Des oncologues et des ophtalmologues algériens crient au scandale concernant la prise en charge des cancers de la rétine chez l'enfant (rétinoblastome) dont certains chanceux sont envoyés à l'étranger (précisément en Jordanie). A défaut d'un matériel spécifique, un carbonlaser, inexistant dans les hôpitaux algériens, des dizaines d'enfants sont condamnés à perdre la vue, voire même la vie. «Il y a deux ans, le ministère de la Santé s'était engagé à mettre en place ce type de matériel à l'hôpital Mustapha, mais rien n'a été fait. Des équipes ont été formées à la manipulation de ces appareils et on attend toujours. Il faut savoir que le cancer n'attend pas. Ces enfants sont traités à la chimiothérapie pour éviter l'évolution de la maladie vers d'autres organes et les maintenir en vie, mais à un certain moment on ne peut pas aller loin avec des traitements aussi toxiques que la chimiothérapie», s'indigne le Pr Gachi du service d'oncologie du Centre Pierre et Marie Curie. Elle rappelle qu'il existe des thérapies pour un traitement conservateur et que des médecins algériens sont formés et prêts à traiter ces enfants, mais il faut l'acquisition de ce matériel spécial. «Pourtant, les ministères de la Santé et de la Sécurité sociale ont donné leur accord. Nous ne comprenons pas les raisons de ce retard», a-t-elle ajouté. Et de regretter que de nombreux enfants n'ont pas la chance de bénéficier de traitements conservateurs. Le Pr Gachi a expliqué que dans «le cas de rétinoblastome unilatéral, nous optons pour l'énucléation (ablation chirurgicale de l'œil) ou la radiothérapie, mais en cas de rétinoblastome bilatéral, on procède à l'énucléation d'un œil et au traitement de l'autre». Le Pr Chachoua, chef du service d'ophtalmologie à l'hôpital Parnet, regrette qu'en 2015, des enfants algériens atteints de rétinoblastome ne puissent pas bénéficier de traitements conservateurs dans leur pays. Elle ne comprend pas pourquoi ces appareils ne sont pas encore mis en place, sachant que la prise en charge à l'étranger coûte dix fois plus cher que le prix de ces deux appareils (Retcam caméra pour la rétine et laser infrarouge) qui avoisine les 40 millions de dinars. Elle revient ainsi sur les factures payées par l'Algérie aux différents centres de prise en charge étrangers depuis les années 2000 à ce jour. La dernière en date concerne une trentaine d'enfants pris en charge dans une clinique privée en Jordanie, pour un coût qui avoisine le million de dollars, sans compter les frais de transport. Pour le Pr Chachoua, devant ces chiffres faramineux, le choix doit être vite fait. Elle appelle donc à la mise en place d'une stratégie nationale et à adopter un ensemble de lignes directrice. Elle estime que des centres de prise en charge doivent être mis en place dans les régions Est, Ouest et Centre afin d'assurer l'accessibilité aux soins et l'équité. Comme elle plaide pour le développement et l'amélioration des techniques pour le diagnostic de cette maladie notamment la biologie moléculaire et développer la recherche dans le domaine de la génétique. Les autorités sanitaires sont encore une fois interpellées devant un sérieux problème de santé publique et rappeler que des études ont montré que le rétinoblastome touche un enfant sur 15 000 naissances, soit 20 cas par an.
