Le Père Georges Jeanney, doyen des Pères Blancs qui assura une bonne partie de sa mission en Algérie, vient de tirer sa révérence à l'âge de 107 ans. Qui des écoliers et des collégiens ayant suivi son cursus scolaire dans l'établissement qu'il dirigea de main de fer dans un gant de velours ne se rappelle pas de lui ? Il serait injuste de ne pas faire témoignage d'estime envers cet homme qui se dévoua pour la cause de l'instruction et l'éducation pédagogique dans le Petit-séminaire, école St-Augustin, situé sur les hauteurs de Notre Dame d'Afrique. Si les familles aisées devaient payer la scolarité de leurs enfants, celles pauvres ou indigentes étaient ménagées dans ce foyer éducationnel où la rigueur était de mise. Tout petits, nous passions le plus clair de notre temps dans cet établissement au piémont de Zghara, coincé entre le centre que dirigeaient les sœurs Clarisse (Alger Nord) et l'école Sainte Monique en contrebas ou encore l'école des Jésuites (actuel CEM Ibn Khaldoun) qui surplombe, elle, l'école des filles tenue alors par les Sœurs Salésiennes. C'était l'âge tendre des mioches des années soixante que nous étions, avant de passer au lycée. Nous fréquentions le Petit-séminaire tenu par Père Jeanney et le non moins gaillard enseignant dit Père économe. Nous avions aussi souvenance du Père Nentus qui, emmitouflé dans sa soutane, dispensait des cours pour le palier supérieur, les collégiens. Après chaque office du matin, nous le voyions parcourir d'un pas lent la grande cour de l'établissement en murmurant son bréviaire. Nous pointions tôt le matin, vers 6h30 sur le seuil de la porte de l'école pour taper dans le ballon que G. Jeanney nous remettait. Premier arrivé, premier servi... Un procédé bien pédagogique qui nous permettait de ne pas être en retard et du coup faire un peu de sport avant la sonnerie de la cloche à 7h45, heure de rejoindre le banc des classes. Nous ne trimballions pas de lourds cartables, et on ne nous gavait pas d'une flopée de matières, juste ce qu'il faut en rapport avec notre âge. C'était le programme public dans un établissement privé. La punition infligée aux auteurs de frasques se résumait, tenez-vous bien, dans leur présence obligatoire pendant les week-ends dans l'établissement pour un complément de cours qui s'apparente davantage à des cours de soutien que Père Jeanney prodiguait dans la bonne humeur et… à titre gracieux. Pour booster les accus des écoliers que nous étions, Père Jeanney nous faisait faire une virée en pleine nature sur les hauteurs de Bologhine, aux alentours du sémaphore, ou «cassait» la cadence du programme en prévoyant des spectacles, de concert avec les instituteurs. La fin de l'année scolaire était ponctuée par une grande fête (kermesse, chants et autres animations artistiques) avant les grandes vacances d'été que nous n'entamions qu'au début du mois de juillet.