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Oran : La chasse aux migrants continue
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Publié dans El Watan le 27 - 01 - 2012

Il y a quelques semaines, cinq migrantes subsahariennes ont été reconduites à la frontière en faisant le choix de laisser leurs enfants à Oran. Cette semaine, une autre mère et son nouveau-né risquent d'être renvoyés à Tinzaouatine. Rencontre avec ces exilés qui mènent, bon gré mal gré, une vie de Subsaharien à Oran.
«On nous disait souvent : avant de vous demander ce que le pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour lui. Si on étudie, c'est bien pour servir notre pays ! Mais que voulez-vous faire lorsqu'il est impossible de travailler ? Qu'on me donne un emploi, je resterai chez moi !» Sa carrure est aussi impressionnante que l'acuité de son discours. Diplômé en droit des affaires et ancien boxeur, Henri*, un Camerounais d'une trentaine d'années, erre dans les dédales des rues oranaises. Ils sont des centaines de Subsahariens à vivre dans la deuxième ville du pays, en totale autarcie, repliés sur eux-mêmes.
En décembre dernier, cinq Subsahariennes avaient été refoulées vers les frontières algériennes. Elles avaient choisi d'épargner le long trajet et l'avenir incertain à leurs enfants en bas âge. Après une séparation difficile, elles avaient laissé ces derniers auprès de leur père et membres de leur communauté. Au bout d'un périple éprouvant de plusieurs jours, elles ont été abandonnées à Tinzaouatine. Brimades, insultes ou encore racket font partie de leur quotidien. Les plus chanceux parviennent à trouver un petit appartement, pourvu qu'ils acceptent de payer le double du prix du marché. Petit cocon qu'on finit souvent par violer, perquisitions obligent. D'autres, par la force des choses, se regroupent en petits ghettos aux abords des grandes villes.
Les plus démunis vivotent à la belle étoile. Leur vie est ponctuée d'allers-retours vers les frontières. Si certains de ces voyages leur sont nécessaires afin de s'approvisionner en produits de leur pays, d'autres leur sont imposés, déchirants et inhumains.
Chômeur diplômé
«Une année d'études, dans mon pays, est un sacrifice. Cela veut dire que la famille ne mange plus, raconte le colosse, rencontré dans un petit ghetto dans la banlieue oranaise. La famille supporte cette charge-là dans l'espoir de se voir demain renvoyer l'ascenseur.» Une conscience politique accrue et un franc-parler déroutant le distinguent des autres étudiants. «Ça m'a fait mal de voir mon pays partir à la dérive. J'ai constaté le manque de volonté politique de notre gouvernement», confie-t-il prudemment. La crise économique qui secoue le pays achève ses espoirs. Lorsqu'au bout de plusieurs années d'études et de privations, on plonge dans le désœuvrement, il est difficile d'affronter le regard des siens.
«Voilà où la famille en est à cause de moi, alors que je ne peux même pas aider mes frangins. J'ai eu honte. J'ai préféré fuir le plus loin possible, en espérant qu'ailleurs, l'horizon serait plus dégagé.» Son périple le mène jusqu'à Alger, puis Oran. «Honnêtement, l'Algérie ne faisait pas partie de mon trajet, mais je me suis dit qu'il y avait peut-être une opportunité…» Des opportunités de travail. C'est ce que la plupart des migrants subsahariens cherchent en Algérie, comme ailleurs. Son flair lui souffle qu'un salon de coiffure ou un restaurant de spécialités africaines serait prospère en Algérie.
«La main-d'œuvre est là et la communauté en a besoin. Mais nous ne savons même pas si on en a le droit, se demande-t-il. Et si c'est le cas, serions-nous en sécurité ? Il y en a bien en Europe, pourquoi pas en Algérie ?» Une opportunité, c'est aussi ce que recherche Chantal, Camerounaise d'origine, épouse d'un Malien. «Je vis en important des aliments et des produits africains tels que le poisson fumé, les postiches ou les boubous», confie-t-elle en montrant des épices, des graines, des racines, etc.
Cailloux
Elle les revend ensuite aux membres de sa communauté, à Oran. Le petit pécule qu'elle réussit parfois à mettre de côté revient à ses enfants, âgés de 6 et 8 ans, restés «au pays». La dame voile de pudeur le récit de sa vie. Elle est l'aînée d'une famille pauvre et a toujours travaillé dur afin de venir en aide à sa famille. «J'étais comme l'homme de la maison», raconte-t-elle. Son regard fuyant trahit une émotion vive. Elle poursuit son récit sans qu'aucune note dans sa voix ne la trahisse. Elle vit, avec son mari, dans une petite pièce qui leur revient à 10 000 DA par mois. Une toute petite pièce, «si mes enfants arrivaient, on ne pourrait plus vivre dedans», précise-t-elle.
Puis l'émotion cède la place à l'anxiété alors qu'elle aborde un quotidien éprouvant. «Il arrive qu'on nous jette des cailloux. Une fois, on a arrosé mon mari avec de l'eau depuis une voiture, s'indigne-t-elle. Ils riaient, ils trouvaient ça drôle !» La discrimination, ils y font tous face à un moment donné. «On refuse de nous servir dans certains restaurants, ou alors, vous ne pouvez pas vous attabler ! raconte, pour sa part, un jeune père. Pour éviter les jets de pierre, il prend le soin de marcher près des voitures «parce que personne ne prend le risque de casser une vitre». Les agressions, fréquentes, se terminent souvent par un dépouillement. Habits, ceinture, baskets ou même passeport… Tout y passe. Pire, plusieurs Subsahariens dénoncent les crachats. «Vous avez ramené le sida avec vous», nous accusent aussi les Algériens.
Les riverains ne sont pas les seuls à mener la vie dure aux Subsahariens. Leur plus grande préoccupation reste les agents des forces de l'ordre. «Il est arrivé que des policiers mettent des points d'interrogation sur nos passeport, lorsqu'ils ne les déchirent pas ou ne les glissent pas simplement dans leur poche», témoigne le jeune homme. «En cas d'agression, on ne peut même pas aller à un commissariat, sous peine de se retrouver dans un camion à bestiaux, y compris si vous êtes blessé», précise Henri, l'ancien boxeur, en racontant un mauvais souvenir. Déporté d'Alger avec un plâtre rudimentaire autour de la jambe après une agression, il était arrivé au Mali avec une gangrène. «Il arrive qu'on subisse des fouilles au corps, et s'ils trouvent de l'argent, surtout des euros, ils vous disent qu'ils doivent l'expertiser pour vérifier si ce ne sont pas des faux billets, en sachant pertinemment que ça n'en est pas, raconte-t-il.
Passeport déchiré
Lorsqu'on vous présente votre réquisitoire, vous pouvez entendre détention de kif, alors que vous n'en aviez pas sur vous. Alors, vous abandonnez argent ou tout autre objet de valeur convoité pour éviter les problèmes.» Marc, un autre père de famille plus âgé, confie s'être fait agresser cinq fois et confirme des dépassements graves des forces de l'ordre. «Mes amis m'ont raconté qu'il leur arrive souvent que des policiers leur demandent de l'argent contre leur passeport, sinon, ils les déchirent sous leurs yeux.» Qu'on ait des papiers en règle ou pas. Des accords entre l'Algérie et le Mali ont facilité l'obtention de cartes de séjour en Algérie. Le passeport malien est devenu un précieux sésame et de faux passeports se confondent aux authentiques. Conscient des cas de falsification, les agents des forces de l'ordre se montrent très stricts sur la question.
«Il y a bien des Franco-Algériens, pourquoi n'accepte-t-on pas qu'on puisse être Camero-Malien ?» s'interroge-t-il. Son épouse a été éconduite aux frontières il y a plusieurs semaines. «Elle m'appelle en pleurant, mais je me sens impuissant.» Lui-même a vécu l'expérience et connaît très bien la rudesse de la nuit saharienne et la violence des vents de sable. Mais plus que la vie à Tinzaouatine, il dénonce les conditions de transport dégradantes. Dans un camion à bestiaux, hommes et femmes sont entassés pour un périple de plusieurs heures. «Mon épouse m'a raconté qu'elle devait uriner devant tout le monde. De telles pratiques gâtent l'image d'un pays», finit-il par lâcher.
Marc se retrouve aujourd'hui seul pour prendre soin de son enfant en bas âge et a dû apprendre à donner le biberon ou changer les couches. «J'ai conscience, maintenant, de la place de la femme», reconnaît-il. Le père d'un petit bonhomme de quelques mois a eu moins de chance. Après la médiatisation du refoulement de son épouse à Tinzaouatine, il a été chassé de l'appartement qu'il occupait par le propriétaire inquiet des conséquences de l'histoire. Il a passé deux nuits dehors, défiant le froid hivernal avec son jeune enfant avant de trouver un refuge précaire.
Préjugés
Parmi les personnes que nous avons rencontrées, plusieurs témoignent avoir fait plusieurs séjours dans d'autres pays du Maghreb dont la Tunisie ou le Maroc. Et tous s'accordent à dire que la vie y est plus simple, mais qu'il y a moins d'opportunités de travail, particulièrement parce que le marché des produits et aliments africains y est plus réduit. Un artiste fabrique des statuettes africaines représentant le corps féminin mais peine à les vendre en Algérie, car «c'est péché». Il s'est donc rabattu sur l'importation de denrées alimentaires. Un père de famille explique cependant que la situation s'est un peu améliorée comparée à il y a quelques années.
«Aujourd'hui, on a au moins la possibilité de louer un appartement.» Mais si ce dernier est optimiste et considère que la situation évoluera un jour, la plupart n'y croit plus. «C'est une question de mentalité», concluent-ils. Et tous - pères de famille ou célibataires, hommes ou femmes, jeunes ou moins jeunes - souhaitent «partir». Changer de destination. Mais si rentrer au pays n'est pas envisageable, la nostalgie est palpable. «Pas une journée ne passe sans que je pense à rentrer chez moi, avoue un Camerounais, pas une seule nuit sans que j'essaie de me rappeler à quoi ressemblait le manguier qu'il y avait chez moi. Il y a beaucoup de fruits chez moi…»
Malgré la brutalité de son quotidien, il n'envisage pas un seul instant de rentrer. «Parfois, je me paye le luxe de prendre un cappuccino dans un café, chose qu'on ne voit qu'à la télévision, chez moi», un plaisir inaccessible au Cameroun, tant la vie y est chère et les salaires misérables. Pire qu'ici. Même si le quotidien les confronte souvent à des situations aberrantes. Un médecin exerçant dans un cabinet privé a ainsi refusé de soigner le jeune enfant d'un Tchadien, malade, et sa femme, pourtant enceinte, a été refoulée aux frontières. «Je plains les Algériens qui voient les Noirs africains comme des arriérés, finit par lâcher le boxeur camerounais, car l'ignorance c'est la plus grande tare qu'une société puisse avoir…»
*Pour des raisons de sécurité, les prénoms de nos interlocuteurs ont été changés.


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