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Soutenir madame Benghebrit, c'est plaider en faveur de la renaissance de l'école algérienne(*)
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Publié dans El Watan le 20 - 08 - 2015

Universitaire, fondateur du Think Tank «Cercle d'études et de réflexion sur l'insertion de l'Algérie dans la globalisation»
C'est au moment où le ministère de l'Education nationale est, enfin, dirigé par une personnalité compétente et experte des questions de l'enseignement, que fleurissent à son encontre les plus inadmissibles procès d'intention, émanant de certains milieux pour lesquels la défense de la langue arabe n'est, en fait, qu'un slogan politique.
Madame Benghebrit est accusée de vouloir remettre en cause la primauté de la langue arabe dans l'enseignement scolaire en défendant la thèse, pourtant largement adoubée par les systèmes éducatifs contemporains les plus performants, de l'utilité du recours aux langues vernaculaires.
Ces langues sont une des composantes essentielles de l'identité algérienne, laquelle ne saurait se réduire à sa double dimension arabe et musulmane, si grande que fut l'insistance des pères fondateurs du nationalisme algérien à mettre en avant cette double généalogie des
algériens pour les convaincre de résister à un colonialisme particulièrement rétrograde.
Madame Benghebrit n'a jamais affirmé ni laissé entendre que son objectif de redressement de l'école algérienne (laquelle est bien mal en point) passait par la mise à l'écart de la langue arabe classique ni de l'obligatoriété de son enseignement, à tous les niveaux du cursus scolaire, jusqu'au lycée en passant par le collège.
Plus soucieuse que l'ensemble de ses prédécesseurs de la dégradation en forme de surexponentielle du niveau de l'enseignement ainsi que de la déscolarisation massive des élèves, dès la fin du cycle primaire (elle toucherait quelque 68% des garçons, tous issus des milieux défavorisés), Madame Benghebrit, reprenant à son compte les vertus démontrées de l'inculcation du savoir aux élèves par le truchement de la langue maternelle (qui n'est pas la langue arabe officielle), tente d'amorcer le renouveau de l'école algérienne avec une obstination et un courage exemplaires, mais aussi dans une solitude impressionnante.
L'héritage que Madame Benghebrit a reçu en dépôt en mai 2014 a été longuement décrit et analysé par plus compétent que moi, et encore récemment, par le journaliste Hassen Ouali (El Watan du 11 août 2015).
Ce ne sont pas seulement les prédécesseurs de la ministre de l'Education nationale qu'il convient de mettre en cause, mais l'ensemble des élites politiques, administratives, culturelles, sociales pour lesquelles l'école ne devait jamais occuper la centralité qui est aujourd'hui la sienne dans les Etats qui sont à la pointe du progrès scientifique, de la recherche et de l'innovation.
Ces élites se sont d'autant plus facilement arrangé avec l'incurie du système éducatif, qu'elles se sont empressées d'inscrire leurs enfants dans des établissements scolaires étrangers (depuis la maternelle jusqu'au lycée), les faisant ainsi échapper à l'indigence de l'enseignement officiel.
Parmi les innombrables contempteurs de Madame Benghebrit, on compte force arabophones patentés, détenteurs de la nationalité française dont jouissent également leurs enfants, lesquels sont assurés de poursuivre leurs études à l'étranger et pour certains d'entre eux revenir le cas échéant en Algérie pour y exercer temporairement des activités en qualité d'expatriés, donc d'étrangers, bénéficiant à ce titre d'une généreuse réglementation des changes leur permettant de transférer la quasi-totalité des revenus de leur travail.
Madame Benghebrit, quant à elle, est une algérienne à part entière qui a consacré sa vie à l'enseignement et à la recherche dans le domaine des sciences sociales, déclinant les nombreuses offres de professeur en titre qu'elle avait reçues des plus prestigieuses universités et centres de recherches du monde et cela en pleine «tragédie nationale». Elle a fait le choix de rester en Algérie et de se battre pour son idéal.
De ce seul point de vue, elle n'a aucune leçon de
patriotisme à recevoir de qui que ce soit.
LE DRAME DE LA DIGLOSSIE
Revenons au fond du sujet. De quoi s'agit-il ? Constatant que la diglossie, autrement dit la coexistence de deux variétés linguistiques sur un même territoire, porteuse, l'une et l'autre, de statuts et de fonctions sociales différentes, constituait un obstacle dirimant au redressement de l'école algérienne, Madame Benghebrit entend rompre avec ce dualisme qui entretient une segmentation culturelle et sociale des élites algériennes. L'identité nationale ne peut se comprendre en dehors de l'usage d'une langue commune parlée écrite et sans cesse enrichie par ceux qui la pratiquent et dont la vocation est de contribuer à en faire un outil linguistique opérationnel et moderne.
Pour des raisons historiques spécifiques à l'Algérie, la diglossie est chez nous plus profonde que celle qui prévaut dans les autres pays arabes dont certains ont pu trouver la parade en hissant la langue de l'ancien colonisateur en outil de communication et d'échange dans le monde des affaires et dans les secteurs clés de l'administration.
La ministre de l'Education nationale veut mettre un terme à une situation schizophrénique qui fait de la langue parlée classique la variété haute du langage (enseignement, recherche, médias, communication officielle, etc.) et la langue daridja la variété basse du langage, la cantonnant à la poésie, au folklore et en partie seulement au théâtre et au 7e art.
Les spécialistes en sciences du langage savent que la diglossie est un phénomène sociétal qui est caractérisé par la cohabitation et la répartition codifiée de plusieurs variétés linguistiques. Le drame ne réside pas dans le fait que l'Algérie connaisse la diglossie (langue arabe officielle/ amazigh, targui, tassalhite, chenoui, taznatit, tumzabt, etc.). D'autres pays, appartenant au monde développé, la connaissent également à des degrés divers. Le problème est que notre pays entretient des situations diglossiques, sans bilinguisme, alors que des pays comme l'Espagne, l'Italie, la Grèce, la Turquie, l'Iran et Israël sont parvenus à encadrer la diglossie, dans ses différentes manifestations, par un bilinguisme qui fait coexister la forme haute du langage avec les formes basses que constituent les parlers locaux et les dialectes. Ce bilinguisme unifie les représentations symboliques des élites et permet la mise en place d'un système éducatif, homogène et cohérent, qui limite le taux de déscolarisation due à l'inadaptation des élèves au contenu de l'enseignement qui leur est dispensé.
En cinq décennies, l'arabe dialectal n'a pu accéder à un statut officiel. Pourtant, il n'a nulle vocation à venir écorner — ce qui est la crainte infondée des puristes — le prestige, voire le caractère sacro-saint de la langue arabe classique, seul véhicule linguistique à ce jour à légitimer l'interprétation intellectuelle et symbolique des écritures saintes.
Quelque réserve que cela puisse inspirer, la modernisation de l'arabe dialectal, autrement dit de la daridja est devenue un impératif, car il constitue le seul viatique à la sortie définitive d'une diglossie aliénante et invalidante pédagogiquement, culturellement et socialement. C'est au contact permanent de l'arabe classique que la langue maternelle peut s'enrichir et se développer. L'objectif de Madame Benghebrit est en réalité, à l'opposé du procès que l'on instruit contre elle, celui de vouloir subrepticement refranciser l'enseignement primaire.
C'est au contraire en s'élevant contre l'enseignement de la daridja, et par conséquent en la privant des immenses potentialités d'enrichissement qu'elle recèle en symbiose scientifique avec la langue arabe classique, que les prétendus gardiens des Tables de la loi légitiment la primauté durable de la langue française, feignant de croire, au passage, que c'est bien sur le terreau fertile de la diglossie que la langue française impose sa suprématie. Quel paradoxe !
LA LANGUE FRANÇAISE RESTE LA LANGUE DE LA PROMOTION SOCIALE
Reste, pour élargir le périmètre du débat, un problème économique et social qu'il faut avoir la lucidité de regarder en face. Quelle est la langue de la réussite scolaire et professionnelle en Algérie ? Quelle est la langue de la promotion sociale ? C'est bien la langue française et, comme dit plus haut, c'est exactement pour cette raison que les élites arabophones, dont la marque de fabrique est la duplicité, obligent leurs enfants à la maîtriser.
A la question de savoir quelles perspectives peut ouvrir dans le domaine professionnel la maîtrise de la langue arabe pour les élèves du collège et du lycée, la réponse est invariablement la même : aucune.
On le voit bien au Maroc, en Tunisie, en Egypte où l'écrasante majorité des demandeurs d'emploi, pourtant titulaires de bac +4, voire bac+ 5 sont des arabophones ; les multinationales, les cabinets de conseils et d'audit, les écoles supérieures de formation n'admettent aucun arabophone intégral, lequel est soumis, dès le dépôt de sa candidature, à une série de tests en langue française et/ou anglaise qu'il n'a aucune chance de passer avec succès.
Est-ce bien ce que certains, qui ont mis leurs enfants à l'abri, souhaitent pour l'Algérie ? Si l'on organisait un référendum, demain, en Algérie, en posant aux parents la question suivante : «Voulez-vous que le nombre d'heures d'enseignement des langues étrangères dispensées à vos enfants au primaire, au collège et au secondaire soit largement supérieur à celui dédié à la langue arabe et que l'Etat y mette tous les moyens à cette fin ?», on peut prendre tous les paris que l'on voudra que la réponse sera oui à plus de 95%.
Aucune famille algérienne n'est dupe des vertus prêtées à l'enseignement de la langue arabe officielle et cela depuis 40 ans (à commencer par le nationaliste arabisant et ombrageux qu'était le président Boumediène). Force est pourtant d'admettre que Madame Benghebrit n'a jamais eu la moindre velléité de refranciser l'enseignement primaire, alors même que le débat est largement ouvert dans la société, même s'il est encore inaudible.
COMMENT SORTIR DU TUNNEL
Si les Algériens entendent multiplier les chances pour leurs enfants d'accéder au savoir moderne et de rattraper l'incommensurable retard qui nous sépare des nations qui ont investi dans le savoir et la connaissance, il est impératif :
a)- d'œuvrer à la modernisation de la langue arabe et d'en désacraliser le contenu (seul le texte coranique est sacré) ;
b) de reconnaître officiellement l'ensemble des langues et parlers vernaculaires qui forment le large spectre de notre identité multiple, à l'instar de ce qu'a reconnu le Maroc frère ;
c) s'atteler à la traduction des œuvres littéraires de nos auteurs et de celles portant sur notre histoire (n'est-il pas honteux que les récits, nouvelles, pièces de théâtre, romans de Camus «l'Algérien», aient été traduites en japonais, en farsi, en ourdou, mais toujours pas en arabe) ;
d) cesser de censurer les auteurs qui sont les pionniers de la pensée arabe contemporaine, une pensée totalement délestée de tout stigmate de la colonisation et de l'aliénation culturelle dont celle-ci était porteuse.
Enseignant moi-même depuis 1990 en langue arabe aux étudiants en droit, avocats et magistrats, je n'en suis que plus à l'aise pour appeler de mes vœux une refondation de l'école algérienne sur la base des principes définis par Madame Benghebrit et destinés à rehausser le prestige d'une langue qui a été le vecteur d'une des plus brillantes civilisations de l'humanité.
L'ALGERIANITE DE MADAME BENGHEBRIT EST AU-DESSUS DE TOUT SOUPÇON
Pour terminer mon propos, je dois dire quelques mots sur le débat nauséeux à propos de la généalogie de Madame Benghebrit. D'une façon générale, l'antisémitisme primaire ne mène nulle part.
De façon plus précise, il fait litière de la circonstance que plusieurs centaines de milliers de nos compatriotes, qui sont des algériens à part entière, sont descendants de Berbères judaïsés.
L'honneur des arabes sera sauf le jour où ils se mettront en quête de récupérer leurs propres territoires annexés par Israël en violation flagrante des règles du droit international et ne feront plus leur deuil d'un Etat palestinien indépendant exerçant sa souveraineté sur un territoire viable. Tout le reste relève de la veulerie et de la lâcheté.
Quant à Madame Benghebrit, il s'agit d'une authentique algérienne, issue de l'Algérie profonde dont le père a été un des plus exigeants défenseurs de l'indépendance nationale et de la sauvegarde de notre patrimoine culturel et historique.
Seule une femme portant dans son cœur cette Algérie tourmentée et meurtrie pouvait affronter, avec autant de stoïcisme et d'abnégation, le concert d'imprécations qui a accueilli ses propositions de réforme. Le salut de l'école passe désormais par le maintien de Madame Benghebrit à son poste (son plan de dix ans va certainement transformer l'école algérienne) ainsi que par le feu vert des sommets de l'Etat pour qu'elle poursuive son sacerdoce.
* La détermination de Madame benghebrit à hisser l'école algérienne au plus haut niveau.


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