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De l'impolitesse à la violence verbale
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Publié dans El Watan le 19 - 10 - 2013

Frustration, ignorance, incompréhension, marginalisation sont le terreau d'une société mal en point, une société désemparée, malade.
Car, au-delà de l'habituelle violence physique — limite condamnable à ne pas franchir — comment expliquer la recrudescence et la banalisation d'une nouvelle forme de violence apparue assez récemment et devenue monnaie courante dans nos échanges et interactions sociales au quotidien : obscénités, insultes, blasphèmes, injures… ? En tant que psychiatre, je vais essayer de souligner les besoins et les motivations qui poussent à recourir à ce type d'interactions sociales, ainsi que les tenants et les aboutissants pour tenter de sensibiliser l'ensemble des acteurs sociaux et politiques concernés.
D'abord, quelques mots sur les hypothèses théoriques : il faut savoir que nous, êtres humains, sommes moins conditionnés que les autres espèces animales par nos programmes biologiques, c'est plutôt par l'apprentissage qui se fait à travers l'interaction avec la famille, les pairs et l'environnement qui crée ce qu'on appelle un «effet de modeling», selon l'adage populaire : «Dis-moi qui tu fréquentes je te dirai qui tu es.» Ajouter à cela les rapports de pouvoir, les inégalités sociales qui sont la genèse des comportements de violence. «Plus une société, une relation est égalitaire, moins le comportement de violence sert de régulateur.»
«L'homme est de nature bon, c'est la société qui le corrompt» (Jean-Jacques Rousseau). En ce qui concerne les aspects psychopathologiques de la question : si l'injure en tant que telle possède un sens psychanalytique freudien, qui est une pulsion destructrice, de mort, elle a aussi une fonction qui est une sorte de figure de style d'argumentation, pour dominer et capter l'attention de l'auditoire, l'«ethos combatif» plus communément baptisé «er rojla», très prisé par les jeunes générations. Aussi, les frustrations ressenties à partir d'offenses non restituées ou relevées vont constituer une succession de ratages à l'origine de l'énoncé de violences verbales destinées à autrui(1). «La violence n'est que la partie visible d'un iceberg d'ignorance.»
En effet, celui qui ne parvient pas par les mots justes à s'exprimer, abandonne très rapidement la sphère du verbal pour se réfugier dans un mode de communication plus agressif. La maîtrise insuffisante de l'expression empathique et de la révélation sur soi apparaît donc comme une forme d'ignorance dont la principale conséquence est de ne point permettre à l'individu de s'exprimer et de s'affirmer tout en respectant autrui et sans recourir à l'agressivité. Concept d'assertivité développé par Joseph Wolpe, psychiatre et professeur de médecine américain, qui le décrivait comme une stratégie communicationnelle associée à une haute estime de soi, ce concept renferme des expressions conscientes, directes, claires et équilibrées, dans le but de communiquer nos idées et nos sentiments ou de défendre nos droits légitimes sans pour autant offenser qui que ce soit(2). «Là où les mots échouent, les maux triomphent !» C'est donc tout naturellement que nous recourons à ce langage agressif de substitution qu'est la violence verbale(3).
En gros, il y a quatre formes d'agression différentes :
* La violence instrumentale : intentionnée et préméditée, elle a comme but de déstabiliser l'autre et le pousser à «craquer». Si la victime fait ce que l'autre veut, il n'a aucune raison d'arrêter, au contraire, l'intimidation «marche».
* La violence de frustration : l'agresseur n'a pas pu exprimer des frustrations vécues et «explose» à un moment ou un autre. C'est la goutte qui fait déborder le vase. L'agresseur réagit en fonction de toutes ses frustrations et pas seulement par rapport au facteur déclencheur. Pour cela, la victime vivra la violence comme disproportionnée et surprenante.
* La violence hiérarchique : l'agresseur appartient souvent à un groupe hiérarchiquement supérieur. Pour affirmer cet ordre des choses, il s'agit donc d'humilier la victime et la remettre «à sa place». Souvent, cette forme de violence reste dans les non-dits ou utilise le soi-disant humour et le sarcasme comme armes. Egalement, l'agresseur va culpabiliser sa victime.
* La violence psychopathologique : l'agression émane d'un processus pathologique, d'une maladie mentale, ou encore de l'abus de certaines drogues(4). L'intérêt de cette question est d'autant plus important que celle-ci prend de plus en plus d'ampleur dans nos vies de tous les jours jusqu'à devenir une évidence. Ainsi, le problème n'est pas seulement limité au travail, mais a surtout lieu dans des espaces où nous nous sentons normalement en sécurité (dans les espaces publics et même à domicile).
Un point important doit être relevé, à mon avis, c'est l'existence d'une «dimension de genre». Je m'explique : les femmes, au-delà de toute tranche sociale, sont désignées inconsciemment dans la société algérienne comme le réceptacle et le défouloir de frustrations et d'oppression de la part de leurs congénères masculins : insultes et obscénités gratuites (si ce n'est plus) sont leur lot quotidien à tel point que les espaces publics de toutes sortes (pour acheter quelque chose ou juste se promener tranquillement) deviennent quasi-infréquentables pour pas mal d'entre elles (avec toutes les conséquences négatives que cela peut engendrer : gêne, culpabilité, frustration, perte d'estime de soi, voire dépression pour certaines que j'ai été amené à traiter). Et ce fléau prend malheureusement de plus en plus d'ampleur, ce qui doit interpeller plus d'un. Une enquête nationale de prévalence de la violence à l'égard des femmes de 19 à 64 ans montre que 33% (le tiers) subissent au quotidien insultes, menaces et pressions psychologique répétées (5).
Au-delà de la dimension de genre, la dimension d'âge aussi a son importance  : chez les enfants et adolescents, la violence verbale peut nuire au développement psychologique. Elle peut nuire aussi au développement social de l'enfant et compromettre sa capacité de percevoir, de sentir, de comprendre et d'exprimer des émotions, ce qui aura des répercussions non seulement à moyen mais aussi à long terme (6). A mon humble avis, un programme scolaire de sensibilisation à la communication avec autrui serait précieux et fort utile aux jeunes générations.
L'agression verbale est une attitude destructrice, insidieuse, elle alimente les rapports de force et nourrit la violence et le stress au quotidien. De ce fait, il incombe à chacun de nous de savoir l'identifier et d'en limiter l'usage. Ceci doit ouvrir un débat de société sérieux et interpeller le législateur et les autorités compétentes, car ces maux dont souffre la société algérienne d'aujourd'hui s'expliquent peu par une vulnérabilité individuelle (un Algérien n'est pas plus schizophrène ou dépressif qu'un Français ou un Chinois) mais bien plus par des dysfonctionnements à l'échelle de toute la société (la contamination se fait toujours dans le sens de la grande vers la petite sphère). C'est en tout cas ce que je constate tous les jours en tant que psychiatre et humaniste dans ma ville natale de Annaba et dans d'autres wilayas.
A mon sens, il y a urgence à réformer le monde du travail et celui de l'éducation, ces deux grands secteurs co-organisés avec l'Etat. Si on ne réforme pas, on fait du dysfonctionnement un mode de fonctionnement. Et ça marche d'autant mieux que tout va mal(7).

Références bibliographiques :
1) Natalie Auger, université Montpellier 3.
2) The Concise Corsini Encyclopedia of Psychology and Behavioral Science publié par W. Edward Craighead,Charles B. Nemeroff.
3) Jean-MarcA David Psychpédagogue, conférencier comportementaliste.
4) Irène Zeilinger, conférence pour les équipes d'entraide - Hôtel de Ville de Bruxelles, 24 novembre 2003.
5) Stratégie nationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes.
6) Comité canadien sur la violence, Ottawa 1993.
7) Cynthia Fleury, psychanalyste et sociologue.


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