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1964-2014, que sont devenus nos énarques ?
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Publié dans El Watan le 20 - 06 - 2014

50 ans et pas une bougie ! L'Ecole nationale d'administration d'Alger célèbre en silence son demi-siècle d'existence. Méconnue, l'école a pourtant formé une partie de l'élite. Parmi ses anciens se comptent de nombreux ministres, diplomates, magistrats, hauts fonctionnaires, chefs d'entreprise, artistes... Souvenirs, souvenirs.
C'est invariablement la même réaction. Les yeux pétillent. Le sourire se dessine. Et les souvenirs, par centaines, remontent à la surface. «Les plus belles années de ma jeunesse», répètent les anciens de l'ENA, avant de se lancer dans le récit de leur «épopée» à Hydra. Le scénario se vérifie quel que soit l'âge ou la fonction occupée. L'inscription au concours est la première étape du périple. «J'étais bonne élève, mais je ne connaissais pas l'ENA, raconte Nouria Yamina Zerhouni, ministre du Tourisme, diplômée en 1979. C'est mon père qui m'a conseillé de tenter l'examen.»
Internet n'existe pas et il faut compter sur les bonnes grâces des PTT pour que le dossier arrive à bon port. «J'ai reçu ma convocation par télégramme», se souvient la ministre, alors jeune bachelière de Tlemcen. A l'écrit, son épreuve de dissertation porte sur «la démocratie». Même souvenir rémanent chez Mohamed El Ghazi qui tente l'examen en septembre 1970. «Le jour du décès de Gamal Abdel Nacer, narre le ministre du Travail. Nous étions passés devant l'ambassade d'Egypte pour nous rendre à l'ENA.»
La réponse tombe quelques semaines plus tard dans le journal. «Je crois que nous avons tous gardé la coupure de presse qui annonce notre admission», sourient Abdelatif Boumedjeria et Ali Lazibi, respectivement diplômés en 1982 et 1983, aujourd'hui cadres dirigeants du groupe Benamor. «Vous imaginez, ouvrir à l'époque le journal et lire son nom, c'était une grande fierté», reprend Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Communication, diplômé en 1978. Tous se souviennent de Missoum Sbih, premier directeur de l'établissement lorsqu'il ouvre ses portes en 1964. «L'ENA, c'était son bébé. Son départ a affaibli l'autorité de l'école», regrette Ahmed Sefouane, vice-président de l'APW d'Alger, diplômé en 1976. «C'est qui d'ailleurs l'actuel directeur ?», demandent les anciens, comme si le nom du responsable de la formation n'avait plus aucune importance.
Lui-même cultive le secret. Au premier coup de fil, sa secrétaire répond qu'il est indisponible. Au second, elle feint de ne pas entendre l'interlocuteur : «Allô ? Allô ?! Allô ?!?» Au troisième, elle ne prend même plus la peine de décrocher. Méconnue, l'ENA a pourtant accueilli dans ses murs une partie de l'élite algérienne. «Dans les anciens, on trouve beaucoup de walis, de magistrats, des officiers supérieurs de l'armée, des diplomates, des ambassadeurs, des grands patrons…», liste Djamel-Eddine Berimi, secrétaire général de la wilaya d'Alger et camarade de promotion de Nouria Yamina Zerhouni.
L'intégralité des noms et des photos est affichée dans le couloir qui mène à la salle des conférences. Certaines promotions retiennent l'attention. La première, celle de 1968, qui ne compte qu'une seule fille et dont l'ancien ministre Cherif Rahmani sort major. Celle de 1974, où se sont connus Abdelmalek Sellal, Mohamed El Ghazi et Brahim Djeffal, actuel chef de cabinet à l'Intérieur. «Abdelmalek Sellal était très drôle. Chaleureux, très bon camarade, raconte Mohamed El Ghazi. Il n'hésitait pas à donner sa part à quelqu'un dans le besoin.» «Déjà amateur de bons mots !», confirme Mahrez Aït Belkacem, qui l'a croisé dans les couloirs de l'ENA ces années-là.
Ahmed Sefouane complète : «Brillant mais modeste. Jamais il n'a eu de prise de bec avec qui que ce soit. Du coup, il était très populaire.» A l'inverse de Ahmed Ouyahia, autre Premier ministre énarque et handballeur à ses heures, Abdelmalek Sellal n'est pas sportif. «Mais c'était un excellent joueur de belote !», confie son ami Mohamed El Ghazi, qui reconnaît avoir été lui-même davantage un spectateur qu'un acteur des matchs de foot qui opposaient les différentes sections et promotions de l'école. Les ministres Cherif Rahmani, Abdelmadjid Tebboune, Mohamed Benmeradi, Ahmed Attaf, Halim Benattalah, Abdelaziz Rahabi ont fait partie de l'équipe de l'ENA. «Amar Belani, actuel ambassadeur en Belgique, était aussi un géant, se rappelle Ahmed Sefouane. Il avait un style à l'anglaise.»
Quand l'emploi du temps le permet, les élèves se retrouvent au foyer de l'ENA pour suivre les matchs internationaux. «Il faut se dire que nous n'avions pas de télévision chez nos parents», explique Ahmed Attaf, ancien ministre des Affaires étrangères, diplômé en 1975. A cette époque aussi, pour enrichir le capital culturel des élèves, des films sont projetés en avant-première. Un dancing, transformé ensuite en amphithéâtre, est prévu pour faire la fête. Celui qui passait les vinyles est devenu depuis secrétaire général du Conseil national économique et social (CNES). Il ne faut pas croire pour autant que les énarques passent leur temps à s'amuser. «L'ambiance était sérieuse», décrit Djamel-Eddine Berimi.
«Nous étions soumis à un climat de concurrence, complète sa camarade Nouria Yamina Zerhouni. Il fallait être fort de caractère pour résister.» Les cours s'étalent du lundi au samedi, de 8h à 18h. Certains professeurs viennent de France, d'Egypte, de Syrie... Il faut s'adapter à leur agenda. «Les cours pouvaient alors être programmés après 18h», détaille Ahmed Attaf. Les séances nocturnes sont fréquentes pendant le mois de Ramadhan, rupture du jeûn oblige. Au restaurant de l'ENA, les futurs commis de l'Etat sont servis à table. Nappe blanche, porcelaine de Limoges, nœud papillon et gants pour les serveurs, l'école met les petits plats dans les grands. Le dimanche, les élèves ont le droit d'inviter leurs amis à déjeuner. «Il fallait nous éduquer à un certain standing de vie», explique Nouria Yamina Zerhouni. Un prestige et une discipline. A l'ENA, les apprentis n'ont pas droit au jean en classe. «C'est là qu'on a tous pris le pli de la cravate», narre Abdelatif Boumedjeria. Quand le professeur entre, les élèves se lèvent. Le respect de la hiérarchie, déjà.
«On dit les “élèves“ de l'ENA et non “les étudiants“ car l'encadrement est celui d'une école», analyse Ali Lazibi du groupe Benamor. L'assiduité et la ponctualité forment un module à part entière. Une note sur 20 est attribuée en fin d'année. Cela laisse des traces. «Dans les administrations, on reconnaît le nombre d'énarques aux voitures sur le parking à 8h. Un énarque est ponctuel», signale un fonctionnaire. A quelques exceptions près. Mohamed El Ghazi confesse avoir séché les cours avec plusieurs camarades lors de la venue de Fidel Castro à Alger. Une entorse au règlement non sanctionnée dans les années 70. Les élèves sont aussi tenus à l'excellence. Impossible de redoubler plus d'une année. Nul n'est sûr d'obtenir son diplôme tant que son nom n'a pas été affiché sur la Rotonde. «La Rotonde, c'est la Mecque des énarques, sourit un ancien. C'est là que sont affichées toutes les informations sur notre scolarité. On passait devant quatre fois par jour, en tremblant.»
Rigueur, travail et méthode sont les clés du succès. Un triptyque à ce jour respecté par Nouria Yamina Zerhouni : «J'ai conservé le souci du travail en groupe.» Autre spécificité de l'ENA : former des cadres efficaces immédiatement. «Grâce à la formation théorique et pratique, les élèves étaient opérationnels 24 h après la sortie !», s'enorgueillit le ministre de l'Habitat Abdelmadjid Tebboune, diplômé en 1969. «En tant que magistrat, j'ai prêté serment avant même d'avoir le diplôme», atteste Mahrez Aït Belkacem, de la promo 76. L'un comme l'autre insistent sur le tremplin social que représente alors l'ENA. «Le papa d'Ouyahia était chauffeur de bus, celui de Sellal boulanger, relate Ahmed Sefouane. Le mien était docker.»
A l'école se côtoient toutes les wilayas. Un brassage social et culturel. Fils de commerçant, Abdelmadjid Tebboune s'était vu proposer un poste de professeur de sport en France avant d'intégrer l'ENA. A lui comme à d'autres, l'école aura permis de gravir les échelons. Avec le souci, avant tout, de servir la jeune nation qu'était l'Algérie. «L'ENA forge en vous l'esprit de commis de l'Etat», insiste Nouria Yamina Zerhouni. A l'époque, le redécoupage administratif crée seize nouvelles wilayas. Les besoins sont criants. «Etre ministre ne me traversait pas l'esprit, raconte Mohamed El Ghazi. Nous voulions tous que nos noms soient inscrits dans les tablettes de la construction du pays.»
«Certains se sont servis de l'Etat plus qu'ils ne l'ont servi», accusent à voix basse ceux qui ont embrassé une carrière dans l'ombre. Parmi eux : Ahmed Sefouane. Avant d'être élu à l'APW d'Alger, l'homme fait carrière dans la Fonction publique. Durant les années noires, il est membre du Conseil national de transition. «Il fallait assumer la pérennité de l'institution et la sauvegarde de la République», justifie-t-il. Il est directeur central à la répression des fraudes de la douane quand il prend sa retraite. A 50 ans. «Oui, j'ai de l'amertume quand je vois un énarque, expérimenté, dont la formation a beaucoup coûté, être mis à la retraite précocement», lâche-t-il. Ils sont nombreux à faire ce constat de la mise à l'écart des énarques. Abdelaziz Bouteflika se méfierait de leur pouvoir.
Un faux argument pour d'autres qui soulignent qu'en 2001, ce dernier, nouvellement élu, préside la cérémonie de diplômes. Jusqu'à son décès, Houari Boumédiène le faisait chaque année. La promotion de 1979 porte son nom. Celle de 1995 rend hommage à une autre figure de l'école : Mehand Mokhbi, le directeur des stages assassiné par des terroristes. «Il ne faisait pas de politique, rappelle Ahmed Sefouane. A travers lui, c'est tout le corps des énarques qui était visé.» Mehand Mokhbi était le trait d'union entre les élèves. «Il nous appelait pour les jurys de sortie, se rappelle Abdelatif Boumedjeria. C'était une façon de rester en contact entre nous.»
De fait, la structuration d'un réseau d'anciens n'a jamais pris. En off, des anciens accusent le népotisme, qui amène des incompétents au plus haut niveau. Mahrez Aït Belkacem se fait plus clair : «C'est vrai que l'ENA est un lobby. Mais ce que nous partageons, c'est un diplôme, pas un intérêt.» L'Association des anciens de l'ENA (ADENA), qu'il cofonde en 1989 avec Ahmed Sefouane, est aujourd'hui dans un état végétatif. «Il y a encore des rencontres, mais c'est trop épisodique, reconnaît l'ancien ministre Ahmed Attaf. C'est une question de tradition qu'on n'a pas su créer. C'est une faute.»
D'autres relèvent que les affectations géographiques et la charge de travail compliquent les retrouvailles. «Mon camarade de chambre est aujourd'hui au Canada, se défend Mohamed El Ghazi. Mais lorsqu'il revient à Alger, on se voit.» Ahmed Sefouane, lui, organise une soirée chez lui chaque mois de Ramadhan. Et puis il y a les mariages, les enterrements…
«Le statut de l'ENA a été revu à la baisse. Ils en ont fait une annexe universitaire», déplore Ahmed Sefouane. «L'ENA a perdu de son lustre», constate Djamel-Eddine Berimi, secrétaire général de la wilaya d'Alger. «L'ENA d'aujourd'hui n'est pas l'ENA d'hier», reprend en canon Abdelmadjid Tebboune. Pour les anciens, les changements successifs de tutelle ont déstructuré l'école. Rattachée au ministère de l'Intérieur, cette dernière passe sous pavillon de l'Enseignement supérieur dans les années 80 avant de revenir à l'Intérieur en 2006. En parallèle, le nombre d'élèves par promotion augmente.
«L'ENA, c'était la qualité par rapport à la quantité», souligne Nouria Yamina Zerhouni. Opposé à l'élargissement du numerus clausus, Missoum Sbih est écarté par le président Chadli. Deux annexes ouvrent leurs portes à Oran et Constantine. «Scinder l'ENA en trois campus était une bêtise fondamentale», dénonce Ahmed Sefouane. L'arabisation aurait aussi porté atteinte au niveau. Une critique balayée par les nouvelles promotions. «L'arabisation, c'était difficile pour certains au début. Mais au bout de la 4e année, nous étions tous de parfaits bilingues», fait valoir un élève de la première promotion «arabisée.» «Ce qui est anormal, c'est de ne maîtriser que le français», l'appuie Mohamed El Ghazi.
Et si l'ENA souffrait des mêmes maux que l'université ? «Pendant les années de braise, c'est tout l'enseignement qui a été déstructuré», reconnaît Nouria Yamina Zerhouni. «Et puis à notre époque, nous étions les premiers de nos familles à accéder au supérieur, atténue Ahmed Attaf. Ça donne un rapport au savoir totalement différent. Nous étions assurés de tout avoir.» «Nous n'étions par les perles rares. Nous étions les seules perles, reprend le même. Avec le recul, j'aurais rêvé que tous les Algériens bénéficient de la même formation que la nôtre.» Décomplexé, un étudiant actuel lui rétorque : «Ah bon ? C'est moins bien maintenant ? Que les anciens réessayent.»


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