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Reportage . Qalaâ Nath Abbès coupée du monde : «Nous en appelons à l'armée pour nous ouvrir la route»
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Publié dans El Watan le 28 - 02 - 2015

Les pieds fichés dans la boue, leurs compagnons tiennent ces cordes à bout de bras, tout en leur prodiguant encouragements et conseils de prudence. La scène est réellement ahurissante d'audace et de danger. Nous sommes à la Qalaâ Nath Abbès, forteresse naturelle perchée à plus de 1000 mètres d'altitude, sur un bout de montagne oublié, à cheval entre les wilayas de Béjaïa et Bordj Bou Arréridj.
Et le village est isolé depuis des semaines. Après la neige, voici venir le temps des éboulis et des glissements de terrain qui obstruent l'unique route qui relie la localité au monde extérieur. Une route ? Plutôt un coupe-gorge qui donne des sueurs froides à toute personne qui emprunte ces 7 kilomètres qui déroulent leurs lacets entre falaises de roches friables au-dessus de la tête et précipices vertigineux sous les pieds. Un cauchemar. La Qalaâ n'a pas d'autre issue que cette dangereuse route de montagne escarpée. D'ailleurs elle tient son nom de cette position de nid d'aigle bâti sur un socle rocheux cerné de falaises.
Chaque matin, vers 7h30, tous les hommes valides du village se rassemblent sur la place publique pour faire le point sur l'état de la route et les urgences. Il faut se mobiliser pour essayer d'ouvrir la route, ne serait-ce que pour quelques heures. Il y a quelques jours, une vieille femme malade a été évacuée à pied, par 30 centimètres de neige, roulée dans une couverture jusqu'à l'ambulance des pompiers qui attendait sur la grande route. Même lorsqu'ils arrivent à dégager ces sept kilomètres de misère, au risque de leur vie, il faut recommencer dans l'heure qui suit. Inlassablement, les éboulis continuent. Tel Sisyphe et son rocher, les habitants de Qalaâ n'en finissent pas de dégager à mains nues des rochers qu'il faut parfois casser à la massette pour pouvoir les jeter dans le ravin. Il pleut des pierres jour et nuit et il n'y a que des habitants désemparés pour ce travail de forçat.
«On risque d'être ensevelis»
A notre arrivée sur les lieux, ce jeudi après midi, une tractopelle et une niveleuse dépêchées par l'APC d'Ighil Ali tentent de dégager la route du torrent de boue et de pierres qui l'obstruent. Considérant les masses de roches suspendues au-dessus de sa tête, l'un des chauffeurs lance aux habitants : «Plutôt démissionner que risquer d'être ensevelis sous les décombres.» Il est vrai que le danger est imminent, mais le chauffeur reviendra néanmoins à de meilleurs sentiments quelques minutes plus tard. «Les moyens de l'APC sont dérisoires, voire inexistants.
Nous en appelons à l'armée pour nous aider à rompre notre isolement. Seuls les moyens de notre armée permettront de sécuriser définitivement cette route», dit Bachir Cherif Saïd, le président de l'association Nadi El Mokrani. «Nous avons adressé des correspondances à toutes les autorités concernées pour attirer l'attention des pouvoirs publics sur les dangers de cette route, mais en vain.
Est-ce qu'il faut attendre un autre drame comme celui d'Aokas pour que les autorités daignent enfin bouger le petit doigt ?» dit-il encore avec une pointe de dépit dans la voix. Les enfants n'ont pas été à l'école depuis des semaines. Les enseignants qui viennent de l'extérieur ne peuvent rentrer et les élèves qui étudient ailleurs ne peuvent sortir. Le village vit en autarcie, replié sur lui-même. Chacun gère comme il peut ses approvisionnements et ses priorités en attendant des jours meilleurs.
La forteresse toujours imprenable
Le fait que la Qalaâ soit bloquée pendant tout l'hiver ne date pas d'hier. L'historien français Charles Féraud nous apprend que le sultan Sidi Ahmed Amokrane, l'un des ancêtres de Mokrani, résidait tout le long de l'année à Qalaâ, sauf en hiver. Pendant cette saison, qui voyait sa forteresse bloquée par la neige pendant de longues périodes, il campait à Aïn Zekra, au sud-est de Biskra et se livrait à la chasse au faucon.
Il nous apprend également que ce grand chef kabyle, mort au combat contre les Turcs en 1596, avait mis sous son autorité l'oasis du Zab, Tolga, Biskra et Touggourt, à la tête d'une armée de 8000 hommes d'infanterie et de 3000 cavaliers. «Il était parvenu à se ménager un appui et une retraite dans le Sud et n'était plus confiné dans ses montagnes à la merci de ses ennemis», écrit Féraud.
Aujourd'hui, Qalaâ n'est plus qu'un village oublié parmi des centaines d'autres. Les habitants qui persistent à résider dans l'ancienne forteresse imprenable des Hammadites sont à la merci des caprices de la nature et, surtout, de la négligence autant que de l'ignorance.
Cependant, même s'il n'a plus son lustre d'antan, il serait faux de croire que Qalaâ Nath Abbès est un village quelconque. Cerné de falaises et de précipices, c'est un site naturel de toute beauté qui attire encore beaucoup de visiteurs et de touristes.
Ses vieilles maisons à l'architecture kabyle typique de l'époque hammadite en font un patrimoine unique en son genre. Outre la tombe d'un héros national du nom de Mohamed El Mokrani, leader de l'insurrection de 1871, Qalaâ compte cinq sites historiques dûment classés et répertoriés. Nulle autre localité ne peut se targuer d'être aussi chargée d'histoire. Entre 1510 et 1610, la Qalaâ a été la capitale d'un royaume qui a tenu tête aux Ottomans et son territoire s'étendait jusqu'aux portes du désert. Il serait vain de parler de son rôle tout au long de l'histoire du pays, de la résistance aux Turcs jusqu'à l'indépendance.
Malgré cet apport à la construction de l'Algérie depuis plus de 5 siècles, la Qalâa se retrouve aujourd'hui abandonnée, avec le statut d'un lieu-dit dépendant d'une commune sans ressources. Dans le petit bureau qui sert de siège à l'association Nadi El Mokarni, Bachir Cherif Saïd nous dévoile les plans du grand mausolée que les pouvoirs publics s'apprêtent à construire à la gloire de Mohamed El Mokrani.
Le projet a été approuvé et on n'attend plus que le lancement des travaux. «Cela fait plus de trois ans que nous avons décidé de ne plus organiser de commémoration comme nous le faisions chaque 5 mai, date anniversaire de la mort de Mokrani sur le champ de bataille. Les autorités viennent ici manger un bon couscous, s'extasier devant la beauté du site, faire mille et une promesses avant de repartir en nous tournant le dos», dit-il. «A quoi ça sert ? Nos problèmes sont les mêmes depuis l'indépendance», lance-t-il encore. Sur ce, il nous emmène faire un tour dans les ruelles étroites du village où beaucoup de vieilles maisons se sont encore effondrées suite aux dernières intempéries. «Nous essayons de maintenir le village en vie, mais beaucoup d'habitants fuient vers la ville.
Pas d'école, pas de transport, pas de dispensaire de santé, pas de gaz, pas d'eau courante depuis un mois, comment voulez-vous que les gens restent ici ? Même pour une simple injection, il faut se déplacer jusqu'à Ighil Ali, à 25 kilomètres», dit-il. C'est pour cela que les malades, les femmes enceintes et les personnes fragiles doivent prendre leurs dispositions et quitter le village pour ne pas risquer de se retrouver, en cas d'urgence, prisonniers.
En fin de journée, le chef de la daïra et le président de l'APC d'Ighil Ali arrivent sur les lieux. Bloqués comme tout le monde par les éboulements, ils doivent continuer le trajet à pied jusqu'au point où s'effectuent les travaux de déblaiement. Il s'ensuit une discussion parfois houleuse avec les citoyens. Le chef de la daïra finit par suggérer un palliatif : ouvrir une piste pour rompre l'isolement du village.
Tout le monde sait que cela va demander beaucoup de temps et d'efforts.
En attendant, le problème reste le même : les habitants sont bloqués et exposés au danger des chutes de pierres. Sur le chemin du retour, nous croisons Fekous Abderrahmane qui rentre au village son sachet de provisions à la main. Il est allé faire des achats à Tizi Lekhmis et il rentre à pied, souriant malgré le froid, la longueur du trajet et les risques de recevoir un rocher sur la tête. Il a profité de l'accalmie pour faire ses achats comme beaucoup d'habitants. Sauf que Ammi Abderrahmane a 92 ans…


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