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Architecture coloniale, atout ou fardeau ?
Comment les Algériens se sont-ils appropriés les bâtisses coloniales
Publié dans El Watan le 13 - 11 - 2014

Comment les Algériens se sont-ils appropriés les bâtiments et autres biens vacants des colons ? Ces biens laissés en héritage sont-ils adaptés au mode de vie d'une population musulmane ? Soixante ans plus tard, ce «butin de guerre» peut-il être revendiqué comme une partie de l'identité algérienne ? Ce sont-là quelques questions auxquelles ont tenté de répondre Vincent Bertaud Du Chazaud, architecte et docteur en Histoire de l'art, et Soraya Bertaud Du Chazaud, historienne de l'architecture lors d'une passionnante conférence tenue récemment à l'Institut français d'Alger.
Et si, comme l'affirmait l'architecte Jean-Jacques Deluze, le fait colonial était contradictoire avec les possibilités de faire une ville ? Tentatives de réponses des universitaires Bertaud Du Chazaud, architecte et docteur en Histoire de l'art, et Soraya Bertaud Du Chazaud, historienne de l'architecture, à travers trois exemples de constructions entamées dans les années 50'.
Adieu théâtre élisabéthain et jolie piscine !
C'est l'histoire d'un édifice voulu par ses concepteurs comme celui de la réconciliation entre les communautés européenne et algérienne. Soraya Bertaud Du Chazaud, qui a mené une étude sur ce centre, explique que le projet du Centre culturel Albert Camus a été initié lors de la reconstruction d'Orléansville (Chlef aujourd'hui) après un terrible séisme. A cette époque, les Algériens étaient exclus de la ville, vivant dans les fermes alentour. «Il faudra attendre le tremblement de terre de 1954 pour que la ville accepte de s'agrandir et de reloger toutes les populations, quelles que soient leurs origines. La reconstruction de la ville est pilotée par Jean Louis de Maisonseul, peintre et architecte. Il fait venir des architectes ayant des doctrines opposées qu'il met en concurrence», souligne-t-elle.
La ville a été reconstruite en quatre ans, de 1954 à 1958, à 85%, faisant office d'exemple par rapport à la lenteur qu'ont pu connaître des villes détruites après la Seconde Guerre mondiale.Confié à Louis Miquel et Roland Simounet, tous deux nés en Algérie, le projet du Centre culturel débute dans un contexte politique difficile marqué par le début de la guerre. Albert Camus vante néanmoins, dans un article publié dans L'Express en 1955, le «climat généreux» qui y régnait.
Les deux architectes en charge du projet du Centre culturel s'engagent auprès des nationalistes algériens, d'après Soraya Bertaud Du Chazaud. Ils fondent, au moment de la conception de ce centre, un comité pour une trêve civile en Algérie, ce qui vaudra à Roland Simounet d'être emprisonné. «La reconstruction d'Orléansville est perçue, dit Soraya, comme un événement symbolique qui permet aux architectes de créer un nouvel espoir pour rassembler les différentes communautés. Ils voulaient que ce centre permette à la culture de l'emporter sur la division». Connus pour leur style simple et épuré, très influencé par les idées du Corbusier, ils conçoivent, sous les conseils d'Albert Camus, une construction de l'espace scénique inspirée du théâtre élisabéthain, très libre par rapport à la conception classique. La piscine est la pièce maîtresse du Centre, dont le plongeoir peut faire office d'une scène de théâtre.
Le Centre est receptionné en avril 1961, juste après le cessez-le-feu, contrairement à d'autres entreprises qui ont fui l'Algérie et laissé leurs chantiers à l'abandon. «A l'heure où l'on connaissait déjà l'issue de la guerre d'Algérie, les deux architectes étaient présents à la cérémonie d'inauguration», tient à préciser Soraya Bertaud Du Chazaud. Même si le Centre culturel Larbi Tébessi a résisté au séisme qui a secoué la ville d'El Asnam en 1980 contrairement à d'autres édifices de l'architecture nouvelle, il est aujourd'hui très peu exploité. «Ce n'est qu'entre 2002 et 2004 qu'on commence à s'oc^cuper de son état et de sa rénovation, souligne Soraya.
Hormis des modifications à l'intérieur du bâtiment (quelques poteaux et des rideaux en plus exclus du projet de Miquel et Simounet car contraires aux principes du théâtre élisabéthain). En 2012, il ne restait que le Centre culturel. L'enclos d'exposition était à l'abandon, si ce n'est en partie détruit et le centre d'accueil squatté. Le théâtre de plein air et toujours là, la piscine aussi mais elle n'est pas en activité.» Aujourd'hui, précise Soraya, le bureau d'étude qui se charge de la rénovation du bâtiment, mené par l'architecte Mansour Boukhtache, a décidé malgré tous les obstacles administratifs d'essayer de rendre l'âme de ce lieu et revenir aux principes fondamentaux de Miquel et Simounet. Ils ont ainsi, selon elle, réussi à récupérer le centre d'accueil et comptent remettre à disposition la piscine que d'aucuns voudraient faire disparaître car elle poserait «un problème d'intimité».
Quand la ségrégation persiste après l'indépendance
Dans l'Algérie coloniale, la ségrégation passait aussi par les programmes de logements sociaux. Djenan El Hassan est l'un des exemples des «cités de transit» — à cheval entre le bidonville et le HLM — construites pour les Algériens. «Djenan El Hassan a été pourtant réalisé avec une certaine conscience et justesse de la part de l'architecte Roland Simounet. C'était censé être des cités dans lesquelles on ne reste pas longtemps et qu'il y aurait une amélioration par rapport au bidonville que les gens quittaient», explique ainsi Vincent Bertaud Du Chazaud, architecte et docteur en Histoire de l'art. Roland Simounet s'inspire de La Casbah pour établir sa construction à étagements. La cité est structurée par des coursives qui distribuent des logements couverts de voûtes de terre cuite apparente.
Chacun occupe une surface minimale de 16 m2 et est doté d'une loggia de 4 m2. Vincent Bertaud Du Chazaud précise que le programme «Un logement pour tous» a été élaboré par des architectes très proches de la pensée du Corbusier. «Ils ont pris la peine de faire un repérage sur les us et coutumes des gens qui allaient y vivre. Sans vouloir bousculer ces traditions, il a mis en place un croquis de tout le nécessaire d'une famille algérienne : le kanoun, les épices, le réchaud à pétrole…». Roland Simounet se préoccupe aussi de la vue et de l'aération de sa cité. Mais cela ne semble pas figurer parmi les priorités des habitants qui y ont vécu plus de quarante ans. «Sur une photo datant de 2003, commente Vincent Bertaud Du Chazaud, on voit déjà que cet habitat a été transformé. Ce n'était plus une cité de transit, c'était devenu un logement définitif. Dans 20 ou 30 m2, on a besoin d'espace. Les habitants ont fermé les balcons et ajouté des constructions sur le toit.» Aujourd'hui, la cité a été démolie.
Le symbole d'une Algérie à l'abandon
C'est l'une des plus grandes fiertés de l'architecte Fernand Pouillon. «Pour la première fois peut-être, écrivait-il dans ses mémoires, nous avions installé des hommes dans un monument. Et ces hommes qui étaient les plus pauvres de l'Algérie pauvre le comprirent, c'est eux qui baptisèrent la grande place ‘‘Les deux cents colonnes''.» Que penserait le célèbre architecte s'il apprenait que son œuvre est désormais surnommée «Climat de souffrance». Cette cité «simple confort» (selon que l'on soit Algérien ou Européen, il y a deux degrés de confort) devait, dans l'esprit de Jacques Chevalier, maire d'Alger, rendre sa dignité à la population algérienne. Il fait appel à Pouillon qui avait la réputation de construire rapidement à moindre coût.
Dans les équipements, le programme est réduit au minimum dans des surfaces qui avoisinent 40 ou 50 m2. «C'est bien beau de faire ‘‘Versailles pour le peuple'', mais il faut quand même regarder ce qui s'y passe à l'intérieur. Il faut se mettre à la place des personnes qui vont y habiter», affirme Vincent Bertaud Du Chazaud qui se montre peu tendre envers le style de Pouillon. Force est néanmoins de constater que le phalanstère imaginé par l'architecte français se re-bidonvillise. Un étage supplémentaire de baraques a été érigé sur les terrasses. «Celles-ci étaient destinées à être un lien social dans lequel les habitants pouvaient discuter. Aujourd'hui, c'est un logement de plus», fait remarquer Bertaud Du Chazaud. Pouillon voulait faire de cette cité le symbole d'une Algérie nouvelle, elle est devenue celui d'un pays à l'abandon.


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