En avril, le premier jour du mois continue. En promotion. Le projet de loi sur l'audiovisuel, qui vient d'être endossé par le gouvernement, est un texte «pré-octobrien». Il efface le 05 octobre 1988. Pour dupliquer le monopole de l'Etat sur l'industrie du son et de l'image. Le manque à gagner est autant démocratique que socio-économique. Il n'y aura pas de vrai développement des métiers liés à la production radio et télévisuels, faute de grands émetteurs. Le projet de loi est un missile anti-Rebrab, anti-Haddad, anti-Mehri et anti-Rahim. C'est-à-dire une barrière pour se « protéger» des puissants investisseurs, qui ont laissé entrevoir des velléités de venir dans le secteur de l'audiovisuel occuper une position. Deux dispositions verrouillent. L'une bloque la part de l'actionnaire à 30% dans toute société de l'émission audio-visuelle. L'autre attribue la majorité de l'actionnariat aux professionnels. Ce qui pourrait laisser croire que le projet de loi protège les acteurs professionnels de la mainmise du capital. En fait pas du tout. Car les niveaux de capitalisation nécessaires pour lancer un média audiovisuel sont hors de portée des journalistes de la radio et de la télévision actuels. Car, dernier détail, le projet de loi exige de l'expérience dans les métiers de l'audiovisuel aux promoteurs de ces sociétés. Les chaînes de télévision et les radios ne peuvent être que thématiques. Les promoteurs soumissionnent à un appel d'offres de l'Autorité de régulation. Qui définit les besoins des publics. Et mettent en concurrence les projets. Selon un cahier des charges très vert et rouge. 60% de programmes nationaux et 20% en doublage (télé). Le reste en sous-titré. L'ouverture de l'audiovisuel à l'algérienne, c'est un peu comme si on décidait de faire l'Open sky en mettant les lignes aériennes les moins rentables en appel d'offres. Et en n'acceptant que les projets des compagnies aériennes où les anciens personnels d'Air Algérie sont actionnaires majoritaires. En leur imposant que 60% de leur flotte aérienne ne soit ni du Boeing ni de l'Airbus. La démence du projet de loi actuel veut contrôler la publicité et les parrainages d'émissions sur les chaînes privées de radio et de télévision. Un article 120 du siècle d'après. L'Etat agit comme si le gisement d'emplois à haute qualification de l'industrie du son et de l'image, désormais connectée à la diffusion électronique, n'était pas un enjeu économique d'avenir. Il a fait vœu de provincialisme dans un domaine où l'exigence numérique accélère les mutations technologiques. Emploi, innovation, le gouvernement se détourne aussi du gisement fiscal. 200 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le hertzien de l'audiovisuel français, en croissance partout dans le monde. Time Warner a produit pour 7 milliards de dollars en 2012. Avec ce bémol que le territoire de l'information et de la culture n'est pas assimilable aux autres domaines du business, y compris par l'OMC dans ses règles du libre-échange. L'exception culturelle a encore du sens en 2013. Il faut donc réguler pour ne pas faire disparaître le cinéma italien et consacrer partout la série américaine. La régulation succède le plus souvent à une hécatombe des règles. Qui cèdent au marché plus que la prospérité des acteurs et du grand public ne l'exige. En Algérie, face au monopole, l'heure est plutôt à la dérégulation dans l'industrie de l'audiovisuel. Le projet de loi sur le secteur fera fuir les investisseurs. Pour consacrer le bricolage parapublic. Dans le but de maintenir un contrôle politique factice sur l'opinion des Algériens. Le poids des images algériennes dans la région est dérisoire. Les premiers médias maghrébins sont tunisiens (Nesma) ou marocains (Medi 1tv), les Algériens sont de plus en plus privés des grands événements sportifs mondiaux que leur petite télévision nationale n'arrive pas à acheter. Ils ont été inondés par les networks égyptiens lors de la méga-crise de novembre 2009. Cette faiblesse stratégique de la visibilité et de l'audibilité du «pathos» algérien va être perpétuée encore pendant de nombreuses années par les appels d'offres infructueux qui se préparent dans l'audiovisuel, comme ils se sont succédé des années durant sur le domaine minier pétro-gazier. A cause d'une loi anti-investissement. L'Algérie a un très grand retard dans l'industrie audiovisuelle. Une manière habile de lancer le rattrapage. Amener à Alger le siège de la future chaîne Al Jazira en français. Une affaire gagnant-gagnant pour les deux parties. Pour le reste, la création des chaînes et des radios devrait être déclarative. Le spectre des fréquences consacrées à la télédiffusion devrait être élargi. Pour en réduire la contrainte sécuritaire, qui, comme dans tous les dossiers, soumet le pays au régime du feu vert militaire lorsque le feu présidentiel n'est même pas vert.