Pour expliquer la situation anarchique en matière de permanence des commerces essentiels durant les fêtes, artisans, commerçants et officiels évoquent un vide juridique. Selon eux, une loi devrait être élaborée pour régler définitivement cette question qui empoisonne la vie des citoyens. Malgré les instructions données par le ministère du Commerce aux responsables locaux pour «obliger» les commerçants à ouvrir les jours de l'Aïd, le résultat n'est pas à la hauteur de «l'engagement» pris par le département de M. Benbada ni des appels lancés par les représentants des commerçants. Artisans et commerçants évoquent des motifs liés au vide juridique, laissant l'activité évoluer dans l'anarchie : «Nous venons tout juste de sortir d'une période de transition. Nous avons subi plusieurs mutations et chaque créneau tente de s'organiser et de s'adapter au marché.» Certains créneaux commerciaux commencent à s'organiser et à assurer des permanences comme les boulangers, mais nous sommes encore loin des standards internationaux et nous ne pouvons même pas prétendre à une comparaison avec l'organisation chez nos voisins tunisiens ou marocains», explique un boulanger installé à Alger-Centre. L'organisation des différentes activités commerciales manque «cruellement» de dispositions juridiques, pour les aspects liés à la permanence et aux réquisitions du personnel durant les fêtes. Les effectifs employés quittent souvent leur poste, à l'issue d'un accord verbal de leur patron, et vu le manque criant de main-d'œuvre qualifiée dans certains créneaux, une rupture totale de certains services est ressentie les jours de fête. Les restaurants, les boulangeries, les cafétérias et autres demeurent fermés plusieurs jours après les fêtes religieuses et les consommateurs qui se retrouvent privés des services habituels et contraints de rechercher un autre plan pour se faire servir. «Je n'ai entre les mains aucun texte de loi me permettant de réquisitionner le personnel. Certes humainement, un patron ne peut empêcher un travailleur de passer les fêtes religieuses chez lui, mais l'entreprise se trouve pénalisée du fait que les absences se prolongent parfois à plusieurs jours après l'Aïd. La plupart des gérants s'entendent au préalable avec leur personnel et dégagent un plan d'organisation des absences de façon à permettre à tout le monde de profiter des moments de fête et d'assurer la présence de quelques éléments pour assurer le service. Mais ce procédé ne repose que sur la bonne volonté du patron et de son personnel et n'obéit à aucune mesure définie par la loi», explique le responsable d'un fast-food, à Alger. Des employés interrogés estiment que ce consentement repose aussi sur l'intérêt glané en ouvrant les jours de fête. Le chiffre d'affaires est-il intéressant ? Si oui, les patrons se montrent prêts à mettre la main à la poche pour convaincre leurs employés à rester en proposant une compensation matérielle ; parfois, ils ont recours à un personnel intérimaire, mais ce procédé est adapté si l'activité est vraiment lucrative, explique un employé de restaurant. Dans certains cas, c'est le gérant lui-même qui accorde un congé durant les fêtes, vu que son local est situé dans un endroit désert à cette période. L'Union générale des commerçants et artisans évoque, elle aussi, l'attitude de certains directeurs locaux du commerce dans la confection des listes de permanence. Selon M. Boulenouar, porte-parole de l'UGCAA, des commerçants se sont plaints de listes confectionnées arbitrairement : «Certains responsables n'ont pas pris en compte le fait que le gérant ou les travailleurs ne sont pas originaires de la wilaya où ils activent, ils sont mentionnés parmi ceux retenus pour la permanence de l'Aïd, alors que d'autres, disponibles et disposant des moyens humains et matériels pour assurer la permanence, n'ont pas été sollicités.» Les distributeurs font aussi la loi L'UGCAA plaide, dans ce sens, pour la révision du système de confection des listes qui devraient être établies bien avant les fêtes pour permettre aux gérants de prendre leurs dispositions. La fermeture durant l'Aïd obéit parfois à la dictature des réseaux de distribution. Cette situation est vécue notamment par les commerçants en fruits et légumes, poissons et produits laitiers qui dépendent de la disponibilité des produits livrés. «Même si un détaillant de fruits et légumes consent à ouvrir le jour de l'Aïd, il se retrouve pénalisé par l'indisponibilité des produits auprès des marchés de gros où l'activité dépend, elle aussi, des mandataires et autres intermédiaires qui ne sont pas disponibles les jours de l'Aïd.» Selon les représentants des commerçants, seul un texte de loi fixant clairement les mécanismes du service public, en définissant les droits des travailleurs, peut rendre la permanence possible. «Autrement, le service public continuera d'être tributaire des calculs des commerçants et de leur personnel», conclut M. Boulenouar.