstrative dans ces pièces écrites sous formes d'instants volés, révélatrices de conditions. Leur théâtre se manifeste simultanément en tant qu'émancipateur de l'être que quêteur de pistes esthétiques nouvelles.
Par une série de paliers successifs, toutes les représentations s'affirment comme des tentatives de muer l'absence en présence. Inévitablement des décalages et des ruptures se produisent, même si la démarche engagée est graduelle. La résistance de ces femmes du théâtre aux ordres établis leur confère un statut qu'elles n'entendent pas perdre. Dans leurs spectacles, où la question de l'intimité est assez présente, même si elle est abordée de manière allusive, la gestuelle s'avère moins asexuée que dans le théâtre des années soixante-dix ou précédentes et la langue se voit plus libérée et moins corsetée par le tabou. On y parle plus aisément du couple, de la violence des relations, des amours meurtries, des blessures intériorisées, de la solitude, des folies silencieuses, de la ségrégation qui existe entre l'homme et de la femme, du corps également.
Comme on le constate dans ce besoin de s'affirmer et d'affermir son rang et son rôle, la femme de théâtre s'ancre plus et mieux dans son environnement, par opposition aux rhétoriques du transfert des devanciers. Les nouvelles compagnes de route, issues des jeunes générations, sont mieux disposées à changer de registre d'approche. Avant d'être des porteuses d'un théâtre d'utilité communautaire, elles sont d'abord porteuses d'images de vie en mouvement, d'images furtives, d'images qui se déclinent en séquences d'amour, de lutte pour l'égalité des chances. Elles sont convoyeuses de désirs qui bougent, qui prennent vie, reprennent espoir, nous incitent si possible à partager ses points de liaison qu'elles rendent possible grâce à leur présence.
La quête de soi revêt alors d'autres significations et une autre symbolique théâtrale. Leur théâtre, cousu assez souvent à l'humour noir, se loge dans l'espace intime, infime, l'espace de l'humain. Ce sont elles qui vont oser aborder le mieux les expressions du corps face à des traditions éculées qui, souvent, ligotent aussi bien la femme que l'homme. Plus que cela, la femme artiste va dans la quête d'une constellation d'interrogations où se rencontrent l'individuel et le collectif, le particulier et l'universel, l'intime et le public.
Pour certaines d'entre elles, être artiste algérienne, c'est avant tout être artiste à sources multiples, où la transversalité esthétique n'est pas un vain mot. Où la fusion constitue le meilleur moyen pour se ressourcer. La femme de théâtre s'empare des sujets sociaux pour dire, avec sa sensibilité, ce qui la préoccupe en tant que citoyenne mais aussi pour souligner les télescopages entre rêve et dureté de la vie. Sa vie. S'éloignant progressivement du dogme, elle opte pour un théâtre coup de gueule ouvert à l'esthétique mais aussi catalyseur des tensions.
Le théâtre féminin (écrit, monté et interprété par les femmes) serait-il plus contestataire que les autres formes d'expressions artistiques ? Se construit-il par des voies multiples inscrites dans une nouvelle écriture théâtrale ? Tout porte à le croire, même s'il est difficile de généraliser.


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