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Une société algérienne en souffrance
Mourad Merdaci (Docteur en psychologie clinique)
Publié dans El Watan le 15 - 05 - 2009

Violences familiales, frustrations, régression des valeurs égalitaires… Le psychologue clinicien, Mourad Merdaci, auteur de Folies et Clinique sociale en Algérie (éd. L'Harmattan), publié en mars dernier, décrypte les malaises de la société algérienne.
« Dans l'Algérie actuelle, les personnes produisent leurs folies, car elles ne savent pas vivre ensemble en l'absence de sentiments partagés et de références identitaires. Dans ces situations, la déraison ne réside pas, exclusivemen, dans les dérèglements de la vie psychique et mentale mais dans l'altération de la vie sociale et communautaire. » Dans Folies et Clinique sociale en Algérie, son dernier ouvrage publié aux éditions L'Harmattan en mars dernier, Mourad Merdaci, docteur en psychologie clinique, professeur à l'université Mentouri de Constantine, consultant pour l'enfance et la famille et directeur scientifique de la revue Champs, psychopathologies et clinique sociale, explique comment la folie représente alors une stratégie pour éviter les souffrances et les pouvoirs totalitaires où les migrations, les dissidences violentes, les dévotions et les sexualités indiquent des séquences importantes pour changer, protéger l'existence et exprimer des demandes de réparation politique, psychosociale et affective. Nous lui avons soumis trois problématiques sociétales inspirées de l'actualité : il y apporte son éclairage de psychologue clinicien.
Une étude récente révèle qu'entre 2007 et 2008, 36% de garçons et 15% de filles auraient subi au moins une fois une violence physique à l'école, 35% de garçons et 12% de filles une ou plusieurs agressions dans la rue et 26% d'adolescents une violence physique au sein de leur famille.
Dans tous les cas, la violence exprimée par divers formats d'agression et dans ses nombreux contextes d'apparition révèle un vécu de frustration objectivée ou flottante. Car où commence la violence des maîtres, des parents et celle des enfants ? Il me semble qu'une nouvelle compréhension des phénomènes est indispensable, qui n'est pas forcément appuyée aux seuls indicateurs statistiques souvent conjoncturels ou surfaits. Il faut recentrer la notion de violence dans ses dimensions éthiques, juridiques et de santé publique. Il est patent que beaucoup d'enfants subissent des violences spécifiques, physiques, psychologiques, morales et sexuelles qui appellent au moins trois constats : l'absence de politiques de protection de l'enfance ; la surexposition des enfants aux risques déficitaires ; la formation subjectivée de catégories victimaires par effet de fragilisation. Dans le contexte de l'école, la violence est un paradigme endogène et exogène. Elle est générée par les maîtres, les règles didactiques ou didascalogéniques et la pression à la soumission ; comme elle est véhiculée par les enfants et déterminée par des facteurs de l'environnement socioéconomique, la vie périphérique et l'influence des bandes. Souvent, les enfants produisent une violence limite contre leurs pairs et leurs maîtres, notamment par l'introduction des drogues dans l'espace scolaire. Cette violence me paraît encore sous-qualifiée en Algérie. Le problème de la violence et des maltraitances qui s'y attachent concerne le niveau de leur imputabilité en termes de droit et de santé en fait de possibilité de sanction, de prévention et de réparation. L'Algérie n'est pas dotée de références de droit pour la qualification des seuils juridiques et cliniques des violences contres les enfants et les femmes, ni d'outils opératoires tels que la judiciarisation, le signalement, l'audition et la médiation.
Même en l'absence de statistiques fiables, les médecins et les autorités s'alarment des cas de plus en plus nombreux de suicide. Chaque jour, un Algérien se suiciderait…
Les conjonctures du suicide sont toujours dramatiques pour les victimes, les parents et les praticiens. Pour chaque partie, une part de l'écoute aura été césurée ou ignorée. Il est davantage vrai que la fréquence de production des suicides est alarmante en Algérie, car au-delà de sa dimension psychopathologique articulée à une profonde dépression, le suicide marque une perte de l'attachement protecteur et de la qualité de personne. Devant la formation de comportements violents, de toutes natures, le clinicien s'attache à lire le travail psychodynamique de contention, de solidarité et de défense investie pour surmonter les contraintes et la souffrance. En Algérie, le comportement suicidaire, qui affecte particulièrement les jeunes, inscrit une modalité de communication absolue qui prend ses sources dans des références de culture interférentes. Il s'agit aussi d'une communication de pression et de compénétration des violences, de cristallisation des détresses et des manques. Il me semble aussi que les équivalents suicidaires que sont la toxicomanie, l'errance et l'automutilation sont également des signaux d'urgence.
D'après le Centre d'information et de documentation des droits des femmes et des enfants (Cidef), l'avis de l'opinion publique sur les valeurs égalitaires connaît un inquiétant recul par rapport aux chiffres de l'année 2000. Moins de 15% des femmes en âge de travailler sont actives et parmi elles, les femmes mariées ne sont que 9,6%...
N'ayant pas tous les éléments de construction de l'enquête, ni les dispositifs de biais qu'elle a mobilisé ou validé, je ne me fonderai pas totalement sur les valeurs chiffrées, car elles sont instables, surdéterminées et par endroit non internalisées ni rééchelonnées par un recoupement de contrôle. Mais pour autant que ces chiffres produisent un coefficient de fidélité, il me semble qu'ils sont mal lus. Ainsi, l'impression de recul de l'opinion publique sur les questions sensibles des valeurs égalitaires, mais probablement aussi sur les droits fondamentaux, l'éducation, la sexualité, le mariage ou la procréation, me paraît exprimer un réajustement médian des comportements de représentation dans la société. Il ne s'agit pas d'un recul, mais de l'expression de la modération d'un mouvement d'opinion subjective intervenu dans la proximité de conjonctures pénibles du champ psychosocial. Il me semble que l'impulsion égalitaire qui a prévalu entre 1995 et 2005 a été empreinte de volonté de réparation, probablement sincère, essentiellement inconsciente à l'égard des femmes en Algérie qui ont porté dans la douleur et payé de leur vie les drames circulaires de ce pays. Aujourd'hui, le recentrage de l'opinion générale correspond à un estompage des engagements politiques et sociétaux et au retour de mouvances totalitaires, de sentiments de refus du partage des statuts et de la différence. Sur la nécessaire pondération des chiffres bruts. J'ai souvenir que l'enquête du Cidef annonce que 80% des femmes en Algérie seraient candidates au voilement et au port du hidjab. Il me semble que cet indice est trop marqué pour être pertinent et aider la compréhension des transformations du champ psychosocial. Il y a là une forme de généralisation. Le port du voile doit être nuancé dans sa spécificité spirituelle, esthétique et symbolique. Les gradations du voile dans le champ visuel, qui vont de l'orthodoxie dogmatique au libéralisme érotique, sont corrélées aux gradations de mœurs, d'idéologies, d'appartenances et de valeurs de personnes non assimilables. La manière dont ce résultat partiel est donné à mentaliser équivaut à ériger une équation infondée capable de configurer des passerelles politiques ou sociétales illusoires qui ne préfigurent certainement pas la réalité algérienne.


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