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désillusion de la jeunesse kasserinoise
La chute du régime Ben Ali avait engendré beaucoup d'espoir
Publié dans El Watan le 01 - 11 - 2012

A Kasserine, dix-huit mois après la chute du régime Ben Ali, l'heure est au désenchantement. Le gouvernement en est conscient,
mais semble jusqu'ici impuissant.
Le manque de perspectives est criant dans la ville de Kasserine, à 50 kilomètres de la frontière algérienne. Le soulèvement des Kasserinois a pourtant constitué le tournant de la révolution du 14 janvier 2011. La Garde nationale tunisienne laisse faire la contrebande sur la route de Kasserine. Les contrebandiers ont pignon sur rue. Les vendeurs d'essence algérienne sont devenus plus nombreux que les «méchouas», ces troquets où des carcasses de mouton font office d'enseigne. Le carburant vient d'Algérie. La frontière n'est qu'à une cinquantaine de kilomètres, juste derrière le mont Chaâmbi, le pic le plus élevé du pays (1544 m). Les voitures de la Garde nationale ne bronchent pas.
En Tunisie, l'économie grise représenterait 30% du PIB. Ici, elle frôlerait plutôt les 50%. Une soupape de sécurité, car la région est l'une des plus déshéritées du pays. Des terres arides où même les oliviers peinent à se plaire. Kasserine compte environ 100 000 habitants. Peu d'activités industrielles, à l'exception d'une usine de cellulose qui ne cesse de péricliter (1200 employés il y a dix ans, 400 aujourd'hui), une cimenterie à Fériana, quatre unités de sous-traitance pour Benetton (environ 350 ouvriers), une briqueterie et quelques ateliers de confection et de menuiserie.
Le taux de chômage avoisine les 40%, soit le double de la moyenne nationale. Et ici comme ailleurs, il frappe surtout les jeunes diplômés. Kasserine exhibe fièrement deux instituts d'enseignement supérieur, tout en reconnaissant que ce sont des «fabriques de chômeurs». La ville dispose aussi d'un hôpital régional. Il est déliquescent. Pour se faire soigner, raconte Samir Rabhi, un enseignant militant des droits de l'homme, «il faut aller à Sfax, le centre hospitalo-universitaire le plus proche, à quelque 200 km. Tunis est à 270 km».
Kasserine se targue pourtant d'avoir un passé glorieux. Le gouvernorat représenterait le plus gros réservoir de ruines romaines du pays. Mais personne, ou presque, ne vient les visiter.En 1943, elle fut aussi le théâtre d'une fameuse bataille entre le maréchal nazi, Rommel, et les forces américaines. Kasserine s'enorgueillit surtout d'avoir été à l'avant-garde du soulèvement contre Ben Ali. A l'entrée de la ville, des graffitis en arabe et en anglais s'arrogent des droits d'auteur sur le Printemps arabe, proclamant fièrement «We are the révolution».
Après l'immolation de Mohamed Bouazizi dans la ville voisine de Sidi Bouzid, le 17 décembre 2010, le soulèvement de Kasserine a été «un catalyseur de la révolte», confirme Sadok Mahmoudi, membre du bureau régional du puissant syndicat UGTT. «L'incendie s'est répandu à Thala, puis à Kasserine. Le 8 janvier, la ville s'est embrasée. La répression a été féroce : vingt-et-un morts, âgés entre trois mois et 59 ans en trois jours. Ben Ali avait évalué le danger. Deux jours avant de fuir, il avait ordonné de bombarder la ville», raconte-t-il. Kasserine s'est toujours affichée comme un bastion de la contestation. «En 1984 déjà, la révolte du pain avait commencé ici», rappelle Samir Rabhi.
Ville frondeuse
La chute du régime Ben Ali n'a pas mis fin à la contestation. Il ne passe pas de semaine sans que les chômeurs bougent pour réclamer du travail. L'impatience grandit. La population ne se contente plus de promesses. Symboles de la portée du malaise populaire, les huées avec lesquelles les trois présidents (Marzouki, Jebali et Ben Jaâfar) ont été accueillis à Kasserine, lorsqu'ils étaient venus pour fêter l'anniversaire de la révolution. «Le président de la République avait même été contraint de quitter les lieux sans pouvoir prononcer son discours. La colère des manifestants était telle qu'il a été aussitôt exfiltré par son service d'ordre aux cris de ‘‘Dégage !''», raconte Mounir, un jeune de 27 ans, licencié en droit des affaires. Depuis, de pareils incidents ont caractérisé les rencontres entre les officiels et les représentants de la société civile. Dans la cité Ezzouhour (cité des Fleurs), un des quartiers les plus pauvres de Kasserine, la tension est toujours palpable.
«Rien n'a changé», constate Jamel, 27 ans, diplômé d'anglais et, bien sûr, sans emploi. Comme tout le monde, surtout pendant le mois de Ramadhan, Jamel passe son temps à dormir durant la journée et, après la rupture du jeûne, dans un des cafés bondés de la ville à jouer aux cartes et à fumer des cigarettes ou des joints venus d'Algérie. «On attend», dit-il.
Pour son ami Nizar, 24 ans, «la situation a même empiré. Les braquages se sont multipliés et même si la police connaît le voleur, elle n'agit pas. L'Etat est faible. Comment voulez-vous attirer des investisseurs dans un tel climat d'insécurité ?» A en croire Haïthem, la corruption demeure elle aussi endémique. «Le seul moyen de trouver du boulot, ce sont les chantiers», (un système d'emplois à durée déterminée dans la Fonction publique hérité de l'ère Ben Ali). Mais pour en bénéficier, «il faut avoir des relations ou payer un bakchich».
Pour Jamel, «les Nahdhaouis n'ont pas tenu leurs promesses. Nous les avons élus, mais nous pouvons aussi les destituer».
A Kasserine, dix-huit mois après la chute du régime Ben Ali, l'heure est au désenchantement. Le gouvernement en est conscient, mais semble jusqu'ici impuissant. «Les attentes sont énormes et les nerfs sont à vif», a reconnu, il y a quelques jours, le ministre des Affaires sociales, Khalil Zaouia. La situation économique «s'est notablement aggravée», confirme l'économiste Mahmoud Ben Romdhane, et les régions les plus pauvres sont les premières à en subir les conséquences. «Le nouveau pouvoir a hérité de l'ancien régime une déconnexion dramatique entre des structures de production fondées sur des emplois moyennement qualifiés et un système éducatif qui génère près de 70 000 diplômés chaque année», constate-t-il.
Chômage
Les statistiques officielles montrent que la reprise économique, annoncée avec l'avènement en décembre 2011 d'un gouvernement issu d'une Assemblée élue, n'a pas eu lieu. Le secteur touristique a certes respiré un peu cet été, mais c'est loin d'être l'apothéose. «Même nos voisins algériens ne reviennent pas massivement, surtout avec un Ramadhan en plein été», déplore Mounir, un restaurateur sur la route de la frontière algérienne. Officiellement, les entrées n'ont pas atteint les chiffres de 2010. «C'était pourtant une année de crise», rappelle Raouf Dakhlaoui, directeur d'hôtel à Hammamet. Cerise sur le gâteau, les exportations de produits manufacturés pâtissent déjà de la crise en Europe.
Depuis le 14 janvier 2011, soit en dix-huit mois, le nombre de chômeurs est passé de 500 000 à 800 000. Plus d'un tiers des jeunes diplômés sont aujourd'hui sans emploi. «Le pire, poursuit Ben Romdhane, est que les projets destinés au développement régional n'ont pas comporté des mesures d'urgence. La troïka gouvernante n'a même pas essayé d'envoyer un signal susceptible de redonner un peu d'espoir.»
Une absence de perspectives qui n'en finit pas d'inquiéter la plupart des observateurs. «Les islamistes ont connu la prison, la torture. C'est un CV qui mérite la compassion, mais qui ne les habilite pas à diriger le pays, estime un éminent représentant de la société civile. Distinguer les grèves légitimes des débrayages arbitraires, comme vient de le faire le porte-parole du gouvernement, c'est de la foutaise ! La vérité est que ces dirigeants n'ont aucune vision économique, ils brillent par leur incompétence. Vous connaissez un pays où l'on démet le gouverneur de la Banque centrale pour une incompatibilité d'humeur. La démission du ministre des Finances, Hassine Dimassi, est aussi un très mauvais signe. Imaginez qu'il accuse le gouvernement de manipuler les finances publiques à des fins électoralistes ! C'est surréaliste !»
«Avec la révolution, la petite bourgeoisie intellectuelle, qui s'en sortait déjà économiquement sous Ben Ali, a gagné la liberté de parole, mais la population du pays profond qui manquait de tout, elle, n'a rien gagné», souligne Sana Mahjoub, conseillère d'orientation universitaire.A Kasserine, Jamel, Nizar, Haïhem et les autres continuent à manger leur pain noir. Ils passent leurs journées à ne rien faire en rêvant tout haut d'«une révolution non-stop».


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