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Algérie-Syrie : Les vestiges du «rêve arabe»
Economie
Publié dans El Watan le 10 - 02 - 2012

Une longue histoire commune, une nostalgie du «rêve arabe», une appréhension de l'effet miroir ou le refus de l'ingérence : est-ce suffisant pour expliquer la position d'Alger vis-à-vis de la crise syrienne ? Que révèlent les similitudes entre ces deux pôles arabes à la lumière du chaos actuel ?
«Il y a une partie de nous qui est en Syrie». Une boutade ? Pas pour Kamal Bouchama, ancien ambassadeur algérien à Damas, qui connaît la Syrie depuis sa jeunesse. Alors que Mourad Medelci se rendra dimanche au Caire pour participer à la réunion extraordinaire du Conseil de la Ligue arabe, consacrée à l'examen des développements de la situation en Syrie, El Watan Week-end a cherché à comprendre la position d'Alger. Car ses relations avec Damas ne sont pas celles qu'elle entretenait avec Tunis, Le Caire ou Tripoli…
Une histoire commune
«Nous avons avec la Syrie une très longue histoire commune que je raconte dans mon livre Les Algériens de Bilâd Es Shâm, de Sidi Boumediène à l'Emir Abdelkader (1187-1911)*, poursuit Kamal Bouchama. Je rappelle dans mon travail que les paysans algériens installés à Kafr Es Sabt ont participé à la bataille de Hattin face aux Croisés en 1187 !» Depuis le XIIe siècle – à l'époque les pèlerins qui se rendaient à La Mecque et à Jérusalem se fixaient dans la région sur le chemin du retour – les émigrations ont été continues. On trouve par exemple des Algériens parmi les fidèles de la doctrine druze (développée par l'empire fatimide fondée par la tribu berbère des Kotama) qui se sont installés dans les montagnes du Liban, au nord de l'actuelle Palestine et dans le Golan. Avec les troupes françaises pendant la Première Guerre mondiale, d'autres Algériens, dont des tirailleurs, s'implantent dans la région.
«N'oublions pas l'installation de l'Emir Abdelkader à Damas, ajoute Kamal Bouchama. Ce grand homme d'Etat et de savoir a repoussé l'invasion française de la Syrie de 60 ans !» Selon les archives françaises, il y avait 2000 Algériens à Damas et 13 000 dans ce qui deviendra la Palestine historique, à la fin du XIXe siècle. «Quand, en 1854, l'Emir Abdelkader émigre en Syrie, 8500 hommes le suivent. Ces Algériens vont s'installer le long de l'axe qui va de Damas à Haïfa. Ils vont s'établir sur le plateau du Golan et autour du lac de Tibériade, en Galilée, explique Slimane Zeghidour, qui travaille depuis longtemps sur les Algériens d'Orient. Et c'est le petit-fils de l'Emir, Saïd Abdelkader, qui va lire la déclaration d'indépendance à Damas en 1918 et sera le Premier ministre du roi Fayçal !»
De nombreux compagnons du résistant El Mokrani, sur le chemin de l'exil vers la Nouvelle-Calédonie, se sont également installés en Syrie à la fin du XIXe siècle. «Rappelons aussi l'épopée de l'Algérien exilé, Cheikh Benyellès, arrêté par le colonisateur français en 1920 et libéré sous la pression de grandes manifestations des nationalistes syriens à Damas», ajoute Bouchama. Ces émigrations ont enraciné la communauté algérienne dans cette région au point que de hauts responsables militaires et politiques d'origine algérienne ont marqué l'histoire de la Syrie. «Si l'Algérie avait réfléchi à investir dans cette incroyable et importante communauté en Syrie, nous aurions eu un formidable lobby couvrant tout le Moyen-Orient», regrette l'ex-ministre et ancien ambassadeur, Abdelaziz Rahabi.
Les liens entre les deux pays, marqués par les luttes communes contre le colonialisme français, avec ses figures comme l'Emir Abdelkader ou l'Emir Khaled notamment, se consolideront durant la guerre de Libération. De nombreux Syriens, dont des médecins, se sont ainsi engagés aux côtés des Algériens pendant la Révolution. Parmi les plus illustres : l'ancien président Noureddine Al Atassi, renversé par Hafedh Al Assad, qui a donné son nom… à l'hôpital de Bologhine, rebaptisé depuis. Al Atassi avait participé à la Révolution, au maquis, en particulier à la frontière algéro-tunisienne, puis était resté à Alger pendant les premières années de l'indépendance avant de retourner dans son pays.
Après le coup d'Etat de 1970, il sera jeté en prison et à sa libération, malade, il rejoindra finalement l'Algérie, où il décédera en 1992. Il ne sera pas le seul à fuir les geôles d'Al Assad père, à l'instar de l'ancien ministre des Affaires étrangères, le docteur Brahim Makhous, qui s'était engagé comme médecin auprès de l'ALN. «Ce qui était marquant, c'est que les nationalistes syriens qui nous ont tant aidés durant la guerre de Libération ont dû fuir Al Assad et revenir en Algérie. Al Assad a persécuté ceux-là mêmes qui avait soutenu la Révolution algérienne», relève Abdelaziz Rahabi. D'autres exilés se réfugieront plus tard en Algérie, surtout des gauchistes, après la féroce répression en 1982 et le massacre de Hamma.
Une proximité idéologique
C'est sans doute sur l'idéologie – et la façon dont cette idéologie a structuré les systèmes syrien et algérien – que les deux pays partagent le plus de points communs. Cette proximité porte un nom : Djabhat assoumoud wa t'assaddi. «Nous sommes le 5 décembre 1977. Après la visite de Sadate à Jérusalem en novembre, l'Algérie, la Syrie, l'Irak, la Libye, le Yémen du Sud et l'OLP se rassemblent pour former le «front de la fermeté», décidés à se battre jusqu'au bout pour la cause arabe, et gèlent leurs relations avec l'Egypte», raconte Slimane Zeghidour. «Ces pays refusaient toute solution négociée avec Israël, contrairement à la ligne de l'Egyptien Sadate. C'est le moment le pus fort des relations entre Alger et Damas. La confiance était telle que le grand diplomate algérien Lakhdar Brahimi a été secrètement chargé de rétablir les relations entre l'OLP et la Syrie», relate Abdelaziz Rahabi qui précise que, à l'époque, «le dossier syrien était géré, non pas par le MAE, Abdelaziz Bouteflika, mais par un des conseillers du président Houari Boumediene, le Dr Ahmed Taleb-Ibrahimi».
«Et aujourd'hui encore, l'Algérie reste cohérente avec son passé, exemplaire dans sa ligne, fondée sur le principe du nationalisme arabe, constate Richard Labevière, consultant international expert du Proche et Moyen-Orient. Toute proportion gardée, elle demeure, avec la Chine et la Russie, opposée à l'ingérence.» Pourtant, en coulisses, Alger et Damas n'ont pas toujours joué le même rôle sur la question arabe centrale : la question palestinienne. «La Syrie n'a pas tiré une seule balle contre Israël depuis 1973 et a divisé les factions, contrairement à l'Algérie qui soutenait sans calcul la cause palestinienne – Boumediene déboursa en 1973 d'un coup 200 millions de dollars pour soutenir les Palestiniens», rappelle Rahabi.
«Et durant la guerre civile libanaise (1975-1990), les Algériens, qui voulaient jouer un rôle de modérateur entre les différentes factions, faisaient discrètement face au jeu malsain des services syriens qui profitaient des hostilités entre les parties pour en tirer des dividendes tactiques, et parfois même pécuniaires», explique un proche des services spéciaux algériens. «Idem pour le camouflet que leur ont infligé les Algériens – à leur corps défendant ! – en accueillant, en 1988, le Conseil national palestinien, lequel proclama à Alger la naissance de l'Etat de Palestine (dans les frontières de juin 1967), d'où la fureur de Damas, alors partisan d'un Etat sur toute la Palestine historique», rappelle Slimane Zeghidour. D'autres divergences n'ont pas eu raison des relations entre Damas et Alger.
Abdelaziz Rahabi rappelle, par exemple, la «brouille» de 1989, suite aux accords de Taef qui ont mis fin à la guerre civile au Liban. «Des accords dans lesquels l'Algérie, à travers le MAE de l'époque, Sid Ahmed Ghozali, et surtout Lakhdar Brahimi, a beaucoup investi. Mais ces accords, en stipulant que l'Etat libanais étend sa souveraineté sur l'ensemble de son territoire, ont été perçus par Damas comme une atteinte à son influence au Liban. C'était la fin en fait de leur mainmise sur ce pays, d'où l'inimité de Damas pour Lakhdar Brahimi, devenu ensuite ministre des Affaires étrangères ! La Syrie a même orchestré une campagne contre Lakhdar Brahimi, en instrumentalisant même des responsables algériens !», se souvient l'ancien ministre Rahabi.
Que dire encore de l'absence des Syriens pendant la décennie noire ? «Il faut juste rappeler que durant la crise sécuritaire des années 1990, Damas n'a jamais condamné le terrorisme qui sévissait en Algérie. Seuls la Jordanie, l'Egypte et la Tunisie l'ont condamné. De plus, la Syrie fermait les yeux, à l'époque, sur le transit de jeunes Algériens qui revenait des camps d'entraînement en Afghanistan et du Sud Liban», indique Rahabi. Enfin, la position de Damas sur la question du Polisario reste équivoque : les cartes officielles en Syrie ne reconnaissent pas la RASD. «Au début, les Syriens n'ont reconnu la République sahraouie que pour gêner le roi Hassan II, allié de l'Egypte de Sadate, mais après, jamais la Syrie ne s'est clairement positionnée sur cette question», note une source proche du gouvernement.
Des systèmes qui se ressemblent
«Je ne crois pas que l'on puisse parler d'histoire d'amour entre les deux pays, résume Slimane Zeghidour. Ce qui les rapproche, ce sont les similitudes de leurs systèmes. Car le régime algérien est celui qui ressemble le plus au régime syrien : tous les deux ont connu un passé socialisant modernisant, pro-soviétique avec étatisation de l'économie et corruption distributive, parti unique extrêmement ramifié, armée hyper-politisée et police politique. Or, quand un pays qui vous ressemble prend un coup, cela vous renvoie l'image que vous aussi vous êtes mortel…» L'Algérie et la Syrie sont les deux seuls pays arabes à avoir signé un «partenariat stratégique» avec Moscou. Une façon de dire qu'ils en sont les deux plus gros acheteurs d'armes.
«En fait, nos dirigeants n'ont tiré aucune leçon des expériences tunisienne, égyptienne et libyenne, et ils adoptent la même attitude face à la situation en Syrie, car à chaque fois, ils prêtent des capacités de résistance et d'adaptation aux régimes sur place qui s'avèrent complètement illusoires, relève Rahabi. Le problème est que nous donnons, avec cette attitude, le sentiment que nous ne sommes pas aux côtés des peuples révoltés. Ce n'est pas parce que ces révolutions sont soutenues par des médias ou des puissances étrangères qu'elles ne sont pas sincères. Encore une fois, l'anthropologie coloniale nous sert de grille de lecture, c'est notre miroir malheureusement. Nous respectons les peuples qui nous ont soutenus durant notre guerre de Libération, mais que penseront de nous les peuples qu'on n'a pas soutenus dans ce printemps arabe ?»
Et l'ancien ministre de poursuivre : «La réalité syrienne n'est pas perçue de la même manière chez les dirigeants politiques et chez la société. Pour les politiques, on est toujours dans la Syrie du «Front de la fermeté» d'il y a trente ans, alors que pour la société, l'image était surtout celle des séries télévisées ! Mais aujourd'hui, on voit bien que la société est plus sensible à la Syrie qui manifeste son désir de construire un nouveau pays, alors que nos dirigeants sont encore dans la Syrie de Hafedh Al Assad !». Kamal Bouchama va plus loin. «Le temps du «front de la fermeté» est dépassé. Les leaders qui présidaient à ce conglomérat arabe ne sont plus. Aujourd'hui nous somme face à un nouveau monde arabe, né de l'éclatement des deux blocs de la guerre froide et de l'effritement du tiers-mondisme. Les pays arabes progressistes n'ont plus de parrain.» Il ne reste que la nostalgie d'une certaine gloire passée, du fameux «rêve arabe».
La Syrie reste la Grèce de la civilisation arabe, la matrice culturelle, le creuset du nationalisme. «Un modèle de l'Etat-nation arabe dont la construction s'est faite avec l'apport idéologique et politique du Baath – une des sources du nationalisme algérien», rappelle Richard Labevière. «Il ne faut pas oublier que c'est à partir de Damas que les Arabes ont construit leur empire ! Comme disait Nasser, Damas est le cœur battant de l'arabité, souligne Slimane Zeghidour. Tout cela joue, à la banlieue de l'inconscient…» Pour autant, on aurait tort de sous-estimer le poids de la realpolitik. «Si Damas tombe dans le chaos, c'est le dernier socle du Proche-Orient qui tombe. Il n'y aura plus de repères. Face à Israël aujourd'hui, la Syrie est le dernier pays à maintenir un minimum d'honneur arabe. Si cette digue saute, Israël aura les coudées franches pour dicter sa loi au monde arabe», analyse Slimane Zeghidour. Et ça, Alger le sait.
«C'est un des paradigmes de tout ce Printemps arabe. Le «Front de la fermeté» qui coupait le monde arabe en deux avec d'un côté les laquais de l'impérialisme – Emirats arabes, Arabie Saoudite, Qatar, Bahreïn, Koweït…– et le socle progressiste – Syrie, Libye, Egypte, Algérie – n'existe plus. De cette vieille avant-garde moderniste, il ne reste plus que la Syrie, à feu et à sang, et l'Algérie. Aujourd'hui, ce sont les anciens laquais de l'impérialisme qui n'ont ni Constitution, ni société civile, ni association professionnelle, qui donnent le la et disent aux autres d'organiser des élections, faire des réformes, etc.» Pour Richard Labevière, si ces mêmes monarchies, alliées politiques et économiques de l'hyper-puissance américaine, ont aujourd'hui le vent en poupe, c'est parce qu'elles incarnent des modèles de la mondialisation néolibérale, moteur des nouvelles relations internationales. «Un rouleau compresseur pour les pays ayant une conception politique forte de l'Etat-nation, note-t-il. Comme l'Algérie et la Syrie, qui, du coup, font figurent d'«anachronismes» sur la scène internationale…»
* Editions Juba.


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