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Maud Chirio. Historienne spécialiste du Brésil : «Le pouvoir a sous-estimé l'urgence d'un Etat social»
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Publié dans El Watan le 11 - 07 - 2013

Le géant sud-américain est saisi par une révolte sociale révélatrice des limites du système. Le gouvernement de Dilma Rousseff, héritière de Lula, fait face à une contestation populaire portée par des mouvements allant de l'extrême gauche à la droite.
«Ce malaise social exacerbe un mécontentement de fond à l'égard de la classe politique», analyse Maud Chirio, maître de conférences
à l'université Paris-Est (Marne-la-Vallée).
-Le Brésil est en proie à une révolte sociale grandissante depuis quelque temps maintenant. Quels sont les facteurs déclencheurs de cette fronde sociale, alors que le pays a réussi des performances économiques ?
La croissance économique s'est sensiblement ralentie ces dernières années. Le Brésil a souffert de la crise de 2008, moins qu'ailleurs, mais de manière plus durable qu'on ne l'avait imaginé juste après. Le PIB progresse peu (+0,9% en 2012) ces dernières années. Après la prospérité des années 2000 qui avait permis à Lula de contribuer à une distribution plus équitable des richesses, réduisant la pauvreté et accroissant les classes moyennes sans mécontenter les plus riches, le changement de conjoncture est durement ressenti.
De plus, l'inflation, notamment dans l'immobilier des grandes villes et les services d'intérêt général, est nettement supérieure à l'évolution des salaires, et cela accroît le sentiment d'une «fin de l'âge d'or». Les manifestations avaient d'ailleurs pour revendication première que cessent d'augmenter les prix des transports urbains. Pour les classes moyennes, qui ont pris des habitudes de consommation dans la dernière décennie, l'impression de s'appauvrir, ou du moins de ne plus s'enrichir, est générale.
Ce malaise social exacerbe un mécontentement de fond à l'égard de la classe politique, accusée de dilapider l'argent public dans des futilités telles que la construction de stades pour la Coupe du monde ou d'être corrompue alors que l'argent manque pour les principaux services publics, comme l'éducation et la santé. Voilà pourquoi le mouvement a des revendications aussi diverses que la fin de la hausse des prix, des écoles et des hôpitaux publics de qualité, le boycott de la Coupe du monde de football qui coûte trop cher, la lutte contre la corruption, la fin de la hausse des impôts..., sachant que tous les manifestants ne défendent pas les mêmes bannières. Il y a une aile gauche du mouvement, soudée autour de la question des services publics, et une aile droite dont le principal cheval de bataille est l'éradication de la corruption et la mise en difficulté de Dilma.
-Le pays est accablé par la corruption. Pourquoi, depuis Lula, le gouvernement n'arrive-t-il pas à enrayer ce fléau ?
Il est difficile d'évaluer le niveau réel de la corruption d'un pays. Cependant, il n'est pas besoin d'être grand clerc pour dire qu'au Brésil, elle est importante à tous les niveaux de l'Etat et de la société. Elle alimente un imaginaire politique «anticorruption» et parfois même «anticlasse politique» en général, très répandu dans la population. Ce n'est pas une nouveauté. Dans les années 1920 déjà, les principaux soulèvements qu'avait eu à affronter la République avaient pour objectif de «nettoyer» la démocratie du fléau de la corruption... Tout au long du XXe siècle, on a prétendu «passer le balai» dans la classe politique et l'appareil d'Etat, sans que personne parvienne à changer les choses. C'était aussi un point central du programme du PT dans les années 1980 et 1990 et c'est pour cela que de nombreux militants et électeurs se sont sentis trahis lorsqu'ont éclaté les grands scandales du premier mandat de Lula, en particulier le scandale du «mensalão», c'est-à-dire des «mensualités», des pots-de-vin payés à des députés en échange de leur vote.
Il y a plusieurs raisons à cette permanence des pratiques de corruption : un certain rapport au bien public dans les élites politiques et aussi un système politique de financement des partis et de fonctionnement du Parlement qui ne favorise pas toujours des comportements «propres». Par exemple, on ne peut pas comprendre le «mensalão» si l'on ne sait pas que le PT, censé diriger le pays, était alors très minoritaire au Parlement. Pour passer les lois promises lors de la campagne de Lula, il fallait conquérir un tiers de l'Assemblée, ce qui a encouragé l'achat de votes.
-De quelle extraction politique et sociale sont issus les manifestants ?
Il faudrait des études plus précises pour le dire, mais il semble que l'essentiel des manifestants sont de classe moyenne au sens large, ayant souvent connu une ascension sociale assez récente. Une population pas assez riche pour se passer systématiquement des services publics en payant une mutuelle de santé privée, une école privée pour les enfants, un véhicule personnel..., mais qui n'accepte plus la piètre qualité des services publics qu'on lui propose. Politiquement, les profils sont très variés : il y a des militants d'extrême gauche, à l'origine du mouvement, des électeurs du PT plus ou moins déçus, des affiliés au principal parti de droite qui veulent «faire la révolution contre le PT», et une grande masse de personnes peu politisées.
-Ce mouvement exprime-t-il, au fond, un rejet de la présidente Dilma Rousseff à qui on reproche la méthode «trop gestionnaire, technocratique» du PT au pouvoir depuis une dizaine d'années, ou se contente-t-il d'une contestation d'ordre social ?
Le mouvement avait pour l'essentiel des cibles locales : le maire de la ville qui a fait construire tel stade de foot, le gouverneur qui envoie la police militaire réprimer les manifestations... A Rio ou à São Paulo, par exemple, la majorité des manifestants ne visaient pas directement Dilma. Ceux qui le faisaient étaient généralement la frange la plus à droite. Néanmoins, c'est la Présidente qui représente le pouvoir et concentre immanquablement les mécontentements. Sa popularité a d'ailleurs considérablement chuté au mois de juin, alors qu'elle était plutôt populaire auparavant. Sa méthode stricte et son personnage peu charismatique, qui tranchaient tellement avec ceux de Lula, avaient même un temps séduit. Mais il apparaît, là, que son capital sympathie, en particulier auprès des classes populaires, était beaucoup plus fragile que celui de son prédécesseur, qui avait traversé le «mensalão» en demeurant très populaire.
Le mouvement social ne propose pas une alternative claire, explicite et consensuelle aux politiques mises en œuvre par Dilma Rousseff. De ce fait, il est difficile de dire s'il s'agit d'une critique contre une certaine orientation du PT.
Il me semble cependant que le pouvoir a probablement sous-estimé l'urgence, dans une partie de la population et de son électorat, de construire les bases d'un Etat social, en particulier en matière de transport, d'éducation et de santé. Ce désir est le fruit de la croissance économique qui a accru les exigences de bien-être de la population. Et la fin de la croissance économique fait exploser les mécontentements.
-Cette mobilisation populaire signe-t-elle l'essoufflement de ce mouvement politique porté au pouvoir par Lula ? Le PT a-t-il changé de ligne et de nature ?
Entre Lula et Dilma, c'est plutôt le style de gouvernance que la ligne politique qui a changé. Il faut avoir en tête que la ligne du PT s'était déjà fortement centrée à l'accession au pouvoir de Lula en 2002. On parlait alors de «Lula light», qui ne remettait pas en question le libéralisme économique, ne prétendait pas réformer le système d'imposition (qui n'est pas progressif) et comptait sur une croissance forte pour sortir des millions de personnes de l'extrême pauvreté par des systèmes d'allocations totalement nouveaux et enrichir tous les autres. Aujourd'hui, certains arbitrages rendus sont un peu plus conservateurs, en particulier sur des questions de société. Il y a peut-être aussi une difficulté à fixer un cap, convaincre que le gouvernement changera réellement le pays.
-La contestation risque de prendre de l'ampleur avec l'entrée en scène des centrales syndicales appelant à une grève unitaire le 11 juillet. Qu'en pensez-vous ?
Comme je suis historienne, je suis particulièrement mal à l'aise avec les prédictions, je préfère parler du passé ou du présent que de me prononcer sur l'avenir. Tout va dépendre du succès de la grève. Or, le Brésil n'est pas habitué aux grèves générales dans l'histoire récente, il est donc difficile de prédire comment celle-ci se déroulera. Les manifestations avaient, jusqu'alors, plutôt exclu de leurs rangs les signes d'appartenance politique (drapeaux de partis et syndicats). L'entrée en scène des syndicats replace le mouvement dans un cadre plus classique : contre le patronat, contre le gouvernement fédéral, avec des revendications de politiques sociales et de droit du travail. Ce «recadrement» peut éloigner les protestataires les moins politisés ou, au contraire, donner un débouché politique plus concret à la protestation, se renforcer et obliger Dilma Rousseff à faire davantage de concessions.
-Le gouvernement multiplie les concessions et même la présidente Rousseff s'engage à consulter le peuple sur plusieurs questions par référendum. Pensez-vous que ces mesures réussiront à calmer la rue ?
C'est difficile à dire. Pour l'instant, elle n'arrive pas à convaincre. Elle a concentré sa réponse et la communication du gouvernement sur la réforme politique, dont le contenu n'est pas clairement défini et dont la réalisation a été ajournée par des résistances politiques aux Assemblées et dans les partis alliés du PT. Cela donne l'impression que le mouvement n'a pas réussi à déstabiliser le système politique. Le sentiment d'une crise de représentation s'en est trouvé accru.
-La future élection présidentielle, à laquelle l'actuelle présidente est candidate, se joue-t-elle en ce moment à l'occasion de cette agitation sociale ?
Force est de constater que Dilma Rousseff est passée en un mois, dans les sondages, de près de 60% d'opinions favorables avec la perspective de gagner les élections dès le premier tour — ce que Lula n'a jamais réussi — à 30% à peine. Cependant, la présidentielle est prévue pour octobre 2014. De l'eau coulera sous les ponts et le résultat dépendra de la résolution du conflit, de l'évolution de la conjoncture économique, de ce que présentera l'opposition et, probablement aussi, du déroulement de la Coupe du monde de football, si elle a bien lieu au Brésil, ce qui est encore probable.


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