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J'enseigne pour garder un pied dans la réalité
Kamel Abdat. Comédien et enseignant à l'Université Alger 2
Publié dans El Watan le 14 - 01 - 2015

La rencontre commence par une grève, c'est presque anecdotique. Dimanche, 10h du matin, une semaine après la reprise des cours interrompus par les vacances de fin d'année, Kamel Abdet, l'enseignant de littérature française à l'université Alger 2, arrive à l'ancienne faculté de droit de Ben Aknoun. Le pas décidé, il se dirige vers la salle de cours n°3.
Surprise, la classe est occupée par une autre enseignante et son groupe. Ses étudiants à lui sont absents. La réalité de l'enseignant justifie pleinement le sketch du comédien qu'il est. Intitulé «Lettre au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique», Abdat propose de renommer l'institution en «wizarat el bah'th (ministère de la Recherche)».
Après avoir cherché une salle disponible dans le capharnaüm de préfabriqués insalubres qui constituent les locaux d'enseignement, le fringant trentenaire (il est né trois ans après le printemps berbère de 1980) aborde, au hasard, des étudiants de première année à la quête de ses disciples. «Nous sommes en grève par solidarité avec les étudiants de troisième», répond timidement une étudiante. «Voilà. Ils sont en grève et ne savent même pas pourquoi !», constate Kamel.
«Un jour, mes étudiants sont entrés dans la salle me demandant de les signaler présents mais qu'ils n'allaient pas assister à la séance car ils étaient en grève ! J'ai dû les faire asseoir pour leur faire un cours sur ce qu'est une grève», s'en amuse-t-il. Après avoir exercé dans des écoles privées, Kamel Abdet explique son engagement depuis trois ans dans l'enseignement par son amour de la littérature et de la recherche.
Enseigner est presque sa seconde nature. «Déjà, en 2003-2004, j'enseignais à la troupe que j'ai créée ‘‘Tarwa n'Kateb Yacine'', le théâtre populaire dans le style katébien. Je suis un féru d'instruction, j'aime apprendre, mais malheureusement on manque de formation dans ce pays. Et mon amour pour la lecture et la recherche m'a poussé à m'inscrire dans cette carrière», explique-t-il en assurant que ses profils de comédien et d'enseignant ne s'opposent pas, «ils se complètent.»
Strict, sérieux et calme
Comment est perçu Kamel Abdet l'enseignant ? «Kamel est une aubaine pour le milieu universitaire. C'est un artiste qui pourra beaucoup apporter à la pratique pédagogique et le type de relations entre enseignants et apprenants», affirme Assouane Mohamed Karim, un de ses collègues après un grand éclat de rire complice. «Il est strict, sérieux et calme.
Quand il fait son cours, tout le monde l'écoute. Il n'a rien à voir avec l'humoriste qu'on voit à la télévision, ce n'est pas ce qu'on croyait quand on l'a vu débarquer en classe», assure, sourire aux lèvres, une de ses étudiantes. «En classe, je joue un autre rôle. J'aime donner la parole à mes étudiants, j'écoute beaucoup», explique Kamel. Dénonçant l'absence d'une planification pédagogique rationnelle, l'enseignant de littérature française fait valoir sa méthode. «J'ai essayé d'imposer la lecture à mes étudiants.
Je leur ai proposé de voir des pièces de théâtre ou des DVD, mais j'ai constaté qu'ils étaient hermétiques à tout cela. Alors, j'ai décidé de leur faire découvrir la littérature à travers le théâtre avec des œuvres comme En attendant Godot de Samuel Beckett, La cantatrice chauve d'Eugène Ionesco, ou encore Le roi se meurt. Avec le théâtre, mes étudiants ont appris à prendre du plaisir à lire, même si parfois je suis obligé de faire le parallèle avec le cinéma ou autres pour les contextualiser. Ils manquent de culture générale ; des fois je me sens contraint de faire appel à Chebba Dalila…», plaisante-t-il.
Pour Kamel Abdet, le faible niveau des étudiants n'est pas le travers le plus décourageant pour un enseignant. «Ce n'est pas le niveau des étudiants qui pose problème. Nous mêmes, en tant qu'enseignants, on a été déformés par l'éducation fondamentale. Seulement, nous, on avait au moins la curiosité et la rigueur.
Ce sont les valeurs du travail et de l'effort qui manquent aux étudiants d'aujourd'hui», déplore l'enseignant qui dénonce la généralisation de la triche et du favoritisme. «Je n'aime pas la triche. Je ne supporte pas ça. Quand un collègue ou un responsable administratif me demande une faveur pour un étudiant, je lui donne une note de 5/20. Et je suis étonné de voir ces mêmes apprenants rendre des copies parfaites aux examens de rattrapage ! Y a-t-il fuite de sujets ? Les adeptes de l'amour courtois qui favorisent les belles étudiantes sont nombreux», ironise-t-il.
Tourisme universitaire
Kamel est un adepte des œuvres de Kateb Yacine. Au-delà de sa troupe qui fait référence à l'auteur, l'étudiant Abdet a soutenu son mémoire de magister sur la dernière pièce théâtrale de Kateb Yacine Le bourgeois sans culotte ou le Spectre du Parc Monceau, une œuvre «jamais travaillée», précise-t-il.
Pour sa thèse de doctorat, il a opté pour «Le théâtre populaire de Kateb Yacine ou la réécriture de l'Histoire». «Je suis pour la réécriture de l'Histoire par la littérature, le théâtre et l'art en général et pas seulement par les historiens. Et Kateb Yacine a beaucoup fait dans ce sens», prône-t-il en déplorant le manque de professeurs encadreurs dignes de ce nom.
«Il y en a à peine une dizaine en Algérie. J'ai dû faire presque toutes les universités du pays pour trouver enfin le professeur Ahmed Cheniki qui a accepté de m'encadrer», soutient-il en regrettant le manque d'engagement, de réactivité et de production scientifique des enseignants universitaires. «La plupart des enseignants, y compris les anciens, se contentent de ce qu'ils ont lu dans le passé. Ils ne font plus d'efforts eux non plus. On fait, comme les étudiants d'ailleurs, du tourisme universitaire : on tourne, on blague, on prend des cafés. Et à la fin du mois on reçois notre salaire qui est plutôt une bourse», déplore-t-il.
Abordant le disponibilité des ouvrages, Kamel fait le constat suivant : «dans ce pays, il y a toujours un manque de médicaments et de livres. Les premiers soignent le corps et les seconds l'esprit. Les derniers livres de et sur Kateb Yacine sont indisponibles en bibliothèque comme en librairie». Et de poursuivre : «Lorsque j'ai trouvé ce livre, dit-il en montrant le précis de Littérature Française acheté à 1750 DA, j'ai presque pleuré et embrassé la libraire», plaisante-t-il encore.
La star sans star système
D'une timidité apparente et une sensibilité d'artiste, Kamel Abdat, le regard sombre et profond, semble en pleine période de questionnement sur son avenir. Entre l'artiste et l'enseignant, il essaye de faire face à une réalité qui n'est pas facile ni pour l'un, ni pour l'autre. S'il est comédien dans l'âme depuis sa tendre enfance, Kamel a choisi l'enseignement «pour garder les pieds sur terre» et être toujours en phase avec sa société. «Etre une star dans un pays sans star système, on perd le sens des réalités», pense-t-il en affirmant que la face cachée de l'artiste est une dure existence faite d'incompréhensions et d'arnaques. «On est sans cesse arnaqué.
Alors, avant de commencer un travail, on demande d'abord si on est payé avant de nous renseigner sur le concept de l'émission, c'est triste», dénonce-t-il en déclarant être déçu de l'impact de son dernier DVD sur scène. «J'ai essayé de construire un spectacle avec d'autres comédiens et des musiciens, mais j'ai l'impression que les spectateurs préfèrent les sketchs rapides et sans écriture. En tant que comédiens, on a besoin de scènes, de tournées, de spectacles, mais malheureusement tout cela n'existe pas», déplore-t-il.
Kamel Abdat, l'humoriste révélé au grand public par l'émission de «Qahwet el Gosto» et qui fait aujourd'hui le bonheur de ses fans sur l'autre émission «Pas de panique», est loin d'être un simple comique. C'est avant tout un intellectuel qui veut vivre et partager ses passions. Son art est défini par Andrés Suarès comme suit : «L'art du clown va au-delà de ce qu'on pense. Il n'est ni tragique, ni comique. Il est le miroir comique de la tragédie et le miroir tragique de la comédie.»


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