Des milliards de dinars hors budget attribués aux wilayas, des mesures administratives pour alléger la bureaucratie, des prêts sans intérêts et sans impôts pour les jeunes… Le gouvernement est frappé d'une crise de générosité. A moins que cela ne soit en prévision d'un 4e mandat ? Plus de 360 milliards de dinars. Si on n'était pas en Algérie, on pourrait presque dire que c'est Noël avant l'heure. Le père Noël ? Abdelmalek Sellal qui, de sa hotte, a sorti d'énormissimes enveloppes pendant cinq mois de tournée à l'intérieur du pays. Un joli conte qui rappelle un peu 2009. Au cours des mois qui avaient précédé l'élection présidentielle, Abdelaziz Bouteflika avait sillonné le pays, promettant un nouveau plan de développement de 12 000 milliards de dinars sur cinq ans, la construction d'un million de logements et la création de trois millions de postes d'emploi grâce à l'émergence de 200 000 petites et moyennes entreprises. «Sans le moindre doute, ces décisions ont été prises en vue d'un 4e mandat», s'emporte Soufiane Djilali, leader de Jil Jadid et candidat déclaré à la présidentielle. Au RCD, même refrain : «Ces mesures ont certainement été prises en prévision d'un quatrième mandat. Sinon qu'est-ce qui aurait empêché Sellal d'annoncer ça bien avant ?», s'interroge Othmane Mazouz, chargé de communication du parti. Avec les enveloppes, un autre cadeau : l'allégement soudain des mesures administratives. Pour le passeport ? Il ne sera plus exigé de fournir l'acte de naissance n°12 du père du demandeur. Plus encore, le passeport sera délivré dans un délai de huit jours grâce à la suppression de l'enquête de police. Pour le permis de conduire et la carte grise ? Ils peuvent être délivrés le jour même du dépôt du dossier ! Pour la carte nationale ? Le Premier ministre promet une délivrance en 24 heures ! «Il ne faut pas douter des bonnes intentions de l'administration», défend Moussa Service national Touati, président du FNA et candidat déclaré pour 2014, tout en nuançant, «ces allégements arrivent en retard et ils ne doivent pas être pris à la légère. On doit mettre en place des textes pour les organiser.» Plus fort encore : la durée de validité des certificats de résidence passe de trois à six mois. Et il est même autorisé à présent de présenter un acte de naissance n°12, même non légalisé, comme pièce justificative. La lutte contre la bureaucratie dont parlait Abdelaziz Bouteflika au 14e jour de sa campagne électorale de 2009… est enfin lancée. «Nous avons commencé par les choses sur lesquelles on peut progresser rapidement comme l'état civil, la carte grise, le permis de conduire, le passeport...», annonçait Daho Ould Kablia, l'ancien ministre de l'Intérieur en 2011, sans que cela soit suivi d'effet. El Khabar rappelle cette semaine que déjà le gouvernement de Mokdad Sifi (janvier 1994-décembre 1995), sous la présidence de Liamine Zeroual, évoquait les aléas de la bureaucratie. Le président Zeroual, à l'époque, avait intégré au gouvernement un ministère délégué à la Réforme administrative, désignant Noureddine Kasd Ali à sa tête. Ce dernier était chargé de la modernisation de l'administration et du développement de la Fonction publique. Kasd Ali avait confié à la presse, à l'époque, que sa tâche était de «faire renaître la confiance du citoyen en son administration», et que le gouvernement «frapperait d'une main de fer tous les responsables qui n'appliqueraient pas les instructions». Ces mesures ont été prises dans le cadre de la préparation de l'élection présidentielle de novembre 1995 afin de convaincre les citoyens de participer en masse au processus électoral. Mais sans effet réel ensuite. Une dizaine d'années plus tard, à la veille d'un nouveau scrutin, voilà que le gouvernement fait de nouvelles promesses. Dernier cadeau à l'attention des jeunes, électorat non négligeable : la généralisation des prêts bancaires sans intérêts pour les créateurs d'entreprises, action au départ lancée dans le Sud et élargie à tout le pays. Ces jeunes ne paieront pas d'impôts pendant dix ans (aujourd'hui, six). Mais Bilal, chômeur âgé de 24 ans, titulaire d'un master en études sécuritaires internationales, n'y croit guère. Electoralistes Et de citer en exemple la suppression récente de la carte militaire pour participer au concours de la Fonction publique. «Cela ne veut rien dire. Nous devons quand même effectuer notre service, sinon l'armée nous recherche (ils sont 350 000 aujourd'hui à ne pas s'être pliés à cette obligation, ndlr). Et les sociétés, qui vont forcément nous la demander, ne vont certainement pas prendre le risque de recruter des jeunes recherchés. La seule mesure serait d'annuler définitivement le service national.» Des mesures qui exaspèrent encore Soufiane Djilali : «A quelques mois de l'élection présidentielle, voilà que le régime s'aperçoit que les Algériens souffrent de leur administration, et décide en un tour de main de rendre tout beaucoup plus facile ?» Rachid Nekkaz, aussi candidat en course pour El Mouradia, considère que «s'ils ont mis un peu de temps pour comprendre qu'il fallait faire des allégements administratifs», il faut, selon lui, «aller plus loin que des mesures électoralistes. Moi je propose par exemple de mettre en place une administration électronique. Le service militaire n'est pas utilisé pour développer la conscience citoyenne algérienne, il freine le dynamisme de la jeunesse». Pendant ce temps, le père Noël Sellal continue sa tournée, mardi à El Oued, mercredi à Biskra, assurant «au nom du président de la République et du gouvernement, qu'il existe une volonté politique d'accompagner tous ceux qui sont prêts à investir dans le pays.» Et l'agence officielle de presse de commencer un bilan qu'on devine déjà long des trois mandats de Abdelaziz Bouteflika. Le 1er décembre, on apprenait ainsi que plus de 40 000 aides à l'habitat rural avaient été enregistrées à Bouira durant le quinquennat 2010-2014.